Cardiologie interventionnelle
FORMATION CANINE
Auteur(s) : Anouk Adalsberg et Hervé Brissot (Dipl. ECVS), praticiens à Azurvet (Saint-Laurent-du-Var, dans les Alpes-Maritimes)
Cas clinique
Anamnèse
Un bouledogue anglais mâle entier de 4 mois et demi (20 kg) est référé pour une suspicion de persistance de canal artériel à la suite d’une visite de routine chez son vétérinaire traitant (auscultation d’un souffle cardiaque). Les propriétaires ne relèvent aucune anomalie majeure hormis une fatigabilité prononcée en fin de journée pour ce chien adopté à l’âge de 2 mois et demi.
Examen clinique
À l’examen clinique d’admission, l’animal présente un bon état général. Les anomalies mises en évidence ce jour sont une sténose des narines, compatible avec la race, et la présence d’un souffle cardiaque systolo-diastolique basal gauche de grade 5/6 à l’auscultation de l’aire cardiaque. Étant donné le jeune âge du sujet et l’auscultation cardiaque caractéristique, une maladie congénitale est suspectée avec une persistance du canal artériel.
Examens complémentaires
Aucune anomalie significative du bilan sanguin (NFS, biochimie complète) n’est mise en évidence. Une échocardiographie permet ensuite d’identifier le canal artériel. Le mode doppler couleur révèle un flux continu et turbulent en regard du canal artériel et dans l’artère pulmonaire post-valvule (shunt de type gauche-droit), avec une discrète insuffisance pulmonaire associée. Au mode doppler spectral, un flux systolo-diastolique pathognomonique est observé lorsque la sonde est positionnée en face du canal artériel (coupe petit axe transaortique parasternale droite). Les résultats des examens complémentaires sont donc en faveur d’un shunt gauche-droit secondaire à une persistance du canal artériel.
Traitement
Une prise en charge chirurgicale est planifiée dix jours plus tard. Une échocardiographie d’admission est réalisée et reste inchangée. Une voie intraveineuse périphérique est mise en place. L’anesthésie générale est pratiquée à l’aide de méthadone (0,2 mg/kg), puis de diazépam (0,2 mg/kg) couplé au propofol (dose à effet en IV lente). Après intubation endotrachéale, l’anesthésie est maintenue sous isoflurane dans 100 % d’oxygène. La technique chirurgicale choisie est mini-invasive. Elle consiste à fermer le canal artériel par voie endovasculaire au moyen du dispositif Amplatz Canine Duct Occluder (ACDO), sous contrôle fluoroscopique. Ce dispositif est composé de deux disques en maille de nitinol. Pour l’opération, un cathéter marqueur est inséré dans l’œsophage en début d’intervention. L’animal est positionné en décubitus latéral droit et l’artère fémorale droite est abordée après isolation chirurgicale. Une première gaine vasculaire de 5 Fr avec dilatateur est introduite dans l’artère fémorale, permettant ensuite de passer une gaine vasculaire de plus gros diamètre (7 Fr). Cette gaine est alors avancée dans l’aorte thoracique distalement au canal artériel. Une première angiographie est réalisée à l’aide d’un produit de contraste iodé (1 à 1,5 ml/kg), ce qui permet de visualiser le type de canal artériel (IIa, voir encadré) et de prendre les mesures pour la suite de l’intervention. La gaine vasculaire et son dilatateur sont avancés dans le canal jusque dans l’entrée de l’artère pulmonaire. La mise en place du dispositif est effectuée après retrait du dilatateur. Le disque distal plat est libéré en premier en regard de l’ostium pulmonaire, puis le disque proximal est libéré dans l’ampoule ductale. La stabilité et la localisation de l’Amplatz sont vérifiées par une angiographie de contrôle, puis le dispositif est relâché du câble de livraison par rotation anti-horaire. La gaine vasculaire est retirée, l’artère fémorale est ligaturée proximalement et distalement, et le plan cutané, fermé de façon conventionnelle.
