Certibiocide : une formation obligatoire pour les praticiens ? - La Semaine Vétérinaire n° 2055 du 08/11/2024
La Semaine Vétérinaire n° 2055 du 08/11/2024

Biocides

PHARMACIE

Auteur(s) : Par Sarah André

Les praticiens vétérinaires doivent désormais être titulaires du certibiocide désinfectants. Cette certification, délivrée après une formation, a été mise en place pour favoriser les bonnes pratiques d’utilisation et limiter les risques sanitaires et environnementaux liés à l’usage de biocides. Une demande de dérogation a néanmoins été formulée pour la profession en octobre dernier. Décryptage.

L’arrêté du 9 octobre 20131 relatif aux conditions d'exercice de l'activité d'utilisateur professionnel et de distributeur de certains types de produits biocides2 est paru après qu'une hétérogénéité des connaissances des entreprises intervenant dans la lutte contre les animaux porteurs de nuisances ou de risques pour la santé ait été constatée, comme l’a précisé la notice explicative de cette décision, publiée en février 20243. Dans l’optique d’encadrer cette activité, de mettre en place une traçabilité et d’améliorer les connaissances des professionnels concernés par les produits biocides, l'arrêté a prévu plusieurs dispositions, dont une amélioration de la formation pour utiliser les désinfectants de manière raisonnée et limiter leur dissémination dans l’environnement. Mi-octobre dernier, une demande a été formulée auprès du ministère de la Transition écologique, de l’Énergie, du Climat et de la Prévention des risques dans le but d’exempter les vétérinaires de cette formation4. Et ce pour deux raisons principales : d'une part, le volet hygiène et désinfection est déjà compris dans la formation initiale et continue de la profession, d'autre part, les vétérinaires sont largement sensibilisés aux bonnes pratiques d’usage des biocides désinfectants et insecticides, notamment dans le cadre de l’habilitation sanitaire.

Qu’est-ce que le certibiocide ?

Le certibiocide est un certificat individuel. Depuis le 1er janvier 2024, il est décliné en trois catégories selon le type de produit (TP), dont le certibiocide désinfectants qui vise les praticiens. Ce dernier concerne le TP2 (désinfectants et produits algicides non destinés à l’application directe sur des êtres humains ou des animaux), le TP3 (hygiène vétérinaire) et le TP4 (surfaces en contact avec les denrées alimentaires et les aliments pour animaux). La notice explicative précise d’ailleurs que ce certificat est délivré « à une personne physique, et non à une personne morale, et donc jamais à une entreprise. L’arrêté “certibiocide” ne prévoit ni certification ni agrément d’entreprise, mais une obligation de déclaration d’activité et la tenue à jour de la liste du personnel formé. » L’obtention du certibiocide est conditionnée par le suivi d’une formation d’une journée (sept heures) au sein d’un organisme habilité Certibiocide, en présentiel ou en distanciel, et doit, d’après l’arrêté, être effectuée avant le 1er janvier 20255. Le certificat est valable cinq ans. Les modalités d’inscription et de financement sont détaillées dans la notice explicative3.

Qui est concerné ?

Le certibiocide ne s'adresse pas à toutes les personnes travaillant au sein d’une structure vétérinaire. L’arrêté a classé les professionnels en quatre catégories distinctes : les utilisateurs professionnels (toute personne qui utilise des produits biocides au cours de son activité), les distributeurs (toute personne qui exerce l'activité de mise en vente, de vente ou de distribution à titre gratuit des produits biocides aux utilisateurs de ces produits), les acquéreurs (toute personne qui choisit d'acquérir des produits biocides), et enfin les décideurs (toute personne exerçant une fonction d'encadrement pour l'utilisation des produits biocides). Seuls les acquéreurs, les distributeurs et les décideurs doivent suivre une formation pour obtenir le certibiocide désinfectants. La notice explicative a précisé que « les professionnels de la désinfection (TP2, TP3 et TP4) qui entrent dans la catégorie “utilisateurs” et utilisent uniquement des produits sans les avoir choisis et en suivant les protocoles définis par le “décideur” n’ont pas besoin d’être titulaires du certibiocide. » Par ailleurs, concernant le certibiocide désinfectants, le décideur et l’acquéreur peuvent être la même personne selon l'organisation de la structure vétérinaire.

3 questions à… Christophe Hugnet (L 93), vice-président du Syndicat des structures et établissements vétérinaires indépendants de France (SSEVIF)

1/ Pourquoi avoir fait cette demande de dérogation au certibiocide désinfectants pour les vétérinaires ?

La profession vétérinaire utilise ces produits avec précaution et pertinence depuis de nombreuses années. Durant notre formation initiale, mais également au cours de la formation continue, nous sommes régulièrement sensibilisés sur les intérêts et limites d’usage et de prescription de ces substances. Dans le cadre de notre habilitation sanitaire, l’État, par l'intermédiaire de ses services décentralisés (DDETSPP), nous fait confiance pour établir des plans de nettoyage désinfection lors de la gestion de foyers infectieux des maladies réglementées, et, dans le même temps, le ministère de la Transition écologique considère que nous aurions besoin de suivre une formation de base pour pouvoir acquérir, utiliser et vendre ces substances… Ce paradoxe est inacceptable ! De plus, le contenu de cette formation certibiocide désinfectants, que certains ont pu déjà subir, nous prouve que les informations transmises sont très inférieures en pertinence à ce que les vétérinaires connaissent déjà d’un usage prudent et raisonné de telles molécules !

Quelle est la logique de cet arrêté, qui nous autorise à acquérir ce type de produit en grande surface comme n'importe quel quidam, sans nécessité de formation, alors que l’approvisionnement auprès de nos centrales ou fournisseurs nécessiterait un certibiocide au motif que la formulation serait réservée à des professionnels ?

2/ La profession vétérinaire a-t-elle été consultée dans le cadre de la mise à jour de l'arrêté du 9 octobre 2013 ?

Elle a été informée de sa rédaction a posteriori, en particulier par Qualitévet, qui regroupe de multiples organisations professionnelles (ordre, syndicats, organisations professionnelles à vocation technique, etc.). Malgré des demandes réitérées auprès des autorités, aucune réponse n’a été, à ce jour, portée à notre connaissance. Il semblerait que la mise à jour de cet arrêté se soit faite sans notre concertation en amont, a contrario d’autres professions dont le lobbying semble avoir été suffisamment efficace pour les écarter de ce dispositif pour l’instant…

3/ Si cette formation s'impose à la profession, quelles contraintes pourrait-elle créer ?

Perdre une journée dans une formation sans plus-value pour notre profession. Et devoir renouveler l’exercice tous les cinq ans. Si nous ne recevons pas une réponse satisfaisante à cette demande de dérogation, alors nous pourrons nous interroger collectivement sur l’intérêt de maintenir une habilitation sanitaire qui repose entre autres sur notre capacité à gérer des foyers infectieux et d’en prévenir leur expansion en lien avec les DDETSPP. Dans ce cas, il paraîtrait alors judicieux qu’un module de formation spécifiquement consacré aux vétérinaires soit développé dans le cadre du maintien de notre habilitation sanitaire, ce qui impliquerait que les vétérinaires soient indemnisés pour le suivre ! Il n’est pas certain que ce soit dans l’air du temps.

  • 2. Un produit biocide est défini par le règlement européen (UE) n°528/2012, article 3 : https://urlr.me/mS93T
  • 4. Les signataires de cette demande d’exemption sont les présidents de l’AVEF, de l’AFVAC, de l’AFVE, de la FSEEVFF, du SNGTV, du SNVEL, du SNVSE et du SSEVIF.