Aromathérapie
FORMATION CANINE
Auteur(s) : Valentine Chamard Conférencier Ronan Cognet (N 97), praticien à Tinténiac (Ille-et-Vilaine) Article rédigé d’après le webinaire du Répaas, réseau de phyto-aromathérapie vétérinaire de l’AVEF, AFVAC et SNGTV, « De l’utilisation des huiles essentielles chez le chat », disponible en ligne.
Dans la bibliographie, les dangers liés à l’utilisation des huiles essentielles chez le chat ne sont pas clairs. Les chats ont un déficit en enzyme glucuronyl transférase, ce qui rendrait les phénols plus difficiles à transformer. Une certaine difficulté à métaboliser les cétones et les aldéhydes aromatiques est souvent également supposée. Il est donc important de connaître les particularités du chat pour pouvoir trancher sur l’utilisation des huiles essentielles (HE) et les utiliser au mieux selon la balance bénéfice/risque.
Des particularités physiques
La peau des chats est fine, ce qui facilite le passage transcutané rapide des produits topiques. Mais c’est également le cas de beaucoup d’autres espèces sans pour autant augmenter les risques liés à leur utilisation. On pourrait en théorie craindre que leur organe voméro-nasal, particulièrement sensible, se retrouve saturé par les molécules volatiles présentes dans les huiles essentielles. En réalité, ce risque n’est pas plus important chez le chat que chez les autres espèces dotées de cet organe. En revanche, leurs voies respiratoires sont très sensibles, avec plus de risques de bronchospasmes, en particulier lors de réalisation d’inhalations. Il faudra donc faire attention lors de leur utilisation. De par leur poids, il conviendra de se méfier du risque de surdosage en regard des recommandations établies pour les animaux plus lourds. Enfin, leur fréquence de toilettage quotidien par léchage principalement, peut faciliter l’ingestion de produit.
Un déficit en glucuronyl transférase
À la différence du chien, les chats ont un déficit en glucuronyl transférase qui nécessite d’adapter les posologies de certaines huiles essentielles ou médicaments chez eux, en particulier pour les composés phénoliques (dont paracétamol, aspirine).
Ce déficit est lié à une pseudogénisation, soit une désactivation du gène codant pour l’uridine diphosphate (UDP) glucuronyl transférace (UGT 1A6) par accumulation de mutations délétères pour le gène codant pour l’UDP glucuronyltransférase (UGT 1A6), il y a environ 11 à 35 millions d’années. Cette enzyme a pour fonction de détoxifier les composés phénols. Seule la glucuronoconjugaison des groupements phénols leur est problématique.
Ils ont également une moins bonne capacité à acétyler (absence de N-acetyltransferase 2 [NAT2] comme chez le chien). Les molécules conjuguées issues du métabolisme de phase II ont une demi-vie plus longue chez le chat. Néanmoins, ceux-ci sont capables de compenser par d’autres voies en réalisant des sulfoconjugaisons ou conjugaisons à la glycine.
Les phénols et apparentés toxiques
Quatre molécules présentes dans certaines huiles essentielles sont citées en particulier en raison de leur risque possible pour le chat à cause de leurs composés phénols : le carvacrol, le thymol, l’eugénol et le cinnamaldéhyde.
Le carvacrol est éliminé sous forme d’alcool tertiaire dérivé d’une oxydation. Il a des propriétés hépatoprotectrices. Les données concernant sa génotoxicité sont en revanche contradictoires et nécessitent de l’utiliser avec précaution. Son utilisation ne comporte pas de risque cutané en dilution à 1 % et il est bien toléré même par les peaux sensibles. Il est retrouvé, dans des proportions différentes dans l’origan, la sarriette des montagnes et des jardins, le serpolet, le thym à thymol, l’origan d’Espagne et vert.
Le thymol est excrété sous forme de conjugués glucuronides et sulfates. Son oxydation donne du thymoquinol, toxique chez le chat. Mais aux doses de 40 mg/kg, aucune quinone type thymoquinol n’est isolée par transformation des phénols par oxydation, rendant son utilisation assez sûre à ces doses. À plus forte dose, il peut provoquer des irritations gastriques. Il est utilisé comme protecteur gastrique à 15 mg/kg. Il est hépatotoxique ou au contraire protecteur hépatique en fonction de la dose utilisée, de même pour la génotoxicité. La molécule de thymol isolée est hépatotoxique mais lorsque l’on considère l’huile essentielle de thym par exemple dans son intégralité et à faible dose elle sera plutôt hépatoprotectrice. Il est proposé en plus ou moins grandes quantités dans le serpolet, le thym vulgaire, le thym à thymol, le thym à feuille de sarriette, l’ajowan, l’origan d’Espagne et vert.