Une radiographie thoracique est réalisée en postopératoire immédiat et 24 heures après, afin de vérifier la localisation du dispositif et l’absence de migration. Le souffle systolo-diastolique n’est plus audible à l’auscultation cardiaque. Les soins postopératoires comprennent une diminution progressive de l’analgésie (passage à la buprénorphine, 20 µg/kg IV toutes les 6 heures), le maintien de la fluidothérapie à débit d’entretien (Ringer lactate 2 ml/kg/h) et une antibiothérapie par voie intraveineuse (céfazoline 20 mg/kg IV toutes les 8 heures). À la sortie d’hospitalisation, l’antibiothérapie est continuée pendant 3 semaines (céfazoline 15 mg/kg, 2 fois par jour), un repos strict est préconisé et, dans la mesure du possible, aucune intervention chirurgicale et/ou plaie ne doit avoir lieu pendant les trois semaines suivantes afin de minimiser les risques d’infection du dispositif ACDO.
Suivi
L’animal montre, 4 mois après l’intervention, une très bonne et rapide convalescence. Le dispositif ACDO est bien en place sur la radiographie thoracique de suivi et l’auscultation cardiaque reste inchangée. L’échocardiographie de contrôle montre une occlusion complète du canal artériel, une absence de flux ductal résiduel, avec malgré tout la persistance d’une insuffisance pulmonaire discrète se manifestant cliniquement par un souffle systolique basal gauche de grade 1 à 2/6.
Discussion
Le canal artériel chez le chien (ductus arteriosus) est, à l’origine, une communication vasculaire fœtale reliant l’aorte descendante et le tronc pulmonaire, qui permet au sang de contourner le territoire pulmonaire non fonctionnel. Normalement, avec l’augmentation de la pression partielle en oxygène et la diminution des prostaglandines, il se ferme quelques jours après la naissance pour former le ligament artériel. Dans le cas contraire, il y a persistance du canal artériel. Elle est la première cause de maladies cardiaques congénitales chez le chien. Les femelles sont surreprésentées (75 %), de même que les chiens de petites races (dont le caniche et le yorkshire) et les chiens de berger (dont le berger des Shetland).
Les shunts sont majoritairement de type gauche-droit. Dans la plupart des cas (de 60 à 70 %), les chiens sont asymptomatiques. Quand des symptômes sont présents, ce sont des signes d’insuffisance cardiaque congestive.
Le choix de la technique chirurgicale dépend de la morphologie du canal artériel (types I, IIa, IIb, III) et du gabarit de l’animal. Les nouvelles techniques d’occlusion par voie endovasculaire ont pour principal avantage de diminuer la douleur postopératoire (l’intervention étant beaucoup moins invasive) et la durée d’hospitalisation. Le dispositif ACDO est le traitement de choix pour la fermeture du canal artériel chez le chien, en raison de sa simplicité d’utilisation, du risque mineur d’embolisation associé (5 %) et de sa très bonne capacité d’occlusion (seulement 3 % de flux résiduel ductal). Cette technique est cependant contre-indiquée lors d'une lésion de type III (manque de stabilité et risque d’embolisation, les parois du canal restant parallèles sur tout son trajet). Elle est également à éviter sur des chiens de moins de 3 à 4 kg (en raison de l’étroitesse de l’artère fémorale). En l’absence d’intervention chirurgicale sur un canal artériel de type gauche-droit, le pronostic de l’animal est engagé, avec 65 % de mortalité décrite durant la première année. Dans le cas contraire, la chirurgie est curative.
Classification des canaux artériels
Type I : rétrécissement progressif du canal artériel (CA) de l'aorte vers le tronc pulmonaire (TP) sans modification brutale du diamètre canalaire.
Type IIa : partie proximale du CA de dimension constante, puis rétrécissement brutal à l'insertion dans le TP.
Type IIb : CA de forme conique avec rétrécissement distal abrupt juste avant son insertion dans le TP.
Type III : CA d'apparence tubulaire sans rétrécissement du diamètre canalaire (< 8 % des cas, bergers allemands surreprésentés).
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