Profession
ANALYSE GENERALE
Auteur(s) : Par Karin de Lange
Réunie à Bruxelles, l’assemblée générale de la FVE a pointé les défis majeurs que doit relever la profession : préparation des praticiens aux pandémies, encadrement de l’usage de l’IA, allègement des tâches administratives… Autant de points essentiels qui soulignent son rôle clé dans une approche globale Une seule santé.
« En Europe, en tant que vétérinaires, vous ne serez jamais le plus grand nombre à la table. Mais si vous venez avec une stratégie claire et réfléchissez ensemble, votre profession sera entendue », a prévenu Herman Claeys, vétérinaire et chef du service belge de la politique de santé animale et végétale, lors de son discours d'ouverture de l'assemblée générale de la Fédération des vétérinaires d'Europe (FVE) qui s'est tenue en Belgique le 29 novembre dernier.
Le rôle des vétérinaires dans la préparation aux pandémies
« Les vétérinaires ont de l'expérience dans la prévention, la gestion et la lutte contre les épizooties anciennes et actuelles », a noté Ole Alvseike (Norvège), du groupe de travail FVE sur la santé publique vétérinaire et la durabilité. Ils sont également bien formés à la biosécurité, aux programmes de vaccination de masse et possèdent une compétence avérée en épidémiologie et en détection précoce des maladies. Cela a conduit à la rédaction d'un document intitulé « La contribution de la profession vétérinaire à la préparation aux pandémies1 », adopté à l'unanimité lors de l'assemblée générale. La FVE y recommande de reconnaître les services vétérinaires comme un bien public, de soutenir les plans d'urgence transfrontaliers fondés sur les risques et de déployer l'approche One Health.
Une transparence et une régulation de l’intelligence artificielle nécessaires
Les outils basés sur l'intelligence artificielle (IA) utilisés dans la pratique vétérinaire devraient être classés en fonction du risque qu'ils présentent, a suggéré Ryan Appleby (Canada), radiologue vétérinaire à l'Université de Guelph. Par exemple, ce risque est relativement faible dans un système de prise de rendez-vous ou de gestion des stocks, moyen dans le triage ou la transcription, et élevé pour un diagnostic assisté par ordinateur. « Pour chaque outil de diagnostic fondé sur l'IA, il est important de poser les questions suivantes : Quelle est la robustesse de l'ensemble des données utilisées ? D'où viennent-elles ? Qui les a interprétées ? », a souligné l'intervenant. Il ne s'agit pas de données de propriété industrielle, elles doivent être accessibles au public. Il est important de se rappeler que l'IA est considérée comme un logiciel médical et n'est pas réglementée. L'utiliser sans transparence des données sous-jacentes est donc dangereux et, en tant que profession, nous devons être plus exigeants vis-à-vis des fournisseurs de ces outils. »
Le bien-être professionnel
« Les tâches administratives sont un grand fardeau pour le praticien », a confirmé Siegfried Moder, président de la FVE, lors de son discours sur la profession. Une enquête récente sur le « fardeau silencieux » de ce poste a montré que 70 % des répondants ont signalé une « augmentation significative » de la charge de travail administrative, et beaucoup ont indiqué que le poids de celle-ci avait doublé au cours des dernières années. « Notre site Web Vetjoy2 vise à faire en sorte que les vétérinaires se sentent bien tous les jours », a expliqué Mette Uldahl, lors de son rapport sur les activités dans les domaines de la diversité, de l'équité et de l'inclusion (DEI) et du bien-être mental (MWB). Elle a mentionné les initiatives pour les futurs vétérinaires (« Vet for a day ») et pour les collègues (« coaching au travail ») ainsi qu'un concours de photos vétérinaires. Elle a également annoncé les trois lauréats des premiers Great Veterinary Workplace Awards3. Parmi les autres distinctions remises par la FVE, on peut noter le prix du service distingué de la FVE (Zsolt Pinter, Hongrie), le prix pour contributions exceptionnelles à la profession (Simon Doherty, Royaume-Uni) et le prix du bien-être animal (Andrea Gavinelli, Commission européenne).
