Dégénérescence spongieuse et ataxie cérébelleuse chez deux chiots malinois - La Semaine Vétérinaire n° 2061 du 10/01/2025
La Semaine Vétérinaire n° 2061 du 10/01/2025

Neurologie et génétique

FORMATION CANINE

Auteur(s) : Ganaël Braux1 et Clément Musso2

Description du cas

Anamnèse

Deux chiots malinois, mâle et femelle, âgés de 2 mois et demi et issus du même élevage, sont présentés en consultation pour des troubles de la démarche évoluant depuis l’adoption, à quelques semaines d’écart. L’un d’eux est faiblement touché et présente de l’ataxie et des difficultés au lever, il reste capable de jouer avec ses congénères. L’autre est plus sévèrement atteint et présente des pertes d’équilibre avec des difficultés ambulatoires, notamment sur les sols glissants. Les deux propriétaires ne rapportent pas d’évolution au cours du temps.

Examen clinique

L’examen clinique général des deux animaux ne révèle aucune anomalie particulière. Ils sont normothermes et normohydratés, sans anomalie auscultatoire ou à la palpation. Pour les deux individus, l’examen neurologique à distance révèle une ataxie cérébelleuse marquée sans atteinte de la vigilance (hypermétrie marquée et perte d’équilibre). Pour l’un, le reste de l’examen ne révèle aucun autre déficit neurologique. Pour celui le plus touché, l’examen rapproché met en évidence une absence de réponse à la menace bilatéralement sans déficit visuel évident ainsi qu’un replacement exagéré sur les quatre membres lors du placé proprioceptif.

À ce stade, l’examen neurologique oriente prioritairement vers une atteinte cérébelleuse du fait de l’ataxie cérébelleuse typique, sans pour autant exclure une atteinte du tractus spinocérébelleux cervical, qui peut entraîner des déficits de démarche similaires aux atteintes cérebelleuses primaires. Les principales hypothèses diagnostiques comprennent une anomalie congénitale (diverticule/kyste sous-arachnoïdien, hypoplasie cérébelleuse, Dandy Walker Syndrome) ou un processus dégénératif (abiotrophie cérébelleuse, dégénérescence spongieuse) sans exclure un processus inflammatoire (néosporose) voire tumoral (tumeur neuroectodermique primitive, médulloblastome cérébelleux).

Examens complémentaires

Pour chacun des deux patients, une IRM cérébrale est réalisée, dans les plans sagittal, dorsal et transverse avant et après injection d'un produit de contraste. Pour les deux patients, une augmentation de la taille des sulci cérébelleux est mise en évidence, de manière généralisée ou plutôt focale (partie dorso-latérale), en faveur d’une atrophie cérébelleuse non spécifique. L’un présente également une augmentation de la taille des sulci télencéphaliques ainsi qu’une discrète ventriculomégalie symétrique des ventricules latéraux avec une absence de septum pellucidum rostralement.

À ce stade, il est difficile de faire la distinction entre une hypoplasie congénitale non évolutive et un processus dégénératif. Le malinois étant connu pour développer une dégénérescence spongieuse associée à une ataxie cérébelleuse secondaire à une mutation génétique codant pour les canaux potassiques (KCNJ10), un test génétique est envoyé pour ces deux individus. Cette mutation du gène KCNJ10 est alors mise en évidence à l’état homozygote chez les deux chiots, confirmant la dégénérescence spongieuse avec ataxie cérébelleuse.

Discussion

Cette série de cas permet d’illustrer la difficulté de différenciation entre hypoplasie et processus dégénératif chez les animaux en jeune âge. En effet, l’IRM seule révèle des images non spécifiques d’atrophie corticale cérébelleuse, ne permettant pas de faire la distinction entre processus dégénératif et anomalie congénitale. Cliniquement, l’âge d’apparition des symptômes ainsi que l’évolution au cours du temps sont des facteurs clés permettant d’orienter le diagnostic.

L’hypoplasie cérébelleuse résulte d’un défaut de développement au cours de la neurogenèse, le plus souvent secondaire à une infection in utero ou postnatale (le développement du cervelet se poursuit jusqu’à 10 semaines après la naissance). Même si chez le chat des agents infectieux sont fréquemment mis en évidence, il n’existe pas de preuve suffisante permettant de mettre en cause certains pathogènes. Bien qu’une origine génétique soit privilégiée, une contamination par la parvovirose ou l’herpès virose peut cependant être suspectée. Dans ce cas, les signes cliniques se déclarent le plus souvent dès l’acquisition de la marche par l’animal ou dans les dix premières semaines de vie. Ceux-ci restent alors globalement stables au cours du temps avec certains animaux qui peuvent présenter une discrète amélioration en lien avec l’accoutumance à leur handicap.

Lors de processus dégénératifs cérébelleux, une dégénérescence neuronale progressive postnatale est observée. Plusieurs affections peuvent s’inclure au sein de cette catégorie. L’abiotrophie cérébelleuse fait partie des anomalies les plus représentées et se caractérise principalement par une atteinte des neurones de Purkinje. D’autres maladies dégénératives sont à considérer en fonction de la race. Chez le chien, une atteinte dégénérative du cervelet d’origine génétique est décrite. Une mutation génétique sur le gène KCNJ10, codant pour les canaux potassiques, est retrouvée chez les races de type bergers belges (comme le malinois). Des similitudes avec le syndrome d’EAST chez l’humain sont également rapportées. Ce syndrome se caractérise par une atteinte multi-organique causant des crises d'épilepsie, une surdité neurosensorielle, de l’ataxie, un retard mental et des déséquilibres électrolytiques. Sur le plan neurologique, les canaux KCNJ10 permettent une modulation du potentiel membranaire au repos des cellules neuronales par régulation du potassium extracellulaire. D’autres présentations neurologiques secondaires à une mutation sur ce gène sont décrites chez les races de type terrier, notamment chez le jack russell ou le parson russell terrier, provoquant une ataxie héréditaire spinocérébelleuse, possiblement associée à des myokymies ou à des crises convulsives. Lors d’une atteinte dégénérative, les signes cliniques peuvent se déclarer plus tardivement et sont évolutifs au cours du temps avec une dégradation progressive de la démarche et possiblement des crises convulsives selon la maladie considérée. Enfin, le diagnostic de certitude dépend de la réalisation de tests génétiques pour les races pour lesquelles une mutation a été mise en évidence. Un test génétique est également disponible chez le berger blanc suisse, permettant de diagnostiquer l’hypoplasie cérébelleuse (mutation du gène RELN).

Bibliographie :

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  • 1. Résident en neurologie, praticien à la clinique vétérinaire Olliolis, à Ollioules (Var).
  • 2. Dipl. ECVN, spécialiste en neurologie, praticien à la clinique vétérinaire Olliolis, à Ollioules (Var).