Médecines complémentaires
ANALYSE GENERALE
Auteur(s) : Par Caroline Driot
Entre acupuncture, mycothérapie et hydrotomie percutanée, le deuxième congrès de l'Association de médecines complémentaires vétérinaires a exploré des pratiques hors des sentiers battus de l’evidence-based medicine. Souvent décriées pour leur manque de validation scientifique rigoureuse, ces approches répondent à une demande croissante des propriétaires d’animaux, séduits par le caractère sur mesure des traitements proposés et par leur analogie avec les médecines alternatives humaines.
Avec des conférences « experts » réservées aux vétérinaires, et des conférences « grand public » ouvertes à tous, la deuxième édition du congrès de l’Association de médecines complémentaires vétérinaires (ACVM) a réuni près de 120 personnes, dont une soixantaine de vétérinaires, les 12 et 13 octobre derniers à Montpellier. Deux journées durant lesquelles une vingtaine de conférenciers ont évoqué des sujets allant de l’acupuncture à la mycothérapie, en passant par les approches intégratives en cancérologie ou l’hydrotomie percutanée. Tour d’horizon éclectique et non exhaustif.
L’acupuncture, une pratique qui relie les organes au psychisme
La médecine traditionnelle chinoise (MTC) a inventé un « algorithme » reliant les organes internes à l'un des cinq éléments (terre, feu, eau, métal, air), à une saison, à un moment de la journée, à un stade de la vie et à une émotion. Le foie est par exemple lié au bois, au printemps, au matin, à l’enfance et à la colère. Le rein et la vessie à l’eau, à l’hiver, à la nuit, à la vieillesse et à la peur. L’acupuncture considère que l’affection touchant un organe entraîne des répercussions sur l’émotion associée. La connaissance de ces associations permet d’orienter le diagnostic et le traitement. « En MTC, un animal jeune, agressif, présenté en consultation au printemps peut orienter vers un trouble lié au foie. Des troubles apparaissant l’hiver chez un chat peureux évoquent un dysfonctionnement du rein ou de la vessie », a ainsi illustré François Gonneau (T 90), qui dispense des cours d’initiation à l’acupuncture à l’ENVT depuis 1994. À noter qu’en MTC, un organe ne se réfère pas systématiquement à l’organe anatomique stricto sensu. La rate recouvre ainsi toutes les fonctions de gestion et d’assimilation des liquides par l’organisme.
L'hydrotomie percutanée en médecine vétérinaire
La technique de l'hydrotomie percutanée consiste à injecter une solution saline physiologique enrichie en nutriments (vitamines B, magnésium, silicium, EDTA), dans les couches profondes du derme, en regard des structures anatomiques lésées ou dysfonctionnelles. Elle vise la régénération des tissus sous-jacents à la zone d’injection, par l’amélioration de l’hydratation, de la microcirculation, ainsi que la chélation du calcium et des métaux lourds. Elle permettrait également un effet « wash-out » de dilution des médiateurs locaux de l’inflammation. L’hydrotomie percutanée est particulièrement indiquée dans les affections musculosquelettiques chroniques, comme l’arthrose ou les hernies discales, a ainsi développé Amélie Saussey (N 96), vétérinaire ostéopathe qui a transposé chez ses patients une méthode inventée il y a une trentaine d’années par Bernard Guez, médecin généraliste*. En pratique, la solution est injectée à l’aide d’aiguilles de mésothérapie. Le volume dépend de la surface à traiter. Le traitement comprend généralement une dizaine de séances, espacées de deux à trois semaines.
L’aromathérapie selon la méthode Derval
Infirmier et naturopathe de formation, Michel Derval exerce comme thérapeute spécialisé en aromathérapie. Sa méthode repose sur la compréhension préliminaire de l’état de santé du patient, l’identification de l’élément déclencheur des troubles et l’intégration de notions de médecine traditionnelle chinoise (MTC). La saisonnalité revêt ainsi une importance particulière, les différentes saisons correspondant à des états de faiblesse de certains organes en MTC. Ces éléments déterminent le choix d’une ou plusieurs huiles essentielles (HE), susceptibles de corriger les symptômes et le terrain propre à l’individu, à appliquer sur des points d’acupuncture spécifiques. En guise d’illustration, Léo Lisarde Irola (A 08), praticien mixte, formé en phytothérapie et en aromathérapie selon la méthode Derval, cite ainsi le cas d’une vache présentant une pneumonie et une baisse associée de la production laitière. En médecine chinoise, la rate, qui gère les liquides de l’organisme, est en lien avec le poumon, qu’elle nourrit. Les symptômes présentés par le bovin évoquent une faiblesse du lien entre la rate et le poumon. Le traitement proposé repose donc sur l’application d’huiles essentielles expectorantes, anti-inflammatoires et anti-infectieuses, sur des points d’acupuncture renforçant ces organes : huile essentielle de pin de Patagonie sur les naseaux, d’eucalyptus citronné derrière l’épaule, de ravintsara sur le nombril.
