Virologie
FORMATION MIXTE
Auteur(s) : Anne Couroucé D’après la conférence de James Gilkerson, du Centre for Equine Infectious Disease, Melbourne Veterinary School (Australie), qui s'est tenue lors du congrès de l’International Equine Infectious Disease Conference (IEIDC) à Deauville, du 30 septembre au 4 octobre 2024.
Les herpèsvirus sont des virus à ADN, enveloppés, qui ont la particularité de rester à l’état latent dans l’organisme, de se réactiver et de présenter une recrudescence d’activité infectieuse.
Des herpèsvirus chez l’humain et les équidés
La famille des herpèsvirus comprend les alpha-herpèsvirus (EHV-1, EHV-4, EHV-3), qui se répliquent rapidement, détruisent les cellules hôtes et restent à l’état latent dans les tissus neuronaux et lymphoïdes. Mais aussi les gamma-herpèsvirus (EHV-2 et EHV-5), qui ont un tropisme pour les lymphocytes, infectent les lymphocytes T ou B et qui, pour certains, génèrent des cancers. Chez l’humain, il s’agit, par exemple, du lymphocryptovirus, ou Epstein-Barr Virus, responsable de la mononucléose. Il s’agit également de l'herpèsvirus humain de type 8 (HHV-8), qui est un gamma-herpèsvirus décrit pour la première fois chez l’humain en 1994 dans des cellules de la maladie de Kaposi. Ce virus est, depuis, connu comme étant impliqué dans plusieurs affections lymphoïdes.
Un grand nombre de publications indiquent l’absence de signes cliniques en cas d’infection par EHV-2 ou EHV-5 chez le cheval. D’autres mettent en évidence la présence de signes cliniques comme des affections respiratoires modérées, une pneumonie, et notamment une fibrose pulmonaire multinodulaire (EMPF), une pharyngite et une lymphadénopathie, une kératoconjonctivite, une contre-performance.
Études sur EHV-2 et EHV-5 chez les chevaux de course
Back et al. (2015) ont suivi 61 trotteurs de course élite mensuellement pendant 13 mois avec des prélèvements nasaux et sanguins, un bilan de santé et une évaluation mensuelle des performances sportives au cours de la période d'étude. Sur 663 échantillons d’écouvillons nasaux par qPCR, 197 (30 %) étaient positifs pour EHV-2 et 492 (74 %) positifs pour EHV-5. De plus, 176 (27 %) échantillons étaient positifs simultanément pour l’EHV-2 et l’EHV-5. Il y avait une variation considérable dans la quantité et la fréquence d'excrétion d'EHV-2 et d'EHV-5 au sein et entre les chevaux. La charge virale variait selon les saisons, mais ni les pics viraux d’EHV-2 ni les pics viraux d’EHV-5 n'étaient associés à une maladie respiratoire clinique et/ou à de mauvaises performances chez ces trotteurs.
Doubli-Bounoua et al. (2016) ont effectué des écouvillons nasaux (EN) et des lavages trachéaux (LT) mensuellement sur 52 chevaux de course à l'entraînement, pendant 27 mois consécutifs (581 échantillons). Un grand nombre de virus respiratoires dont EHV-2 et -5 ont été systématiquement recherchés avec, parallèlement, une évaluation clinique et endoscopique. La prévalence générale de chevaux positifs à EHV-5 dans l’écouvillon nasal était de 90,5 % et dans le lavage trachéal, de 55,4 %. Pour EHV-2, 76,4 % étaient positifs dans l’écouvillon nasal et 35,4 % dans le lavage trachéal. Il n’y avait aucune association entre la détection du génome viral ou la quantification dans les écouvillons nasaux et des signes cliniques. En revanche, la détection d’EHV-2 dans le LT était significativement associée à de la toux.
Laabassi et al. (2017) ont rapporté un épisode d'infection respiratoire aiguë dans l'ouest de l'Algérie (province de Tiaret) entre février et mars 2011, touchant une importante population de chevaux. Des écouvillons nasaux (n = 100) ont été prélevés sur des chevaux âgés de 1 à 27 ans présentant une toux et un écoulement nasal mucopurulent. Un ou plusieurs virus respiratoires équins ont été détectés dans les écouvillons nasaux de 90 chevaux sur 100 (90 %). Le taux de détection de EHV-1, EHV-4, EHV-2 et EHV-5 était respectivement de 2 %, 14 %, 90 % et 75 %. Parmi les 90 chevaux infectés, 70 étaient coinfectés par EHV-2 et EHV-5 et 14 autres étaient coinfectés par EHV-4, EHV-2 et EHV-5. La présente étude montre un taux de positivité de 97,3 % pour EHV-5 chez les jeunes chevaux âgés de moins de 3 ans ; un constat qui diminue avec l’âge. La charge virale d’EHV-5 était significativement plus élevée chez les chevaux de moins de 3 ans, alors qu'aucun effet de l'âge n'a été observé avec l'EHV-2.
Perspectives de recherche sur le rôle des γ-HV
L’omniprésence des gamma-herpèsvirus (γ-HV) dans les populations d’équidés et leur capacité naturelle à établir des infections persistantes et latentes continuent de rendre difficile l’attribution d’un rôle causal à ces virus dans l’étiologie de certains syndromes cliniques. L’identification des virus dans des échantillons cliniques ne suffit pas, à elle seule, à les relier à la maladie.
Une approche pour approfondir notre compréhension du rôle de ces virus dans la maladie pourrait consister à concentrer les futurs efforts de recherche sur les coinfections associées au γ-HV, en se basant sur le potentiel de ces virus à moduler les réponses immunitaires de l’hôte, et à déterminer si leur rôle est celui d’agents pathogènes primaires ou d’agents de conditionnement prédisposant aux infections secondaires.