Les cas d’usage des anti-inflammatoires non stéroïdiens en production porcine - La Semaine Vétérinaire n° 2055 du 08/11/2024
La Semaine Vétérinaire n° 2055 du 08/11/2024

Thérapeutique

FORMATION MIXTE

Auteur(s) : Emma Cantaloube, vétérinaire Chêne Vert

Article rédigé d’après une conférence de la journée vétérinaire bretonne « Les anti-inflammatoires en médecine porcine », qui s'est tenue le 26 mars 2024 à Lorient.

Véritables alliés thérapeutiques, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont très fréquemment utilisés dans les élevages porcins. Il est cependant utile de connaître les spécificités propres à cette espèce animale afin d’adapter la prescription à chaque situation, a expliqué Matthias Kohlhauer, vétérinaire et professeur en pharmacologie clinique à l’EnvA.

Mise bas : des AINS à administrer pendant ou après

Première situation d’usage : la mise bas. Elle est, comme l’a rappelé le conférencier, douloureuse et associée à une forte composante inflammatoire, ce qui a été prouvé par la description d'une augmentation du taux de cortisol et d'interleukines pro-inflammatoires1au moment où elle se produit.

L’usage d’AINS, comme le méloxicam, le kétoprofene, la flunixine et l'acide tolfénamique, au moment de la mise bas ou juste après présente plusieurs intérêts : prévention des syndromes MMA (mastite, métrite, agalaxie) chez les truies ; amélioration de la prise alimentaire et colostrale des porcelets, avec en conséquence un meilleur gain moyen quotidien et un taux de perte moins élevé. En revanche, leur utilisation avant la mise bas semble inutile, voire contreproductive. Une étude a même montré que l’administration de méloxicam intramusculaire à la dose de 0,4 mg/kg dans les jours précédant la mise bas était associée à un plus faible nombre de porcelets nés vivants2. L'hypothèse est que le traitement préventif aurait provoqué une baisse du taux de prostaglandines circulantes. Avec, comme corollaire, une durée de mise bas plus longue, ce qui constitue un facteur de risque de mort-nés.

Il existe peu de travaux comparatifs d’efficacité entre les AINS, mais les méta-analyses montrent globalement que tous se valent en péri-mise bas. Par ailleurs, les apparentés AINS, métamizole ou paracétamol, ne semblent pas montrer de bénéfice. De plus, il y a peu d’études sur l’utilisation de la dexaméthasone en péri-partum : l'une d'elles3 a mis en évidence une réduction de la durée de mise bas par l’administration préventive de dexaméthasone. Ce manque de publications est probablement lié au risque d’induction de parturition par la dexaméthasone, même si les doses à risques sont bien plus élevées chez le porc que chez d’autres espèces. « Ce sont des doses jamais atteintes sur le terrain », ont ajouté les praticiens présents.

Castration du porcelet : une efficacité des AINS en postchirurgical

Autre usage : la castration des porcelets. Dans ce cadre, il convient de distinguer la douleur périchirurgicale en raison du geste chirurgical, de la douleur postchirurgicale, conséquence de la première et à l’origine d’une hyperalgie inflammatoire. Si les anti-inflammatoires non stéroïdiens peuvent être efficaces sur cette dernière, en revanche ils ne peuvent pas bloquer directement la douleur chirurgicale, prise en charge, elle, par l’utilisation d’anesthésiques locaux.

L’utilisation des AINS (méloxicam, kétoprofène, acide tolfénamique, flunixine) trente minutes avant la castration réduit les signes de douleur et de stress chez les porcelets. Le paracétamol aurait également un bénéfice, mais moins important que le méloxicam, « probablement en raison de concentrations plasmatiques insuffisantes4 ». En revanche, l’acide acétylsalicylique administré trente minutes avant la castration ne permet pas de réduire de manière satisfaisante la douleur observée au cours de la castration chez le porcelet5.

À noter que, hormis la dexaméthasone, qui n’a pas été testée pour cette indication, seul le méloxicam a une AMM pour la douleur postopératoire chez le porc. Ce n’est toutefois pas celui qui apparaît comme le plus efficace d’après les résultats de plusieurs études6-8 : la flunixine et le kétoprofène semblent être les AINS de choix pour le traitement de la douleur postchirurgicale.

Boiteries : peu de données

Assez peu d’études ont évalué l’efficacité des anti-inflammatoires non stéroïdiens dans le contexte de boiterie chez le porc. Si le méloxicam semble présenter une efficacité limitée lors de son administration à des truies boiteuses9, le kétoprofène a, lui, un bénéfice sur les boiteries non infectieuses10, et la flunixine, sur des boiteries induites expérimentalement6.

La question des antipyrétiques

Il semble que « ni le méloxicam ni la flunixine ne présentent d’effets antipyrétiques suffisants chez des porcs atteints de syndrome dysgénésique et respiratoire (SDRP)6 ». La palme d’or de l’antipyrétique avec le meilleur effet reviendrait ainsi au kétoprofène, dont les bénéfices seraient largement supérieurs à ceux du paracétamol ou de l’acide acétylsalicylique à deux fois la dose recommandée11.

« Mais pourtant… ça marche ! » de s’exclamer plusieurs praticiens, habitués à utiliser ces dernières molécules. Ce qu’a confirmé Matthias Kohlhauer (Proceeding JVB 2024) : « Les notions fondamentales de pharmacologie doivent aussi se confronter à la réalité de terrain et aux essais cliniques pour mieux sélectionner les anti-inflammatoires à utiliser. »

  • Sources : bit.ly/48o4AzT.