Manque d'harmonisation dans l’identification
L'identification des animaux de compagnie a figuré dans les points d'actualité abordés lors de l'assemblée générale de l’Union européenne des vétérinaires praticiens (UEVP) qui s’est tenue le 28 novembre à Bruxelles. Des délégués de la Norvège, de la Belgique et de la République tchèque ont présenté l'organisation de l'identification et l'enregistrement des animaux de compagnie dans leurs pays. Pour la France, Pierre Buisson a présenté l'I-Cad, qui, selon lui, « pourrait servir de modèle pour l'Europe ». « Il y a un manque d'autorités compétentes pour l'identification des animaux de compagnie dans la plupart des pays, ainsi qu'un manque de savoir-faire, de coordination et d'harmonisation », a regretté Sven Hüther, vétérinaire et expert en identification des animaux. Cela signifie qu'il existe un risque élevé de duplication et de fraude. »
Rémi Gellé (France) a présenté Europetnet4, un réseau de près de 50 associations nationales et locales d'identification réparties dans 28 pays. « Notre seul but est d'aider à réunir les animaux perdus et leurs propriétaires – gratuitement et 24 heures sur 24 », a-t-il précisé. Comme l'identification et l'enregistrement des animaux de compagnie seront bientôt obligatoires dans l'UE, il a suggéré qu'Europetnet serve de base de données dite d'index, stockant les numéros d'identification des chats et des chiens des bases de données nationales.
L’impact des épizooties sur les praticiens
Autre sujet brûlant : le travail énorme que représentent les épizooties pour les vétérinaires. « La morbidité et la mortalité extrêmement élevées provoquées par la peste des petits ruminants et de la variole ovine, récemment identifiées en Grèce, et l'abattage forcé de dizaines de milliers d'animaux portent un coup important à l'économie de ce pays », a déclaré la vétérinaire grecque Athina Trachili. Nos services vétérinaires manquent cruellement de ressources et des praticiens bénévoles sont appelés à l'aide. » « C'est difficile une fois que la peste porcine africaine arrive réellement dans votre clientèle, a témoigné Giovanni Guadagnini, praticien porcin dans le nord de l'Italie. Malheureusement, nos mesures régionales interdisent aux vétérinaires d'entrer dans les fermes. Mais le pire de tout, c'est que le vétérinaire officiel était systématiquement indisponible et ne m'a jamais rappelé. Un cauchemar. » Kwinten Gielkens, praticien bovin belge, a relaté son expérience de la fièvre catarrhale ovine, et Heidi Kellokoski-Kiiskinen, praticienne équine, a rendu compte des difficultés liées à la pression exercée par certains clients dans la lutte contre l'herpèsvirus équin.
Normes de formation des auxiliaires
« Les auxiliaires (nurses) vétérinaires forment un élément essentiel de notre profession », a confirmé Jan Bernardy (UEVP) lors d'une session spéciale. « Ils ne sont pas des “mini-vétos” et ne veulent pas l'être », a souligné pour sa part Matthew Rendle (Royal Veterinary Nursing, RVN, Royaume-Uni), s'exprimant au nom du Comité d'accréditation pour la formation des auxiliaires vétérinaires (Acovene). Il a décrit le rôle des ASV en clientèle et expliqué comment Acovene vise à établir des normes pour les nurses vétérinaires en Europe. « Nous avons besoin de lignes directrices plus claires sur les rôles et les responsabilités des ASV, y compris ce qu'ils peuvent et ne peuvent pas faire sous supervision vétérinaire », a précisé Krista Arnold (Royaume-Uni). Les pays devraient revoir les cadres pour reconnaître cette profession comme faisant partie intégrante de l'équipe, et les vétérinaires devraient mener cette discussion importante. » Les ASV devraient être réglementés pour garantir des normes éducatives et des rôles bien définis, a affirmé le lendemain Dietmar Gerstner (Autriche), président du groupe de travail des organes statutaires.
La prochaine assemblée générale se tiendra les 28 et 29 juin 2025 à Louvain, en Belgique, et la réunion de novembre, à Limassol, à Chypre. L'année prochaine, la FVE fêtera ses 50 ans. « Ce ne sera pas seulement une fête, mais une expérience continue d'un an », a annoncé Nancy De Briyne, directrice exécutive de la FVE.