ANALYSE CANINE
Auteur(s) : Par Tanit Halfon
Une récente série de cas donne un aperçu de la présentation clinique chez le chat, caractérisée par une prédominance de formes focales ou multifocales. Le pronostic de survie s’est avéré très bon, y compris pour les formes les plus graves.
Le tétanos félin est une affection rare, compte tenu de la résistance décrite de l’animal à la toxine sécrétée par Clostridium tetani. Dans ce contexte, il est particulièrement utile de prendre connaissance des éléments d'information rapportés sur le sujet. Les données les plus récentes sont issues d’une étude rétrospective publiée en juillet 2024 dans la revue Frontiers in Veterinary Science, qui présente l’intérêt d’inclure « la plus grande population de chats diagnostiqués avec un tétanos d’origine naturelle », selon les auteurs. Au total, ce sont ainsi 27 cas de chats touchés qui ont été décrits, issus de 11 établissements de soins de référé dans les pays européens, dont la France. Premier point notable : 3 chats vivant en intérieur faisaient partie des cas. Deux avaient des antécédents récents de stérilisation, ce qui laisse envisager une possible contamination iatrogène, ou une contamination de la plaie par l’environnement domestique ; le troisième avait une griffe cassée et infectée. De manière générale, les cas de tétanos sont souvent associés à des plaies, puisque 23 chats sur les 27 (85 %) pris en charge présentaient une plaie infectée (17) ou des antécédents récents de blessure (6 – stérilisation, griffes cassées, fractures ouvertes, morsures, mise bas, etc.). Ceci reflète les données déjà rapportées dans la littérature.
Des antécédents de blessures, et une boiterie initiale
Deuxième élément d’intérêt : la forme généralisée, qui est la plus courante chez le chien mais aussi chez l’humain, ne domine pas dans cette étude. Seuls 6 chats ont développé une forme généralisée, très grave pour 2 d'entre eux ; pour 3 cas, une queue érigée a été observée. Par ailleurs, pour 65 % des chats, le premier signe clinique observé était une boiterie et/ou une raideur d’un membre, avec la plupart présentant une plaie sur le membre concerné, ou toute proche de celui-ci. Cette présentation diffère de celle du chien, chez qui les premiers signes les plus courants sont oculaires et faciaux. Pour 4 chats, les signes sont restés localisés, tandis qu'ils sont 17 à avoir montré une extension à 2 ou 4 membres (voire des muscles masticateurs, faciaux et du cou pour certains). Une myalgie généralisée ou partielle a été décrite dans 33 % des cas. Tous les sujets de l’étude présentaient une hausse du tonus musculaire, caractérisée par l’incapacité de fléchir le membre le plus touché (au moins au niveau d’une articulation) : en conséquence, il n’y avait pas de réflexes spinaux ni de réactions posturales pour ces membres. Au final, on retiendra trois présentations cliniques : les formes focale et multifocale – 77 % des cas –, et la forme généralisée. L’hyperthermie était peu fréquente, observée uniquement pour 10 chats (T > 39,2 °C).
À noter que, contrairement à ce que l'on observe chez le chien, on a relevé peu de signes du système autonome : 2 chats avec une forme généralisée ont montré des épisodes de tachypnée et de bradycardie. Mais cela a pu être sous-évalué.
Absence de directives spécifiques pour le traitement
Côté diagnostic, les examens complémentaires visent à éliminer les autres hypothèses du diagnostic différentiel. Dans trois cas, le Clostridium tetani a pu être isolé par culture à partir d’un écouvillon de la plaie ; toutefois, cela ne constitue pas un diagnostic de certitude étant donné que certaines souches sont non toxinogènes. Un seul cas a pu faire l’objet d’un diagnostic définitif, après détection de la toxine dans le sérum grâce à un test d’inoculation à une souris. Le diagnostic repose donc principalement sur les signes cliniques, comme l’impossibilité progressive de fléchir les membres les plus gravement atteints, la présence d’une blessure… et la réponse au traitement ! L’électromyographie est utile pour orienter le diagnostic, mais les observations ne sont pas spécifiques au tétanos.
Côté thérapeutique, s’il n’y a pas de lignes directrices, on peut se référer au principe de traitement en médecine humaine qui vise à prévenir l’absorption de nouvelles toxines, à les éliminer, et à prodiguer des soins de soutien. Dans ce cadre, la plupart des chats ont reçu des antibiotiques, le plus souvent du métronidazole, et des relaxants musculaires, en particulier le diazépam, avec des durées variables de traitement. Six chats ont reçu une antitoxine tétanique équine, mais cette option est controversé du fait de possibles réactions anaphylactiques. Au final, seul 1 chat a été euthanasié pour des raisons financières, et 23 chats sur les 25 ayant présenté des problèmes ambulatoires ont récupéré sur une période médiane de 25 jours. Les 2 chats restants ont dû être amputés à cause d’une ostéomyélite, mais ont ensuite bien récupéré. Des séquelles en lien avec des troubles persistants de la marche ont été observées chez 23 % des sujets. Selon les auteurs, ces bons résultats sont probablement dus aux progrès médicaux, à la gestion de la pathologie/maladie par des spécialistes et au faible nombre de formes généralisées graves. Les études antérieures montrent que les formes généralisées se soldent souvent par un décès.
Une inconnue sur la durée d’incubation
Il est difficile de déterminer la durée d’incubation dans cette étude : les propriétaires pouvaient ne pas avoir remarqué la plaie, et certains chats sont rentrés blessés après plusieurs jours passés à l’extérieur. Chez le chien, l'incubation est estimée généralement entre 3 et 18 jours.