Soins intensifs
FORMATION CANINE
Auteur(s) : Caroline Dania, résidente ECVECC, et Maxime Cambournac, diplômé ECVECC, praticiens au CHV Frégis (Gentilly, Val-de-Marne)
La réanimation cardio-pulmonaire (RCP) est essentielle pour restaurer une circulation spontanée après un arrêt cardio-respiratoire. Afin de garantir son efficacité, il est crucial qu’elle soit réalisée de manière optimisée et standardisée. En 2012, l'initiative Recover (pour Reassessment Campaign on Veterinary Resuscitation) a été lancée par des vétérinaires spécialistes en urgences et soins intensifs pour élaborer des recommandations fondées sur des preuves scientifiques. Les lignes directrices mises à jour en 2024* détaillent les étapes selon deux niveaux de technicité, basique (Basic Life Support, BLS) et avancé (Advanced Life Support, ALS), pour maximiser les chances de survie des chiens et des chats.
Basic Life Support (BLS)
Ce niveau de soins correspond aux premières étapes essentielles, que chacun peut mettre en œuvre. Il équivaut au soutien du système cardio-respiratoire – pour permettre une perfusion des organes – par des compressions thoraciques externes et une ventilation. Celles-ci doivent être effectuées chez tout patient inconscient, ne respirant pas ou présentant une respiration agonique, et ne répondant pas à une stimulation vigoureuse. Il est recommandé de ne pas prendre le pouls de l’animal, et de commencer immédiatement les compressions thoraciques après avoir vérifié l’intégrité des voies respiratoires hautes.
Les compressions thoraciques
Elles sont pratiquées à une fréquence de 100 à 120 par minute, sur un patient en décubitus latéral ou sternal (pour les chiens à thorax large comme les bulldogs anglais) selon le gabarit de l’animal, pour une durée de 2 minutes ininterrompues. À l’issue de ce cycle de 2 minutes, une palpation du pouls et une vérification de l’ECG sont recommandées, puis, après un intervalle de 10 secondes maximum, les compressions sont reprises par un autre opérateur afin de maintenir leur qualité. Les compressions thoraciques s’effectuent à 1/3-1/2 de la profondeur du thorax en décubitus latéral et à 1/4 de la profondeur en décubitus sternal. Il faut permettre une ré-expansion thoracique complète entre chaque compression pour favoriser le remplissage cardiaque. Chez les grands chiens avec un thorax profond, il est recommandé de placer ses mains au-dessus du cœur pour agir comme une pompe cardiaque. Chez les chiens avec un thorax rond, il est recommandé de placer ses mains sur la partie la plus large du thorax et d’agir comme une pompe thoracique. Pour les petits chiens et les chats, plusieurs techniques sont suggérées, telles que les compressions circonférentielles avec les deux pouces ou d'autres méthodes, avec une main effectuant les compressions et l’autre stabilisant le thorax.
La ventilation
L'animal doit être intubé dès que possible, avec une ventilation à une fréquence de 10 respirations par minute. Avant l'intubation, il est possible de ventiler le patient à l'aide d'un masque facial ou par la méthode du bouche-à-nez si celle-ci ne comporte pas de risque pour l’opérateur (zoonose). L’administration d’oxygène à 100 % est recommandée si disponible, mais l’air ambiant peut suffire.
Advanced Life Support (ALS)
Ce niveau de soins s’appuie sur l'utilisation d'outils de surveillance tels que l'électrocardiogramme et la capnographie pour guider le support cardiovasculaire apporté, l’obtention d’un accès vasculaire, ainsi que sur le recours à différents traitements ou encore sur une défibrillation électrique si indiquée. L’ALS doit commencer dès que le BLS est en cours, ou de manière simultanée si assez de personnes sont présentes pour la réanimation.
Capnographie : l'ETCO2 est utilisé pour évaluer l’efficacité des compressions thoraciques. S'il est inférieur à 18 mmHg, la réanimation est inefficace.
