Comment décarboner son activité - La Semaine Vétérinaire n° 2055 du 08/11/2024
La Semaine Vétérinaire n° 2055 du 08/11/2024

Écologie

ENTREPRISE

Auteur(s) : Par Françoise Sigot

À l’heure du dérèglement climatique et des exigences à atteindre en matière de décarbonation, adopter des pratiques plus frugales devient un enjeu crucial, dans le monde vétérinaire comme ailleurs. Un sujet débattu lors du forum organisé par l'association Ergone en octobre dernier, à Lyon. Décryptage.

Si l'on veut respecter l'Accord de Paris signé en 2015, chacun d’entre nous va devoir diviser par cinq son empreinte carbone pour passer sous la barre des dix kilos de CO2 par personne et par jour d’ici à 2030. Autant dire que demain sera certainement un autre jour pour bien des pratiques. Et personne ne devrait passer entre les mailles du filet. Bien évidemment, l’exercice va représenter une contrainte, cependant il ne faut pas perdre de vue qu’il est aussi un atout pour gagner et fidéliser des clients. Pourquoi ? Parce que la préoccupation environnementale gagne du terrain, et une clinique capable d’afficher son bilan carbone et les efforts qu’elle produit pour diminuer son empreinte peut séduire une clientèle sensible à cette problématique. Pour passer à l’action, si l’objectif de frugalité est relativement clair, les voies pour l’atteindre restent en revanche relativement floues. Et pour cause, la recette universelle n’existe pas, il s’agit de trouver les leviers les plus efficients et compatibles avec son activité. Pour relever le défi, il est bon d’avoir en tête quelques constats. En premier lieu, celui des principales sources d'émissions. Les mobilités arrivent en tête, suivies par l’alimentation. Pour Régis Janvier, président de l’association Karbon Ethic, la solution est donc claire : « Il faut d’abord diminuer notre consommation d’énergie. » Il liste deux façons d'y parvenir : miser sur la technologie et faire preuve de sobriété. Déclinées pour les acteurs du monde vétérinaire, ces actions requièrent par exemple, selon l’expert, l’utilisation de logiciels qui permettent d’optimiser les déplacements ou de solutions de diagnostic et/ou de suivi à distance.

Calculer son bilan carbone

Avant d’adopter des pratiques moins émettrices de carbone, il est indispensable de connaître la nature de ses émissions. Un seul moyen pour y parvenir : calculer son bilan carbone. Certains se feront accompagner par des spécialistes de ce type d’évaluation. Ils pourront bénéficier d’aides financières, notamment de la Banque publique d’investissement. D’autres se lanceront seuls en recourant à des outils en ligne tels que Nos Gestes Climat, Atelier 2 tonnes ou MyCO2. « Il est également possible de réaliser un estimatif carbone, qui revient à faire un calcul simplifié, suffisant pour y voir clair », estime Régis Janvier. Au-delà de l’outil retenu, le bilan carbone mesure les émissions de gaz à effet de serre produites par son activité. Bien évidemment, plus il est détaillé, plus il identifie les pratiques les plus émettrices. Parfois, elles se trouvent là où on ne les attendait pas. « Chez les vétérinaires, et spécialement en rurale, les déplacements pour se rendre en visite sont une forte source d’émissions. Par ailleurs, il ne faut pas ignorer les rejets de gaz issus des anesthésies, tout comme les déplacements des clients », précise le président de Karbon Ethic.

Définir un plan d’action

Une fois établi, le bilan carbone donne une photographie à l’instant T des différentes sources d’émissions de CO2. Une bonne base pour attaquer le mal à la racine. À condition d’agir avec méthode et rigueur. Pour mettre toutes les chances de son côté, il est alors temps de concevoir un plan d’attaque, soit une feuille de route des actions nouvelles et plus frugales à adopter. « À partir du bilan, on pose une vision de la clinique à horizon 2030 voire 2050 et on définit les nouveaux objectifs et la stratégie à déployer, note l’expert. Une bonne démarche de transition est en général celle qui est conduite avec l’ensemble des équipes. » Chacun estime à quels efforts il consent et les met en regard avec le ressenti des autres membres de l'équipe. « Cette démarche est aussi un acte de management. Pour embarquer les équipes, il faut monter l’exemple », conseille Régis Janvier. Autrement dit, pour décarboner, chacun doit prendre sa part, sinon les chances de succès sont faibles. Certes, certains contribueront un peu plus que d’autres en fonction de leurs tâches, mais en général les sources d’émissions sont plutôt bien partagées, les efforts doivent donc l’être également.

Effectuer des mesures régulières

La feuille de route définie, charge à chacun d’adopter des pratiques différentes et plus frugales. Mais chemin faisant, il est judicieux de mesurer l'incidence de ces décisions. Rien ne dit que les résultats seront parfaitement conformes aux attentes et aux trajectoires couramment observées. Avoir un suivi indique si les objectifs sont atteints, et s’ils ne le sont pas, on dispose d’une base pour mettre en place d’autres actions et corriger ce qui ne va pas. L’exercice peut être chronophage et vite lasser, d’autant que les efforts exigent souvent eux aussi des investissements. C’est pourquoi on peut ne retenir que quelques indicateurs. Le mieux est de suivre les pratiques les plus émettrices et de vérifier que l’on parvient bien à les supprimer ou du moins faire en sorte qu'elles émettent moins de carbone. Là encore, il ne faut pas hésiter à partager les résultats avec l’équipe et à impliquer tous ses membres dans l’analyse de ce qui fonctionne ou pas et dans la recherche de solutions plus efficientes. L’objectif est de tenir le cap et de rester mobilisé, car le cheminement est souvent long et nécessite de mettre en œuvre des modes d'action pas toujours simples à acquérir rapidement.

Impliquer les clients

Le paramètre des déplacements ne doit pas se restreindre aux seules rotations professionnelles des collaborateurs de la clinique. La clientèle est elle aussi une source d’émissions de CO2, surtout si elle prend sa voiture ou les transports en commun. L’idéal est donc d’embarquer aussi les propriétaires d'animaux dans l’aventure bas carbone. D’abord, en leur demandant quel moyen de transport ils utilisent pour venir à la clinique. Ensuite, en les aiguillant pourquoi pas vers des pratiques plus vertueuses. Lors du forum Ergone, un vétérinaire a ainsi partagé son expérience en expliquant que, en plus d’enquêter sur le mode de transport de ses clients, il en avait profité pour les interroger sur leur cheminement entre leur domicile et la clinique, afin de voir si ce trajet leur avait aussi permis (ou pas) de faire des courses ou des démarches administratives, par exemple. Un moyen d'attirer leur attention sur leurs déplacements et leur optimisation possible, synonyme d'une empreinte carbone mieux maîtrisée.