Utilisation de la cage chez les chiots : bonne ou mauvaise idée ? - La Semaine Vétérinaire n° 2055 du 08/11/2024
La Semaine Vétérinaire n° 2055 du 08/11/2024

Éthologie

FORMATION CANINE

Auteur(s) : Mylène Panizo

Conférencière

Sylvia Masson (Liège 05), diplômée de l’European College of Animal Welfare and Behavioural Medicine (ECAWBM), spécialiste en psychiatrie vétérinaire à la clinique de la Tivollière à Voreppe (Isère).

Article rédigé d’après la conférence « La cage, solution miracle pour calmer le chiot ou maltraitance ? », donnée lors du congrès de l’AFVAC le 30 novembre 2023, à Lille.

En France, les propriétaires de chiots recourent de plus en plus à la cage, souvent conseillée par les éleveurs. Pourtant, il n’existe que peu d’études concernant son effet sur le bien-être de l’animal. Les particuliers l'utilisent pour différentes raisons1 : destruction, agitation, aboiements intempestifs, agressivité, anxiété de séparation, apprentissage de la propreté ou de la solitude, etc. Cependant, près d’un usager sur quatre constate alors des signes de détresse chez le chien. Il est donc très important pour le praticien de connaître les bonnes indications de la mise en cage, et ses conditions d’utilisation.

Ses bienfaits lors d'un apprentissage

La cage peut constituer une étape d'un apprentissage, avec des indications précises et ponctuelles, et uniquement sur du court terme. Elle doit être conseillée par un vétérinaire, après qu'il a examiné l’animal, expliqué le mode d’utilisation et définit sa durée.

Les indications pour lesquelles elle présente un bénéfice sont les suivantes :

- Offrir un lieu de couchage apaisant. La cage peut être transportée dans la voiture ou utilisée comme un panier en cas de déménagement ou pendant les vacances. Elle offre alors un espace connu et rassurant. Certains chiens aiment se coucher dans des lieux abrités et confinés. L’objectif est que l’animal l'identifie à un espace apaisant, où il se rend lui-même et sur demande.  

- Terminer l’apprentissage de la propreté. La cage est parfois pertinente chez un chiot de 5 ou 6 mois pour lequel la propreté est presque acquise, mais qui urine la nuit au domicile. Dans ce cas, elle est utilisée 3 à 4 nuits maximum, dans le but d’inciter l'animal à faire l’effort de se retenir.

- Apprendre au chiot à ne pas venir près des propriétaires lorsqu'ils s'attablent. Il s’agit de l’enfermer uniquement le temps du déjeuner ou du dîner, sur quelques repas d’affilée, pour lui enseigner le comportement attendu (rester calme tout en étant éloigné des propriétaires).

- Accueillir des visiteurs. La cage apprend au chien à rester à bonne distance des invités quelques minutes après leur arrivée. Cela constitue un message social important pour l’animal (« Dans cette maison, je ne suis pas responsable de l’accueil des visiteurs, même si je peux prévenir de leur arrivée »).

- Apprendre au chiot à contrôler ses émotions (frustration, excitation, etc.). L’emploi de la cage se fait sur des temps très courts (quelques minutes seulement), pour diminuer l’intensité des émotions.

Quelle que soit l’indication, l’objectif est que le chien adopte le comportement attendu (celui réalisé avec la cage fermée) lorsque la cage est ouverte. Si l’animal réitère un comportement indésirable lorsque la cage est ouverte (et lorsque les conditions d’utilisation ont été optimales), il ne faut pas persister, et surtout ne pas augmenter le temps d’enfermement, mais explorer rapidement l’origine du comportement indésirable.

Les conditions d’utilisation

Il est essentiel de respecter un temps d'adaptation. Le chien doit pouvoir aller de lui-même dans la cage, sans y être forcé. Il est donc nécessaire, au préalable, de rendre la cage attractive, en la laissant ouverte. Il faut montrer au chien qu’il peut y rentrer, et y associer des signaux positifs (jouets, friandises, objet à mastiquer, etc.). Une fois que l’animal est à l’aise dans la cage et s’y rend de lui-même, celle-ci est fermée sur des périodes courtes (quelques minutes), puis progressivement sur des temps plus longs (maximum quelques heures). Si le chien présente des signes de détresse (léchage répété de la truffe, plaintes, aboiements, tentatives de sortie de la cage, etc.), la cage doit être immédiatement ouverte.

Il est intéressant de conseiller aux propriétaires qui utilisent une cage lors de leurs absences d’installer une caméra de vidéosurveillance pour s’assurer que leur animal y reste calme. Il est fondamental qu'ils comprennent que l’usage de la cage fermée pour un apprentissage est temporaire, avec une durée très limitée. Des supports vidéo existent à ce sujet2.

Les contre-indications

Recourir à la cage pour résoudre un problème de comportement sans en explorer la cause s'avère contre-productif. Cela aggrave les troubles comportementaux en provoquant de la détresse psychologique et ne traite pas la pathologie sous-jacente. La cage est donc à proscrire lorsqu’elle est utilisée uniquement comme réponse à un comportement indésirable. Elle est déconseillée dans les cas suivants :

- Pour empêcher un chien de moins de 5 mois d’uriner dans la maison. À cet âge, le chiot ne possède pas la capacité de se retenir pendant 8 heures d’affilée. L’enfermement peut alors provoquer des douleurs abdominales importantes.

- Pour éviter les nuisances telles que les aboiements ou les destructions lors des absences des propriétaires. Il vaut mieux laisser le chien dans une zone protégée sans risque pour le mobilier ou les objets du foyer. Les destructions dès le plus jeune âge peuvent être révélatrices d’états émotionnels pathologiques, qu’il faut diagnostiquer le plus précocement possible (état impulsif, compulsif, phobique ou anxieux, syndrome d'hypersensibilité - d'hyperactivité).

- Pour les chiens dangereux, car cela ne résout pas les raisons de l’agressivité.

Dans tous les cas, si le problème initial n’est pas rapidement résolu, la mise en cage doit cesser. Elle est également à proscrire lorsque la durée d’enfermement est longue (plus de 8 heures par 24 heures), quel que soit le motif initial. Enfin, si l’animal ne va pas spontanément dans la cage ou s’il présente des signes de détresse lorsqu'il se trouve à l’intérieur, il ne faut pas utiliser la cage, qui devient alors un objet de maltraitance.

  • Sources
  • 1. Stéphane Bleuer-Elsner and Sylvia Masson, " The cage as an educational and therapeutic tool for dogs : results of a dog’s owners questionnaire survey." Applied Animal Behaviour Science (2024).