14 recommandations pour améliorer le bien-être des chiens, des chats et des chevaux - La Semaine Vétérinaire n° 2062 du 17/01/2025
La Semaine Vétérinaire n° 2062 du 17/01/2025

Prise de position

ANALYSE GENERALE

Auteur(s) : Par Karin de Lange

Quatre associations vétérinaires internationales prennent position pour améliorer le bien-être des animaux de compagnie et des chevaux grâce à des pratiques comportementales basées sur des données probantes. La formation des professionnels, l'interdiction des outils de dressage électriques ou encore la promotion du renforcement positif sont autant de mesures souhaitées pour favoriser des relations homme-animal respectueuses et harmonieuses.

« En tant que vétérinaires, nous avons des responsabilités en ce qui concerne le comportement et le bien-être des animaux », a expliqué Sean Wensley (Royaume-Uni)1, ancien président du groupe de travail sur le bien-être animal de la Fédération des vétérinaires d’Europe (FVE), lors d’un webinaire2 qui s'est tenu le 17 décembre dernier et qui a présenté les principaux points du document de position sur le sujet publié récemment3. Intitulé « Dressage et comportement des chats, des chiens et des chevaux – recommandations pour améliorer le bien-être grâce à des pratiques comportementales fondées sur des données probantes », celui-ci a été adopté conjointement par quatre associations vétérinaires (Fecava,Feeva, FVE et WSAVA)4

Parmi les points clés du webinaire, l’importance du comportement animal dans la pratique vétérinaire, la médecine comportementale préventive, les méthodes de dressage, les possibilités d'exprimer un comportement normal, le comportement indésirable et l’accréditation et la formation des comportementalistes animaliers. Les intervenants ont dressé un contexte pour les 14 recommandations (voir encadré).

Se renseigner sur les antécédents de l’animal de compagnie avant l’achat

« Je ne connais personne qui achète une voiture ou un smartphone sans passer beaucoup de temps à se renseigner, à comparer les modèles, les avantages et d’autres caractéristiques avant de sélectionner le plus approprié, a observé Ann Criel, praticienne canine en Belgique, parlant au nom de la Fecava. Cependant, je rencontre quotidiennement de nouveaux propriétaires qui ne savent rien de leur animal de compagnie. Ils ne se sont renseignés ni sur la race, ni sur l'éleveur, ni sur les problèmes génétiques ou encore sur l’environnement adéquat, voire sur l’âge du sevrage ou sur la socialisation précoces de leur animal. » Pourtant, les expériences vécues tôt dans la vie, telles que le sevrage précoce ou les mutilations (caudectomie, otectomie), ont un impact majeur sur le bien-être de l’animal et la relation homme-animal. Une socialisation suffisante et progressive est essentielle pour un animal de compagnie stable et en bonne santé. « En tant que vétérinaires, nous sommes souvent parmi les premiers à voir le chiot ou le chaton dans leur nouvelle famille. C'est un bon moment pour discuter d’éventuels problèmes de comportement. Souvent, nous pouvons encore aider à rectifier la situation. Parce quil n'y a rien de plus beau qu'un lien humain-animal fort », a précisé Ann Criel.

Décourager les méthodes de dressage traditionnelles ou basées sur la domination

« Les méthodes contemporaines de dressage animal qui ont prouvé leur efficacité sont basées sur des récompenses et non pas sur la punition, a rappelé Mette Uldahl, praticienne équine au Danemark et ancienne présidente de la Feeva. Les “punitions positives”, comme le fait de frapper, de crier ou de fouetter, peuvent induire de la peur et freiner l'apprentissage, tandis que les “punitions négatives”, comme le retrait de privilèges – par exemple l’accès au canapé –  ou de jouets ne sont pas toujours comprises », détaille-t-elle. Les vétérinaires devraient donc conseiller aux propriétaires de se concentrer sur le renforcement positif basé sur la récompense. « En tant que vétérinaires, nous devrions fortement décourager les méthodes obsolètes et inhumaines qui sont souvent justifiées par la “tradition” ou fondées “sur la domination”, a-t-elle déclaré. Les méthodes de dressage devraient « contribuer au bien-être des animaux, renforcer le lien homme-animal et assurer la sécurité des deux. Bien que nos animaux de compagnie et nos chevaux soient domestiqués, beaucoup conservent les comportements de leurs ancêtres sauvages », a-t-elle alerté, ils doivent donc pouvoir exprimer un comportement spécifique à l'espèce, ce qui est vital pour leurs besoins comportementaux et leur bien-être. « Chez les chevaux, nous appelons cela les 3 F : ils ont besoin d'avoir accès à des congénères (friends), de circuler librement (free movement) et de pouvoir chercher leur nourriture (forage). »