L’eugénol épuise le glutathion. À basse concentration, il est hépatoprotecteur, antioxydant, anti-inflammatoire, antimutagène et anticarcinogène. À forte concentration, il est pro-oxydant, hépatotoxique, cytotoxique et légèrement irritant pour la peau, rendant sa dilution conseillée. Il est contenu dans la cannelle, le clou de girofle, le laurier noble, le basilic à linalol, la bay Saint Thomas, la cannelle écorce de type Sri Lanka.
Le cinnamaldéhyde a une excrétion urinaire en acide hippurique après conjugaison avec du glucuronide ou de la glycine et de l’acide benzoïque. Il est irritant cutané et sensibilisant. Il entraine une toxicité chronique avec modification du foie et des reins. Il faudra faire attention à ses effets lors de l’utilisation d’huiles essentielles dans lesquelles il est présent, telles que la cannelle écorce type Sri lanka ou feuille, les feuilles type Chine, l’écorce Vietnam.
Cas particulier de l’huile essentielle de gaulthérie ou de bouleau blanc : on peut retrouver du salicylate de méthyle dans celui-ci, converti en acide salicylique, potentiellement à risque chez le chat, ce qui nécessitera d’en adapter le dosage.
Revue des cas de toxicité
Entre 2008-2009, 50 cas d’intoxication aux huiles essentielles chez le chat ont été relevés, dont 44 % à partir du géraniol (monoterpénol) utilisé dans des antiparasitaires vendus en pharmacie ou supermarché. Souvent, la dose n’était pas respectée et l’ingestion se réalise lors de la toilette. La gravité a été modérée dans 45,5 % des cas et bénigne dans 40,9 %, avec un pronostic favorable et une gravité exceptionnelle.
Lors d’une étude en lien avec les intoxications liées à l’utilisation d’arbre à thé (2002-2012)2, sur 443 animaux exposés à cette huile, 76 % étaient des chiens contre 24 % de chats. En tout, chien et chat confondus, 47 % de cas ont été classés comme intoxications avérées. Parmi ces intoxications, 3 chats ont eu des atteintes nerveuses suite à une utilisation cutanée à haute dose, l’un d’entre eux est décédé. Aucune réaction allergique n’a été signalée.
L’huile des pots-pourris peut provoquer des ulcérations buccales ou linguales. Néanmoins, aucune complication à long terme n’a été rapportée. L’huile de pot-pourri contient des détergents cationiques dont des ammoniums quaternaires qui attirent les chats.
Utilisation des huiles essentielles phénolées
Plusieurs études ont observé les effets des huiles essentielles phénolées chez le chat et démontré leur intérêt. Une étude s’est intéressée à l’utilisation de shampoing antifongique avec les huiles essentielles de Thymus serpyllum, d’Origanum vulgare, et de Rosmarinus officinalis dans de l’huile d’amande douce et semblerait être une alternative intéressante, naturelle et sans toxicité, au traitement topique classique de la teigne4. Une autre étude chez le chat et le chien a étudié l’effet antibactérien de l’huile essentielle de cannelle et pourrait se montrer intéressante dans la prévention des affections bucco-dentaires5. Les différentes études actuelles sur l’implication des huiles phénolées dans les intoxications aiguës reste marginale, un cas a été rapporté avec l’utilisation hors autorisation de mise sur le marché de Perubore. Aucune donnée n’existe concernant les cas d’intoxications chroniques.
En conclusion, les huiles essentielles phénolées présentent une gravité bénigne dans 50 % des cas rapportés d’intoxication chez le chat. La majorité de celles-ci concerne des applications de produits insectifuges, des mésusages, de l’auto-médication ou des accidents ménagers avec des produits n’ayant rien à voir avec la santé.
À des doses thérapeutiques et avec un usage cadré, les huiles essentielles phénolées sont utilisables chez le chat. De nombreux produits vétérinaire en comportent d’ailleurs déjà sans toxicité associée.