EXPRESSION
Auteur(s) : Propos recueillis par Chantal Béraud
Dès leur cursus en écoles nationales vétérinaires, les praticiens sont formés à être « pharmacovigilants ». Pourtant, la sous-déclaration des effets indésirables (EI) reste une problématique rencontrée par la profession. Les raisons en sont multiples.
CÉDRIC CHIARLONE (T 14)
Praticien en canine à Ollioules (Var)
JE SUIS DEVENU MOINS « BON ÉLÈVE » !
Ma thèse, obtenue en 2014 et intitulée « Promouvoir la déclaration des effets secondaires dans la profession vétérinaire », visait à recueillir des données au sein du service de dermatologie de l’École nationale vétérinaire de Toulouse et à recenser les difficultés rencontrées dans la démarche de déclaration. J'en ai profité pour proposer des corrections, de manière à faire progresser ce système. En effet, en restant optimistes, nous estimions alors qu’un praticien français ne déclarait qu’un cas tous les cinq ans environ. Depuis dix ans, mon exercice quotidien m’a hélas confirmé cette tendance. J’ai moi-même tenté de motiver mon équipe à la déclaration, mais je suis devenu de moins en moins bon élève au fil des années ! L’Anses-ANMV1 était déjà consciente en 2014 de la nécessité d'une réforme. Car c’est certain, passer en moyenne vingt minutes par notification (comme je l’avais calculé pour ma thèse) n’était pas encourageant ! C’est pourtant le temps qu’il fallait si l’on voulait être exhaustif (sans réduire, par exemple, des informations probablement importantes, comme les autres médicaments utilisés en parallèle, type APE).
LAURENT FAGET (T 04)
Praticien mixte, président du réseau VPlus et du Groupement technique vétérinaire de Gironde
PLUS FACILE EN CANINE QU’EN RURALE
Nous essayons d'asssurer notre mission de pharmacovigilance, y compris en rurale, mais, dans les faits, les éleveurs nous remontent rarement des informations de terrain. Ils n’y sont pas sensibilisés. Il est vrai que dans certains élevages, la relation avec le vétérinaire se distend. Ils ne sont plus autant demandeurs, surtout s’ils changent de modèle d’exploitation en passant d’animaux en bâtiments surveillés à un système d’élevage en extensif… En revanche, nous avons déjà fait plusieurs télédéclarations d’effets indésirables (EI) en activité canine. Soit les propriétaires nous les signalent, soit nous les découvrons, souvent durant le temps d’hospitalisation de l’animal. Il peut s’agir, par exemple, de réactions allergiques ou de troubles gastro-intestinaux. Cependant, si je lis que les EI que je repère sont bien documentés, avec une fréquence élevée, je ne les télédéclare pas. Je n’agis que si les EI sont vraiment une source d’inconfort, voire s’ils mettent en danger la vie de l’individu. Télédéclarer sert également à prouver au propriétaire concerné que le praticien prend vraiment son cas en compte.
SYLVIE D’ARCANGELA (A 01)
Praticienne en canine à Biarritz (Pays basque)
JE SIGNALE PARFOIS, MAIS PAS FRÉQUEMMENT !
En écrivant ma thèse sur les « effets secondaires et incompatibles des antibactériens en médecine vétérinaire des carnivores domestiques », j’étais alors persuadée que déclarer les EI était essentiel ! Mais depuis, je prends conscience qu’en une vingtaine d’années de pratique je n’ai fait que quelques signalements. Pourtant, même en cas d’un EI déjà répertorié, on devrait en théorie le télédéclarer, pour qu’il passe éventuellement de la catégorie « très rare » à « rare ». En revanche, plus fréquemment, je demande à mes clients de me faire des retours personnels, pour savoir par exemple si, après une vaccination, ils ont constaté une bosse, une gêne, une douleur, etc. On s’en enquiert surtout auprès de propriétaires en qui on a confiance ! Le praticien peut aussi bien surveiller cela s’il a une nouvelle injection à pratiquer trois à quatre semaines plus tard. Enfin, dans un cadre d’urgence, il m’est déjà arrivé plusieurs fois d’appeler un centre antipoison (pour savoir quelle est la dose toxique, quels sont les symptômes, etc.). Et après qu’ils m’ont aidée, je leur fournis systématiquement un retour de cas clinique.