N’empêchez pas les comportements indésirables de se produire

« Les comportements dits indésirables sont parfois naturels, tels les aboiements ou les griffures, qui ne sont problématiques que pour le propriétaire », a rappelé Heather Bacon (Royaume-Uni), présidente du comité du bien-être animal de la WSAVA. Le comportement peut également être pathologique ou être induit par la peur, le stress ou la frustration, comme un comportement stéréotypé. « Il est important que nous n'empêchions pas simplement le comportement indésirable de se produire – par exemple en dégriffant des chats ou en plaçant des colliers sur les chevaux pour gérer le tic à l'air –, parce que cela peut en fait aggraver le comportement. Car nous empêchons ainsi l'animal d'exprimer ses sentiments de détresse, ce qui a un effet négatif sur son bien-être. Les animaux exprimant du stress, de la douleur ou un comportement conflictuel ne doivent pas être considérés comme “normaux”, parce qu'il peut y avoir un fond pathologique, comme les ulcères gastriques chez les chevaux ou la douleur chronique chez les chiens atteints de phobie du bruit », a prévenu l'intervenante. Laquelle a expliqué que les associations signataires appelaient à l'accréditation des comportementalistes, qu'il s’agisse de vétérinaires ou non : « Les lignes directrices, adoptées par la WSAVA, s'appliquent à l'échelle mondiale. »

Susciter la conversation

« Nos recommandations ne servent que de cadre, pour lancer une conversation », a commenté Sean Wensley. L’étape suivante serait d’œuvrer pour des mesures plus concrètes, telles qu'une interdiction à l’échelle européenne des outils de dressage électriques, ou une interdiction des interventions purement cosmétiques. « Aussi, devrions-nous promouvoir plus de recherche sur les comportements dits indésirables, remettre en question certaines traditions démodées de dressage, et veiller à ce que nos animaux aient une belle vie et une mort digne », a-t-il conclu.

Recommandations

1. Mise en place des conseils pour assurer le bien-être dans les établissements d'élevage, en particulier grâce à des environnements adaptés aux espèces et des comportements spécifiques aux espèces.

2. Mise en place d'une interdiction des interventions non utiles, par exemple pour des raisons purement esthétiques (« mutilations »).

3. Les gardiens d'animaux devraient s’assurer d'une exposition progressive des jeunes individus à leur environnement (socialisation).

4. Les étudiants vétérinaires devraient être formés aux manipulations respectueuses et au comportement animal.

5. Les méthodes de dressage des animaux devraient être fondées sur des preuves et s’appuyer sur un renforcement positif.

6. L'équipement et les techniques de dressage ne doivent pas causer de douleur, de peur ou de stress, ni mettre les animaux dans des positions corporelles non naturelles.

7. Appel à l'interdiction complète des outils d'entraînement électriques (colliers, aiguillons).

8. Appel à la réglementation pour protéger les techniques humaines et respectueuses du bien-être animal.

9. Les animaux devraient avoir une bonne vie et être en mesure d'exprimer un comportement spécifique à l'espèce.

10. Appel à l'interdiction du maintien des chiens et des chevaux à l'attache.

11. Les étudiants vétérinaires devraient être formés à reconnaître les comportements normaux et anormaux, à évaluer la douleur (« premiers soins comportementaux »), et à conseiller les clients dans ces domaines.

12. Les gardiens d'animaux devraient suivre une formation pour comprendre le comportement et les besoins comportementaux des animaux dont ils sont responsables.

13. Les animaux présentant des signes de stress, de douleur ou de comportement conflictuel ne devraient pas être utilisés pour l'entraînement, l'exposition ou la compétition jusqu'à ce que ces manifestations n’aient cessé.

14. Appel à la réglementation des services de formation et à l'accréditation des comportementalistes et des entraîneurs.

Pour les recommandations détaillées et un exposé de position complet, voir https://urls.fr/EUgGhH

  • 1. Voir aussi La Semaine Vétérinaire n° 2049 du 27/9/2024.
  • 4. FVE : Federation of Veterinarians of Europe ; Fecava : Federation of European Companion Animal Veterinary Associations ; Feeva : Federation of European Equine Veterinary Associations ; WSAVA : World Small Animal Veterinary Association.