État des lieux des lésions podales chez les jeunes bovins à l’engraissement - La Semaine Vétérinaire n° 2062 du 17/01/2025
La Semaine Vétérinaire n° 2062 du 17/01/2025

FORMATION MIXTE

Auteur(s) : Clothilde Barde

Article rédigé d’après la conférence éponyme présentée par Sarah Ishak (vétérinaire, doctorante à l’Institut de l’élevage et à l’UMR 1300 BIOEPAR chez Oniris) lors des Journées nationales des groupements techniques vétérinaires, qui se sont tenues à Tours du 15 au 17 mai 2024.

Les boiteries sont surtout connues chez les vaches laitières. De plus en plus souvent rapportées chez les jeunes bovins (JB), surtout en fin d’engraissement, elles ont des répercussions économiques et sur le bien-être des animaux. Selon les données de la littérature, 90 % d’entre elles sont dues à des lésions podales, mais un manque de connaissances sur leur étiologie persiste. Une étude italienne1 a montré que les bleimes, les érosions de talon et les dermatites digitées (DD) sont les lésions les plus fréquentes chez les JB en engraissement. Selon une étude française récente, réalisée dans l’Aisne, la prévalence de la DD intra-lot peut aller de 10,5 à 100 % dans les lots atteints par la maladie sachant que celle-ci est responsable de 75 à 100 % des abattages précoces2. Dans le cadre de sa thèse, intégrée au projet Feedlame (lancé en avril 2023 par l'Institut de l'élevage), la conférencière a tenté de déterminer la prévalence des lésions podales chez les JB français, et d'évaluer la sévérité des lésions à l'échelle de l'animal, du pied et du lot. Pour cela, les 4 pieds de 2102 JB ont été étudiés (56,9 % de vaches charolaises, puis, par ordre de fréquence des croisés, limousines, blondes d’Aquitaine, prim’Holstein et autres races). Les animaux provenaient de lots originaires d’élevages de toute la France et ont été observés en abattoir, en fin d’engraissement, au printemps et à l’automne 2023 (afin de déterminer s’il y avait une influence saisonnière). Les lésions observées ont ensuite été classées suivant leur caractère infectieux, non infectieux ou potentiellement douloureux. 

Les boiteries, une affection problématique pour les JB français

D’après les résultats obtenus, il semblerait que 97,1 % des JB de l’échantillon présentaient au moins une lésion podale (avec 94,6 % des JB au printemps et 99,1 % à l’automne). En ce qui concerne les lésions non infectieuses, 93,1 % des JB avaient au moins une lésion non infectieuse (bleime diffuse (77,6 %) > bleime en ligne blanche (51 %) > bleime circonscrite (44,2 %) > ouverture de la ligne blanche (42,6 %) > rotation de l’onglon > onglons en ciseaux > décollement dorsal de la muraille, etc.). En termes de saisonnalité, ces lésions non infectieuses étaient plus fréquentes au printemps qu’à l’automne. Pour les lésions infectieuses, elles affectaient 80 % des JB (érosion de la corne du talon (73,6 %) > DD (34,4 %) > dermatite interdigitale > limace > panaris) et étaient plus fréquentes à l’automne qu’au printemps. Enfin, les lésions sévères ou jugées douloureuses concernaient 34,3 % des JB (M2 de la DD > ouverture de la ligne blanche niveau 2 (14,3 %) > ouverture de la ligne blanche niveau 3 (4,2 %) > ulcère du bulbe (1 % des JB), nécrose en pince (0,8 %), ulcère de sole (0,6 %), > enflure de la couronne (0,4 %)). Comme pour les lésions non infectieuses et infectieuses, les lésions douloureuses étaient plus fréquentes à l’automne qu’au printemps, et, au total, la moitié des lots était touchée par la DD.

Des atteintes similaires sur les antérieurs et sur les postérieurs

Par ailleurs, 92,1 % des lésions se trouvaient sur les postérieurs et 91,1 % sur les antérieurs: les antérieurs et les postérieurs étaient donc pareillement touchés. Toutefois, pour l’érosion de talon, ce sont les postérieurs qui étaient principalement atteints. Pour la bleime diffuse, c’étaient à la fois les postérieurs (onglons externes porteurs) et les antérieurs, et pour l’ouverture de la ligne blanche, les antérieurs l'étaient davantage, avec des différences entre les onglons (onglons internes pour les postérieurs et onglons externes – c'est-à-dire les onglons porteurs – pour les postérieurs). Concernant la DD, contrairement à ce qui est connu pour les vaches laitières, 83,5 % des lésions étaient situées en face dorsale, 49,1 % en face plantaire et 5 % étaient localisées ailleurs (ouverture ligne blanche, limace, etc.). En conclusion, la bleime diffuse a été la lésion la plus fréquemment observée dans les travaux de Sarah Ishak, à l’instar des résultats de l'étude italienne menée en abattoir1. De plus, 51,1 % des lots étudiés étaient atteints de DD, et 73 % des JB présentaient une érosion de talon. Ce qui témoigne, pour la conférencière, de l’importance de poursuivre la sensibilisation à cette maladie. Les prochaines étapes consisteraient à étudier l’association entre les lésions podales et les performances des carcasses des JB, ainsi qu’à formuler des hypothèses sur les facteurs de risques associés aux lésions podales.

  • 1. Magrin et al., 2018. « An overview of claw disorders at slaughter in finishing beef cattle reared in intensive indoor systems through a cross-sectional study. »
  • 2. Duvauchelle-Waché et al., 2024. « Digital dermatitis in French young bulls fattening farms: First data on risk factors and treatment » (22nd International Symposium and 14th Conference on Lameness in Ruminants).