Revue de presse apicole - La Semaine Vétérinaire n° 2050 du 04/10/2024
La Semaine Vétérinaire n° 2050 du 04/10/2024

FORMATION MIXTE

Auteur(s) : par Tanit Halfon1. https://lc.cx/l5bIe0

Des preuves d’émergences virales avec l’arrivée de Varroa à Ouessant

Une étude1 s’est penchée sur les effets de l’introduction de Varroa destructor sur l’île d’Ouessant en France, jusqu’à il y a peu indemne du parasite. Ce dernier a été confirmé en 2021, à la suite d’épisodes de forte mortalité de 50 à 70 % des ruches au cours de la saison. Cette situation a permis d'étudier le rôle du parasite en tant que vecteur viral. Pour ce faire, les scientifiques ont comparé le niveau de portage de plusieurs virus chez les abeilles mellifères et deux espèces de bourdons sauvages (Bombus pascuorum et Bombus terrestris), avant et après l’arrivée de varroa. Un des jeux de données était issu d’un précédent projet d’étude, qui avait comparé le portage viral de populations de pollinisateurs entre territoires indemnes (dont l’île d’Ouessant) et touchés par l’acarien. Il est ressorti que la prévalence pour le virus des ailes déformées, génotype B (DWV*) avait augmenté de manière significative chez Apis mellifera, passant d’une prévalence d’environ 15 % en 2015, à près de 90 % en 2022. Même chose pour les charges virales. Le DWV-A n’a pas été détecté en 2015, mais a été retrouvé en 2021 et 2022 avec une faible prévalence d’environ 10 %. Côté Bombus, une augmentation de la prévalence et du titre en DWV-B a aussi été notée mais plus tardivement que les abeilles. Aucun DWV-A n’a été détecté chez les bourdons. Le virus de la paralysie lente (SBPV*) a aussi augmenté chez toutes les espèces, mais avec un effet retard par rapport au DWV. Le virus de la cellule royale noire (BQCV*) n’a été détecté que chez les abeilles domestiques, avec un faible niveau de prévalence et une baisse au cours du temps. Pour les scientifiques, ces données confortent « les effets rapides et profonds de la transmission par vecteur, qui peuvent s’étendre au-delà des espèces hôtes directement touchées ». De plus, les conséquences sur les populations d’abeilles dépendent de la virulence de l’agent pathogène. En témoigne la baisse de BQCV qui peut être due à une forte virulence, avec un hôte qui est tué rapidement empêchant l’achèvement du cycle de reproduction.

Varroa, un vecteur efficace de différents virus pour l’abeille domestique

Une étude1 s’est penchée sur l’impact général de varroa sur « l’assemblage viral » de l’abeille domestique. Pour ce faire, une analyse d’échantillons historiques a été faite pour quatre régions du globe, le Canada, le Royaume-Uni (et l’île de Man), la Nouvelle-Zélande et la Scandinavie. Quatorze virus ont été testés2. Parmi les résultats, il est ressorti que la présence de varroa était significativement associée à un plus grand nombre de virus dans les colonies, et une prévalence plus élevée du BQCV, CBPV, DWV-A et SBV*. De même, elle était associée à des charges plus élevées de BQCV, DWV-1 et LSV-2, et des charges plus faibles de BSRV. L’augmentation de la prévalence et la charge du DWV-A « a été de loin le changement le plus important dans la communauté virale de l’abeille ». À ce sujet, des travaux expérimentaux ont montré que ce sont les spécificités de la voie de transmission virale par l’acarien – injection directe du virus dans les pupes au lieu d’une transmission orale chez les adultes, en association avec un effet immunosuppresseur – qui favorisent des titres viraux élevés et la diffusion rapide de la maladie. La hausse de la prévalence de CBPV et SBV, sans augmentation de la charge virale, pourrait être en faveur d’un comportement opportuniste de ces virus, qui pourrait « bénéficier indirectement de l’affaiblissement général des abeilles par l’acarien plutôt qu’une transmission directe » (avec une transmission horizontale de ruche à ruche). Ce comportement opportuniste est aussi évoqué pour le LSV-2. Pour les scientifiques, ces données montrent que varroa affecte l’épidémiologie de plusieurs virus, et pas que du DWV, et ce indépendamment de la région géographique. Dans ce contexte, « l’augmentation du potentiel de transmission des virus constitue une menace sérieuse pour les autres insectes pollinisateurs ».

  • 2. À noter que la collecte des échantillons a eu lieu en 2010-2013, avant que le génotype B du DWV devienne dominant.
  • * BQCV : Black Queen Cell Virus. BRSV : Big Sioux River Virus. CBPV : Chronix Bee Paralysis Virus. DWV : Deformed Wing Virus. LSV : Lake Sinaï Virus. SBPV : Slow Bee Paralysis Virus. SBV : Sacbrood Virus.