Accès vasculaire : la voie intraveineuse (IV) est préférée pour l’administration des médicaments, mais la voie intra-osseuse (IO), elle-même préférée à l’administration par voie endotrachéale, est acceptable s'il est impossible d'obtenir un accès veineux. En cas d’absence d’accès IV ou IO, l’administration intratrachéale peut être utilisée (les molécules devront alors être diluées avec du NaCl 0,9 % et administrées via un cathéter plus long que le tube endotrachéal).
Antagoniser : s’il y a eu une injection d’alpha-2 agoniste, d’opioïdes ou de benzodiazépines (contexte anesthésique ou en hospitalisation) avant l’arrêt cardio-respiratoire, il est indispensable de les antagoniser (atipamézole, naloxone, flumazénil respectivement), même si ce geste ne peut suffire seul pour permettre un retour à une circulation spontanée.
Réanimation liquidienne : en cas d’hypovolémie constatée ou suspectée, l’administration d’un bolus de cristalloïdes isotoniques (20 ml/kg chez le chien, 10-15 ml/kg chez le chat) ou équivalent est recommandée. Cependant, chez les patients euvolémiques, l’administration systématique de fluide n’apporte aucun bénéfice.
Électrocardiogramme : il contribue à évaluer si le rythme cardiaque est un rythme choquable, c’est-à-dire que l’on peut défibriller, ou non.
Pour les rythmes choquables (fibrillation ventriculaire ou tachycardie ventriculaire sans pouls associé), la défibrillation électrique est le traitement de choix, recommandé idéalement avant toute administration d'adrénaline. Les compressions thoraciques doivent être poursuivies pendant que l’équipe prépare le défibrillateur. Après la défibrillation, les compressions thoraciques reprennent pour un cycle complet de 2 minutes. Lors de la réévaluation à la fin du cycle de compressions, en cas de persistance d’un rythme choquable, les compressions reprennent pendant que l’équipe prépare de nouveau le défibrillateur. Il est alors conseillé de doubler la dose du choc électrique et d’administrer de manière concomitante de l’adrénaline à dose standard ou de la vasopressine. L’administration concomitante d’antiarythmique peut également être envisagée : esmolol ou lidocaïne chez le chien, esmolol ou amiodarone chez le chat.
Pour les rythmes non choquables (asystolie ou activité électrique sans pouls), l'adrénaline est administrée à dose standard toutes les 3 à 5 minutes. Elle peut l'être dès le premier cycle de compressions. L’utilisation de fortes doses d’adrénaline n’est plus recommandée.
Il est rappelé que le recours à un défibrillateur peut présenter des risques pour l’animal et pour le personnel, et que son utilisation doit être assortie d’une formation préalable.
Interventions supplémentaires, mesures spécifiques
Calcium : son administration n’est conseillée qu’en cas d’hypocalcémie ionisée (iCa < 0,8 mmol/l) ou d’hyperkaliémie connue.
Bicarbonate de sodium : il peut être utilisé en cas de réanimation prolongée de plus de 15 minutes, surtout si le pH sanguin du patient est inférieur à 7,0.
Atropine : une dose unique peut être administrée si une hypertonie vagale est suspectée (troubles digestifs, manipulation abdominale ou obstétrique), de préférence le plus tôt possible durant la réanimation.
Glucocorticoïdes : leur utilisation est déconseillée de manière générale, sauf en cas d’hypotension réfractaire aux vasopresseurs ou d’hypoadrénocorticisme.
Retour à une circulation spontanée
Une fois la circulation rétablie, il est crucial de prévenir un nouvel arrêt cardiaque. La surveillance des paramètres vitaux (fréquence cardiaque et respiratoire, pression artérielle, etc.) est recommandée, ainsi que des mesures de lactates, glycémie et créatinine pour évaluer l’état après le retour à une circulation spontanée.
Réanimation à thorax ouvert
Cette méthode permet des compressions directes du cœur. Bien que recommandée dans des situations spécifiques telles que la présence d’un épanchement pleural ou péricardique, un pneumothorax, une hernie diaphragmatique ou durant une chirurgie thoracique ou abdominale, sa technicité et les moyens qu’elle nécessite en limitent grandement son usage en routine.