La mycothérapie en oncologie vétérinaire
Acides aminés, sucres, statines, vitamines, oligoéléments, minéraux… les champignons contiennent une diversité de molécules, qui leur confèrent un intérêt nutritionnel mais aussi thérapeutique, a souligné Hervé Rose, thérapeute en médecine chinoise, et directeur des ventes du laboratoire Hifas da Terra, qui commercialise des solutions thérapeutiques à base de champignons, destinées aux carnivores domestiques et aux chevaux. « Leur intérêt en oncologie vétérinaire repose sur l’action immunomodulatrice de certains de leurs composants : les β (1-3)/(1-6) D glucanes », a-t-il expliqué. Ces polysaccharides maintiennent l’équilibre immunitaire, en agissant sur les natural killers et les macrophages. Ils agissent également sur le micro-environnement et le métabolisme cellulaires : effet antimutagène, diminution de la toxicité des traitements anticancéreux sur les cellules saines, limitation de la croissance tumorale, de l’angiogenèse et de la diffusion métastatique. Les produits développés par Hifas da Terra reposent sur des mélanges synergiques de différents champignons, parfois associés à des extraits de plantes. Ces produits doivent être donnés à jeun pour une efficacité optimale. En dépit d’une action inhibitrice sur l’angiogenèse, ils peuvent a priori être donnés pendant une chimiothérapie, d’autant qu’ils sont dépourvus d’action sur le cytochrome P450 (impliqué dans le métabolisme des xénobiotiques).
Pour une approche intégrative du cancer et des maladies dégénératives
La médecine contemporaine et l’allopathie sont incontournables dans le traitement des affections aiguës. Mais la prise en charge des maladies dégénératives ou des cancers exige d’agir également sur le terrain du patient, estime Hervé Janecek (A 79), directeur de la société Cytobiotech, qui prône une approche globale du cancer. Les rayonnements électromagnétiques (4G, Wi-Fi), le tabac, une alimentation riche en graisses ou en sucres, entre autres, engendrent une oxydation des tissus (perte d’électrons), néfaste à leur fonctionnement, et qui, à terme, fait le lit des maladies dégénératives et des cancers.
L’approche intégrative s’intéresse à toutes les mesures de lutte possibles contre les tumeurs : chimiothérapie, chirurgie, mais aussi thérapies oxydantes (vitamine C, bleu de méthylène, dioxyde de chlore…) et traitements physiques (application de micro-impulsions de haut voltage) ciblés sur les tissus tumoraux. Elle repose d’autre part sur la préservation des « 99 % de cellules saines de l’organisme » : hygiène de vie, champignons thérapeutiques, cures de drainage hépatorénales et déparasitage régulier, a souligné Hervé Janecek.
Le mot de la présidente
« Nous prônons une approche intégrative et pragmatique, dans l’intérêt du patient »
Sylvia Morand (T 09) est présidente de l’Association de médecines complémentaires vétérinaires (AMCV). Elle a assuré, avec les quatre autres membres du bureau, l’organisation de ce congrès.
Pourquoi proposer un congrès ouvert à la fois aux vétérinaires et au grand public ?
Cette idée a germé à l’issue de ma formation aux médecines complémentaires : je voulais réunir les praticiens pour continuer à échanger autour de ces sujets. C'est le congrès du Syndicat des professionnels de la naturopathie qui m'a inspiré l'ouverture au grand public. L’objectif est de ramener celui-ci vers les vétérinaires, parce qu'une multitude de personnes plus ou moins compétentes, plus ou moins honnêtes, gravitent autour de la santé animale, prétendant soigner par les plantes, ou parler aux animaux.
Mais au sein même de la profession, les approches complémentaires ne font pas l’unanimité…
L’AMCV ne cherche pas à opposer les médecines, ni à dénigrer l’allopathie. Nous prônons une approche intégrative et pragmatique, dans l’intérêt du patient. Pour ma part, je n’exerce plus en tant que vétérinaire praticienne : je travaille comme consultante en communication animale et en naturopathie, en référé exclusif. Au lancement de mon activité, je me suis présentée à une trentaine de cliniques des environs. Une seule a fermé la porte à toute collaboration. Mes clients me sont adressés par leurs vétérinaires traitants, dont je respecte toujours le discours, et cela fonctionne très bien.
Empirisme versus evidence-based medicine
Le deuxième congrès de l’AMCV aura certainement déçu les férus de l’evidence-based medicine ! Pas d’études « traitement versus placebo » en double aveugle randomisées, ni de méta-analyses au programme. Pour autant, les approches complémentaires séduisent de plus en plus de clients et de praticiens. Les premiers y ont souvent recours pour leurs animaux, après avoir été convaincus de leur efficacité sur eux-mêmes. Les seconds y trouvent un remède à l’ennui, ou à la frustration générée par l’exercice « classique » de la médecine vétérinaire, jugé trop standardisé, ou limité en termes de solutions thérapeutiques. Pour Leo Lisarde Irola (A 08), « l’aromathérapie selon la méthode Derval est une médecine passionnante, créative, où prime la réflexion ». Et qui lui a permis de diminuer de moitié ses prescriptions d’antibiotiques.