Biosécurité
FORMATION MIXTE
Auteur(s) : Marine Neveux Anne Couroucé, professeure à Oniris-Cisco, présidente du conseil scientifique du Réseau d'épidémiosurveillance en pathologie équine (Respe), s'est exprimée lors de la webconférence « Biosécurité et bien-être dans les grands événements sportifs » organisée par le Respe le 21 janvier 2025.
Notre consœur Anne Couroucé a partagé son expérience acquise lors d’événements sportifs équestres majeurs, notamment les épreuves des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris 2024 qui se sont tenues à Versailles. Elle a collaboré avec Camille Vercken, ingénieure agronome chez Equiways, qui l’a accompagnée à l'occasion de ces Jeux et lors des championnats d’Europe.
La biosécurité
Le règlement de la Fédération équestre internationale (FEI) inclut des dispositions précises en matière de biosécurité, avec des règles qui s'appliquent à chaque concours. Dans les trois jours précédant la compétition, il est obligatoire de prendre la température des chevaux matin et soir, puis de renseigner ces données dans une application spécifique.
À l’arrivée du cheval sur le site, la présentation d'un certificat dit Safe Certification, attestant qu'il provient d’un lieu exempt de maladies infectieuses, est requise. Après une prise de température, il accède aux écuries du concours.
« Cette pratique devrait devenir une habitude, estime Anne Couroucé. Chaque propriétaire ou responsable devrait prendre la température de son cheval une fois par jour, parce qu'un cheval affichant 38,8 °C de température peut ne présenter aucun signe clinique évident. »
Analyse des risques
Chaque maladie a été étudiée individuellement : « Nous décrivons la maladie, son épidémiologie, ses conséquences et les probabilités de son apparition », explique la vétérinaire. Par exemple, la grippe équine a une probabilité moyenne de survenue, tandis que l’anémie infectieuse présente une probabilité faible, mais, si elle se manifeste, ses conséquences sont parfois extrêmement graves. Cela permet de déterminer le niveau de risque en classifiant les maladies de manière précise.
Une société suisse a développé des masques spécifiques pour les chevaux. Fixables sur les licols ou sur les paniers, ils sont de type FFP2 et peuvent être utilisés en cas de suspicion d’une maladie chez l'animal.
Contrôle des maladies vectorielles
La gestion des maladies vectorielles est essentielle. Les moustiques et les mouches, omniprésents, voient leur répartition s’étendre avec le réchauffement climatique. Par exemple, la maladie de West Nile, autrefois limitée à la Camargue, est désormais observée à Bordeaux, à La Rochelle et à Lyon. Pour lutter contre ces vecteurs, divers dispositifs peuvent être utilisés dans les écuries, comme les grills, les pièges à dioxyde de carbone pour attirer les moustiques, ou encore les pièges à taons et à stomoxes. Par ailleurs, Anne Couroucé précise : « [À Versailles] nous utilisions des bacs à eau pour refroidir les chevaux. Lorsqu’ils n’étaient pas surveillés, ces bacs étaient systématiquement recouverts pour éviter qu’ils n’attirent les moustiques et les mouches, et ils étaient nettoyés quotidiennement. »
Site et lieux
Il est essentiel de préserver la sécurité des chevaux et des personnes qui les entourent, tout en maintenant une marche en avant pour garantir la biosécurité. À Versailles, un pédiluve antidérapant contenant un désinfectant avait été mis en place à l'arrivée. Tous les pieds, sabots, roues… étaient désinfectés en le traversant. Concernant la circulation des chevaux, un protocole strict avait été instauré : les animaux étaient arrêtés une première fois pour vérifier leur température. Ceux présentant une fièvre étaient stoppés avant d’accéder aux installations, afin de prévenir tout risque de propagation.
À Valence, en Espagne, un exemple de ce qu’il ne faut pas faire a été observé : une grande tente abritait 450 boxes, avec une ventilation limitée aux seules ouvertures de la structure et des couloirs trop étroits. Il est possible d’utiliser de grandes tentes à condition de les organiser en unités de 20 boxes séparées, avec une ventilation indépendante et des entrées distinctes. Ainsi, en cas de problème avec un cheval, il devient possible d’isoler la zone concernée sans pénaliser l’ensemble de l’écurie.
Des infrastructures spécifiques avaient également été prévues aux JOP : 8 boxes d’attente et 8 boxes d’isolement. Si un cheval arrivait avec de la température, il pouvait être placé dans un box d’attente avec les chevaux qui avaient voyagé avec lui, afin de limiter les risques de contamination.
Enfin, une attention particulière doit être portée aux zones environnantes. Par exemple, la circulation des chiens en liberté devrait être interdite, parce qu'ils peuvent passer d’un cheval à l’autre et devenir des porteurs passifs d’agents pathogènes.
Nettoyage et désinfection
L’objectif est de garantir des boxes propres, désinfectés et scellés. Aucun matériau, comme de la paille ou des copeaux, ne doit y être étalé. Pour des raisons de biosécurité et de prévention du dopage, les boxes doivent rester vides : si l'on veut recourir à des copeaux, les paquets doivent rester fermés jusqu'à leur utilisation.
Le désinfectant employé est tenu de répondre à plusieurs critères : il doit avoir un large spectre d’action, agir rapidement, ne pas être affecté par les facteurs environnementaux, être simple à utiliser, sans odeur, sans rémanence sur l’environnement et rester économique. Il est essentiel de lire attentivement la notice du produit et de respecter les dosages recommandés. À Versailles, une équipe chargée du nettoyage a effectué un travail en profondeur. Les outils et les surfaces ont été désinfectés avec du matériel spécifique.
Tous les locaux communs et partagés, y compris les douches, doivent être nettoyés régulièrement. Les boxes de traitement, quant à eux, sont désinfectés après chaque passage d’un cheval. Il est également nécessaire de désinfecter les vélos, les golfettes et tout autre équipement muni de roues entrant sur le site. Des pédiluves ont été mis en place pour assurer un nettoyage efficace à Versailles.
Traçabilité
Il est essentiel de conserver une traçabilité précise, notamment pour savoir quels chevaux étaient voisins en cas de problème sanitaire.
Richard Corde a joué le rôle d’ambassadeur du bien-être des chevaux lors des ces JOP. Une grande attention a été portée à leur confort : création de zones où ils pouvaient se rouler et d'espaces de rafraîchissement comprenant des bacs d’eau avec de la glace, particulièrement adaptés lors des fortes chaleurs.
Le bien-être des chevaux inclut également des temps de repos. Ainsi, une fermeture des écuries d'une durée minimum de 6 heures leur assurait une quiétude pour se reposer et dormir. Dans le cas où un groom devait impérativement entrer dans les écuries pendant cette période, celui-ci avait à en demander l’autorisation à un steward. Par ailleurs, l'installation de lumières rouges permettait aux humains de voir sans perturber les équidés, ces derniers ne percevant pas cette longueur d'onde. D’autres dispositifs étaient proposés, comme des physiothérapeutes pour les chevaux, une balance permettant de surveiller leur poids de forme, ainsi qu’un stérilisateur de foin.
La biosécurité et le bien-être des chevaux sont intimement liés. Il est important de prendre en compte tous les aspects de la biosécurité, de maintenir une bonne communication entre vétérinaires et organisateurs, de prévoir le maximum de solutions et de gérer les imprévus avec professionnalisme et bonne humeur.