De l’importance du régime matrimonial - La Semaine Vétérinaire n° 2055 du 08/11/2024
La Semaine Vétérinaire n° 2055 du 08/11/2024

Droit des sociétés

ENTREPRISE

Auteur(s) : Par Céline Peccavy

Investir financièrement dans un projet professionnel exige de prendre quelques précautions. S'assurer de la nature de son contrat de mariage en est une. Informer son conjoint de l'utilisation des deniers communs en est une autre. Explications. 

Prenons l'exemple d'un vétérinaire qui souhaite exercer en société et plus en individuel. La motivation est là, les futurs associés sont trouvés, et son conjoint l'a assuré de son soutien. Tout semble être réuni pour se lancer. Sauf que la question du régime matrimonial et de son incidence sur la société n'a pas été posée. Elle est pourtant essentielle.

C’est un fait : en 2024, les Français n’ont toujours pas le réflexe de signer un contrat de mariage. Pour beaucoup, notamment ceux qui se marient jeunes, ce n’est pas nécessaire. Voilà pourquoi la plupart se retrouvent soumis à un régime matrimonial « par défaut ». Ce régime, c’est celui de la communauté réduite aux acquêts, régi par les articles 1400 et suivants du Code civil. Son principe de base est précisé par l’article 1401 : « La communauté se compose activement des acquêts faits par les époux ensemble ou séparément durant le mariage, et provenant tant de leur industrie personnelle que des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres. » Un époux commun en biens dispose donc de deux sortes de patrimoines : celui en commun avec son conjoint pour tout ce qui a été gagné ou acquis pendant le mariage et celui en propre pour tout ce qu’il possédait avant son union et pour tout ce qu'il acquiert « pendant le mariage, par succession, donation ou legs » (article 1405 du Code civil). Les investissements financiers réalisés par un époux avec ses deniers propres ne posent pas de problème particulier. La situation se complique quand l'un des deux époux entend devenir associé d’une société civile (SCI, SCP entre autres) et qu’il utilise pour cela les deniers communs.

Être un "bon époux"

L'époux investisseur peut-il dans ce cas agir librement ? Assurément non. Avant tout, il se doit d'être un "bon époux" : le financement de son entrée en société ne peut se faire effectivement au détriment des charges du mariage, qu’il doit, quoi qu’il arrive, faire passer en priorité. Ainsi en dispose l’article 223 du Code civil selon lequel « chaque époux peut librement exercer une profession … après s'être acquitté des charges du mariage ». Logement, nourriture, santé et éducation des enfants doivent rester au premier plan.

Partage d'informations

Si toutes ces fonctions sont assurées, la réussite de l'entrée en société réside dans la transparence,ce qui sous-entend un partage d'informations. Il est impossible pour un époux de devenir associé d’une société civile sans en avoir au préalable informé son conjoint. C'est ce qu'établit l’article 1832-2 alinéa 1 du Code civil : « Un époux ne peut, sous la sanction prévue à l'article 1427, employer des biens communs pour faire un apport à une société ou acquérir des parts sociales non négociables sans que son conjoint en ait été averti et sans qu'il en soit justifié dans l'acte. » Le vétérinaire qui entend intégrer une société civile devra donc au préalable non seulement avertir son conjoint, mais aussi faire mentionner dans l’acte d’achat l’avis donné à celui-ci. Précision qui a son importance : il s’agit d’une information à donner et non d’une autorisation à recueillir.

Risque de nullité

Si cette condition n'est pas remplie, cela entraîne la nullité de l'achat. Pourquoi cette information est-elle primordiale ? Parce qu'elle permet au conjoint de se positionner : revendiquer dès l’achat la qualité d’associé, y renoncer (ce qui sera définitif), ou conserver un droit à revendication de cette qualité pour le futur (les associés cédants pouvant, dans ce cas, faire jouer une procédure d’agrément).

  • À retenir : le régime matrimonial peut influencer les investissements ; une communication ouverte avec le conjoint est essentielle pour éviter des complications.