Comment diagnostiquer une pancréatite ? - La Semaine Vétérinaire n° 2066 du 14/02/2025
La Semaine Vétérinaire n° 2066 du 14/02/2025

Biologie médicale

FORMATION CANINE

Auteur(s) : Mylène Panizo

Conférencière

Fanny Bernardin (A 07), diplômée de l’European college of veterinary internal medicine (ECVIM-CA), spécialiste en médecine interne à la clinique vétérinaire Vétocéane, à Vertou (Loire-Atlantique).

Article rédigé d’après la webconférence : « Diagnostic biologique des pancréatites, quoi de neuf en 2024 ? », organisée par le laboratoire Idexx, le 27 novembre 2024.

Les pancréatites constituent un défi diagnostique et restent encore souvent sous-estimées. Elles peuvent être aiguës (inflammation neutrophilique réversible des cellules acinaires et des graisses péripancréatiques) ou chroniques (inflammation lymphocytaire ou mixte, progressive et irréversible). Les pancréatites peuvent évoluer vers une forme sévère (nécrose du pancréas). Elles doivent donc être diagnostiquées le plus précocement possible.

Suspicion épidémioclinique et hématobiochimique

Tous les chiens et les chats peuvent être atteints, mais on constate une prévalence supérieure chez les chiens de plus de 5<0x00A0>ans et chez ceux en surpoids. Certaines races canines sont prédisposées (schnauzer nain, yorkshire, caniche miniature, cocker anglais, etc.). Un facteur déclenchant est quasiment toujours à l’origine d’une pancréatite, mais il n’est que rarement identifié en pratique (voir tableau 1).

Les signes cliniques sont peu spécifiques et peuvent être frustes (voir tableau 2). Chez le chien, les éléments de suspicion sont la présence d’une dysorexie ou d’une anorexie, des vomissements, un abattement, une déshydratation et une douleur abdominale marquée. Chez les chats, les symptômes sont plus frustes et l’hypothermie est plus fréquente que l’hyperthermie. Les pancréatites peuvent avoir des conséquences très importantes, entraînant un syndrome de réponse inflammatoire systémique (SRIS), conduisant à une dysfonction multiorganique, pouvant induire le décès de l'animal.

Des scores cliniques, incluant des critères cliniques et biologiques, ont été développés pour les chiens atteints de pancréatite aiguë et permettent d’identifier des facteurs pronostiques négatifs1,2.

Dans la plupart des cas, l’examen hématobiochimique est normal. Plus la pancréatite évolue, plus des indices biologiques apparaissent, notamment des marqueurs de la déshydratation (hémoconcentration) et de cholestase.

Outils diagnostiques spécifiques

Le dosage de l’amylase ne présente aucun intérêt dans le diagnostic d’une pancréatite. Le dosage de la TLI (trypsin-like immunoreactivity) chez le chien permet de diagnostiquer une insuffisance du pancréas exocrine, mais pas une pancréatite. Les outils diagnostiques3 à<0x00A0>disposition du praticien sont les suivants:

- Dosage de la lipase non spécifique: il ne présente pas d’intérêt chez le chat. Chez le chien, il peut orienter le praticien vers une pancréatite si la lipase est augmentée de<0x00A0>3<0x00A0>à<0x00A0>5<0x00A0>fois sa limite supérieure (et dans le cas où la créatinémie est dans les valeurs usuelles).

- Tests rapides cPL/fPL: ils permettent de réaliser, en 10<0x00A0>minutes, un dosage semi-quantitatif de la lipase pancréatique spécifique canine ou féline (technique Elisa). En cas de résultat négatif, d’autres affections qu’une pancréatite peuvent être explorées. En cas de résultat anormal (douteux ou positif), un test quantitatif de la lipase pancréatique spécifique doit systématiquement être réalisé. Il peut s’agir d’undosage de la lipase pancréatite spécifique (Spec<0x00A0>cPL/fPL). Réalisé en laboratoire extérieur, ce test utilise la méthode Elisa et donne un résultat quantitatif en 24<0x00A0>heures. Il n’y a pas d’interférence avec la présence d’un ictère, d’une lipémie ou d’une hémolyse. Chez le chien, un test négatif (<<0x00A0>200 µg/l) est peu en faveur d’une pancréatite et d’autres causes peuvent être explorées. Un test positif  (≥<0x00A0>400 µg/l) indique une forte probabilité de pancréatite, mais n’est pas suffisant pour conclure avec certitude. La Spec<0x00A0>cPL peut être en effet élevée en cas de diabète, de syndrome de Cushing ou d’utilisation de corticoïdes, de formes infracliniques de pancréatite, de présence d’un kyste ou d’une tumeur du pancréas, d’obstruction digestive, d’atteinte gastro-intestinale aiguë et de maladie inflammatoire chronique de l’intestin. Chez le chat, une valeur normale de la Spec fPL (<<0x00A0>3,5 µg/l) ne permet pas d’exclure une pancréatite. En cas de valeur supérieure à 5,4 µg/l, une pancréatite est fortement probable. La valeur de la Spec cPL/fPL est faiblement corrélée avec la sévérité (critères histologiques) de la pancréatite. Ce dosage n’est pas intéressant à réaliser pour le suivi d’une pancréatite. Il est conseillé de suivre l’évolution clinique et biologique (anomalies constatées à l’admission).

