La leishmaniose, une maladie sous-estimée plus que jamais d’actualité  - La Semaine Vétérinaire n° 2060 du 13/12/2024
La Semaine Vétérinaire n° 2060 du 13/12/2024

Épidémiologie

ANALYSE CANINE

Auteur(s) : Par Amandine Violé

Autrefois cantonnée aux régions méditerranéennes, la leishmaniose canine, qui bénéficie d'un nouveau traitement, s’étend désormais sur le territoire français et au-delà, sous l’effet des bouleversements climatiques.

Autrefois endémique des biotopes méditerranéens, la leishmaniose canine signe son expansion sur le territoire français et en Europe à la faveur des bouleversements climatiques actuels. Souvent négligée, cette zoonose aux répercussions pourtant sévères s’avère plus que jamais d’actualité. À l’occasion du congrès de l’Afvac et en partenariat avec Virbac, Patrick Bourdeau (A 78) et Émilie Bouhsira (T 14) ont proposé une actualisation des données épidémiologiques, diagnostiques et thérapeutiques de la maladie.

La leishmaniose gagne du terrain

« D’ici une trentaine d’années, tous les pays d’Europe du Nord auront un climat compatible avec le mode de vie des phlébotomes », a annoncé Patrick Bourdeau, spécialiste en parasitologie et dermatologie, professeur à Oniris. En France, les données épidémiologiques confirment cette allégation : si une réduction d’incidence a été constatée dans les foyers historiques entre 2011 et 2017, une progression de la maladie dans des zones alors épargnées (Sud-Ouest, départements du Nord) s’opère. Le constat est similaire dans les pays d’Europe centrale et de l’Est, où une recrudescence de cas autochtones est notée. Une réalité intrinsèquement liée au mode de vie des phlébotomes souvent associé, à tort, à celui des moustiques : « Leur cycle ne dépend pas des sources d’eau. On les retrouve plutôt à la belle saison une fois la nuit tombée, proches de zones rurales, forestières, logés dans des anfractuosités rocailleuses », a ainsi rappelé Émilie Bouhsira, spécialiste en parasitologie, maître de conférences à l’ENVT.

De l’infection à la maladie : « beaucoup d’appelés, peu d’élus »

Si la plupart des chiens infectés par Leishmania infantum ne développent pas de signes cliniques, Patrick Bourdeau a rappelé que, a contrario, un animal en rémission clinique sera considéré comme infecté à vie. Face à une maladie protéiforme par excellence, sept signes cliniques constituent toutefois un faisceau évocateur : une altération de l’état général et de la note d’état corporel, des lésions dermatologiques avec alopécie et/ou squamosis, des lésions des griffes, de la truffe, ainsi qu’une lymphadénomégalie.

Les tests rapides disponibles sur le marché disposent d’une bonne spécificité, mais sont peu adaptés pour détecter un chien infecté asymptomatique. Ils doivent impérativement être complétés par une sérologie quantitative (immunofluorescence indirecte, IFI), indispensable au suivi et au pronostic. En pratique, le seuil de positivité est fixé au 1/80 bien que seul un titre égal à 0 atteste d’une réelle séronégativité.

La miltéfosine, un nouvel allié thérapeutique

Nouvellement disponible sur le marché français, la miltéfosine est un leishmanicide au même titre que l’antimoniate de méglumine. Son profil d’innocuité rénale et hépatique et la durée réduite de son administration sur 28 jours en font un traitement de choix, en association avec l’allopurinol, leishmaniostatique. En cas d’échappement au traitement, Patrick Bourdeau invite à rechercher des co-infections telles que les maladies à tiques, fréquentes.

Une prévention efficace passe à la fois par des mesures visant à limiter le contact de l’animal avec les phlébotomes (rentrer les chiens le soir, utiliser des moustiquaires, des ventilateurs) et par un traitement répulsif adéquat à base de pyréthrinoïdes en collier ou pipette. Les chiens infectés doivent recevoir un traitement insecticide approprié afin de limiter leur rôle de source. Compte tenu d’un risque de transmission non vectorielle, ces derniers doivent par ailleurs être écartés de la reproduction ou de dons du sang. Émilie Bouhsira a enfin rappelé que la vaccination (LetiFend, NeoLeish récemment arrivé sur le marché espagnol) ne protège pas contre l’infection à Leishmania infantum et doit, quoi qu’il en soit, s’accompagner d’une prophylaxie insecticide personnalisée.

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Retrouvez notre interview d'Émilie Bouhsira enregistrée lors du congrès de l'Afvac.