Un autre test rapide est fourni par le Catalyst de la lipase pancréatique (Idexx). Ce test d’activité de la lipase pancréatique spécifique est un nouvel outil diagnostique disponible depuis novembre 2024. Il donne un résultat quantitatif en 10<0x00A0>minutes. Il se présente sous la forme d’une monoplaquette (la même pour un chien ou un chat), utilisable sur les analyseurs Catalyst One. Il n’y a pas d’interférence avec un ictère ou une lipémie, mais une hémolyse peut faussement abaisser le résultat. Ce test est corrélé aux tests immunologiques Spec<0x00A0>cPL et Spec fPL des laboratoires de référence Idexx. En cas de valeur augmentée (≥<0x00A0>400 U/l chez le chien, ≥<0x00A0>8,8 U/l chez le chat), une pancréatite peut être fortement suspectée. En cas de valeur située dans l’intervalle de référence (≤<0x00A0>200 U/l chez le chien,  ≤<0x00A0>4,4 U/l chez le chat), une pancréatite est peu probable et d’autres causes doivent être explorées.

- Dosage de la DGGR-lipase : il s’agit d’une méthode catalytique. La DGGR est hydrolysée par la lipase pancréatique mais aussi par les lipases hépatiques et lipoprotéiques. La sensibilité est équivalente au dosage de la Spec cPL/fPL mais sa spécificité est moins bonne. Ce dosage peut être utile dans le diagnostic des pancréatites aiguës si sa valeur est élevée (spécificité améliorée).

Place de l’échographie 

Il ne faut pas se contenter des tests sanguins pour diagnostiquer une pancréatite, même si la lipase pancréatique spécifique semble augmenter avant les premiers signes échographiques d’atteinte du pancréas. L’échographie apporte des informations complémentaires au praticien et permet d’exclure d’autres affections4. La sensibilité de l’échographie est plus élevée chez le chien que chez le chat, et augmente avec la sévérité de la pancréatite. Elle varie également selon l’opérateur et le matériel utilisé.

La présence de trois critères associés permet de suspecter une pancréatite aiguë (spécificité de<0x00A0>92%): l’augmentation de l’épaisseur du parenchyme pancréatique (><0x00A0>10mm), son hypoéchogénicité et l’hyperéchogénicité de la graisse péripancréatique. Lors de pancréatite chronique, le diagnostic est plus difficile, les modifications sont discrètes, telles qu'une hyperéchogénicité, un aspect nodulaire (fibrose), etc.

L’aspect échographique du pancréas lors de pancréatite peut être similaire à celui d’autres anomalies causées par une hypertension portale ou une hypoalbuminémie.

Un aspect échographique normal du pancréas ne permet pas d’exclure une pancréatite.

Diagnostic de certitude

Le gold<0x00A0>standard du diagnostic de la pancréatite est l’analyse histologique. Cependant, des biopsies ne sont que très rarement réalisées en pratique (procédure invasive, peu indiquée sur des animaux affaiblis sujets aux hypotensions).

La cytoponction échoguidée peut, quant à elle, présenter un intérêt. Elle est peu invasive et permet par exemple de distinguer un carcinome pancréatique d’une pancréatite chronique. Une cytologie normale ne permet pas pour autant d’exclure une pancréatite, car l’inflammation peut n’atteindre qu’une partie de l’organe.

  • 1. Mansfield C. S., James F. E., Robertson I. D. Development of a clinical severity index for dogs with acute pancreatitis. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2008 Sep 15;233(6):936-44.
  • 2. Fabrès V., Dossin O., Reif C., Campos M., Freiche V., Maurey C., Pilot-Storck F., Desquilbet L., Benchekroun G. Development and validation of a novel clinical scoring system for short-term prediction of death in dogs with acute pancreatitis. J. Vet. Intern. Med. 2019 Mar;33(2):499-507. 
  • 3. Lim S. Y., Steiner J. M., Cridge H. Understanding lipase assays in the diagnosis of pancreatitis in veterinary medicine. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2022 Jun 8;260(11):1249-1258. 
  • 4. Williams J. M., Panciera D. L., Larson M. M., Werre S. R. Ultrasonographic findings of the pancreas in cats with elevated serum pancreatic lipase immunoreactivity. J. Vet. Intern. Med. 2013 Jul-Aug;27(4):913-8.