Médecine féline
ANALYSE CANINE
Auteur(s) : Par Anne-Claire Gagnon
Le congrès annuel de l’International society of feline medicine (ISFM) a exploré fin juin 2024 les dernières avancées en ophtalmologie, anesthésie et gestion de la douleur chez le chat. L’événement a également mis en lumière les enjeux de la médecine de refuge et les bonnes pratiques pour améliorer le bien-être des félins.
Près de 600<0x00A0>congressistes ont fait le déplacement depuis 45<0x00A0>nations jusqu’à Malte, fin juin 2024, pour la 22e<0x00A0>édition du congrès de l’International society of feline medecine (ISFM), qui a principalement traité de l’ophtalmologie, de l’analgésie et de l’anesthésie. Une journée a été entièrement consacrée à la médecine de refuge. Chaque année, le congrès s’étoffe avec 8<0x00A0>masterclass différentes, trois petits déjeuners de travail, avec des angles choisis par les partenaires (Elanco, Vetoquinol, Norbrook). Soit au total 61<0x00A0>heures de conférences avec, en général, 3<0x00A0>à<0x00A0>4<0x00A0>sessions en parallèle, de différents niveaux techniques, disponibles en replay pour les membres1.
Les conférences de Paulo Steagall, professeur d’anesthésie et de gestion de la douleur au Département de sciences cliniques de la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal, ont suscité l’enthousiasme. Il a l’art de rendre simple autant qu’essentielle l’analgésie du tout petit chaton ou du très vieux chat. Ses grilles d’évaluation de la douleur (feline grimace scale2) fonctionnent pour tous les utilisateurs, équipes soignantes et propriétaires, qui sont à intégrer dans la prise en charge antalgique. Le traitement de la péritonite infectieuse féline (PIF), dont les préparations étaient disponibles en juin en Australie, au Royaume-Uni et aux États-Unis, ont fait l’objet d’une masterclass, avec le concours de Bova, dont l’engagement a été déterminant pour mettre à disposition des chats malades des produits fiables et de qualité. Depuis, la France fait désormais partie des nouveaux pays où la suspension orale de Bova (qui a fait ses preuves dans de nombreuses publications scientifiques) est disponible (FrancePrep), de même qu’une préparation magistrale sous forme solide (pharmacie Delpech).
L’œil, fenêtre de l’âme
Nathalie Dowgray, directrice scientifique de l’ISFM, spécialiste en médecine féline (Australian and New Zealand College of veterinary scientists, ou ANZCVS), a rappelé l’importance de la santé physique autant qu’émotionnelle, notamment lorsque le chat est contraint au port d’une collerette – les souples sont plus agréables que les rigides, même si elles peuvent être insuffisamment protectrices, notamment lors de chirurgies ophtalmologiques (une étude comparative est en cours).
Sarah Heath, spécialiste en comportement (Université de Liverpool), a souligné combien le chat savait voir et communiquer à distance au moyen de quelques postures aussi caricaturales que nos émoticônes. Lorsqu’il est privé temporairement ou graduellement de la vue, son état émotionnel s’en ressent: il augmente sa distance avec ses congénères et diminue ses interactions avec ses propriétaires.
La spécialiste en ophtalmologie Renata Stavinohová (Lumbry Park veterinary specialists, Royaume-Uni), a détaillé le rôle des paupières, dépourvues de cils, qui assurent la protection et la lubrification de la cornée, avec des clignements complets des yeux rares (1<0x00A0>à<0x00A0>5 toutes les 5<0x00A0>minutes) et lents, raison pour laquelle nous les remarquons. Chez les brachycéphales, les lubrifiants mucohydratants sont préférés lors de chirurgie.
Le clignement peut être réflexe dès qu’un contact se fait avec les paupières, la conjonctive ou après une lumière vive ou un son fort. Le stress diminue la fréquence des clignements alors que l’excitation les augmente ainsi que les résultats du test de Schirmer.
Être «chamical» en ophtalmologie
Ne pas faire attendre le chat et avoir une salle de consultation strictement féline sont essentiels. Le simple contact avec la main peut suffire à calmer l’animal, généralement, tout en lui parlant. Même si les lésions ophtalmologiques sont spectaculaires, l’examen commencera à<0x00A0>distance, puis avec patience et calme, pour l’examen rapproché. Les propriétaires resteront avec leur chat pendant l’examen, assis ou tenant leur félin, tant qu’ils ne le cramponnent pas. Leur expliquer tout ce que l’on fait et voit permet de faire beaucoup baisser leur niveau d’anxiété.
Examiner le chat dans la pénombre et faire des photos est parfois mieux pour son confort et pour l’efficacité clinique (on peut regarder et agrandir à loisir les clichés sur écran). Si le chat est difficile ou douloureux, il ne faut pas hésiter à le faire revenir (sans faire de soins la première fois) pour voir l’auxiliaire, afin de mettre en place du contre-conditionnement.
Médecine féline de refuge
Concernant la médecine féline de refuge, c’est une véritable analyse et stratégie que le vétérinaire doit développer avec les collectivités locales, en premier lieu, puis avec l’ensemble des bénévoles de terrain pour conduire des actions coordonnées. Ce qui permet de construire un plan d’action, savoir où nourrir, comment trapper, à quel moment, et surtout anticiper chaque situation. Par exemple, convenir dès la mise en place du plan d’action ce qui sera fait pour les femelles gestantes, du protocole d’anesthésie/analgésie, du temps et lieu où le réveil se fera, du contrôle de la remise sur site dans les meilleures conditions, etc.
La bonne volonté et le financement ne suffisent pas. Il faut aussi analyser quelle est la part de responsabilité des propriétaires de chats dans la persistance, voire la croissance d’une colonie de chats (absence de stérilisation des chats de propriétaires notamment). Leur responsabilisation est un enjeu écologique et sociétal.
Comprendre les erreurs cliniques pour mieux les prévenir
Deux posters ont exploré les principales erreurs cliniques et leurs conséquences en médecine féline. Sur 71<0x00A0>cliniques britanniques1, la médiane d’erreur annuelle est d’1,5 pour les généralistes et d’1,1 pour les praticiens en référé, sans différence significative entre cliniques «chamicales» ou non. Sur les 2264<0x00A0>erreurs déclarées, la moitié concernait l’administration de médicaments (30%) et l’hospitalisation (20%). Une étude2 conduite au niveau européen dans 301<0x00A0>structures, entre 2021 et<0x00A0>2023, a<0x00A0>montré que 36% des 5564<0x00A0>incidents concernaient les chats, avec principalement des erreurs liées aux traitements (ulcères cornéens post-chirurgie), à<0x00A0>l’administration médicamenteuse (surcharge liquidienne de perfusion) et 10% liées au diagnostic. Parmi ces incendies félins, 5% étaient mortels, 3% ont provoqué un préjudice permanent et 39% un préjudice temporaire. Ces études permettent de cibler les check-lists pour les félins (voies d’administration, dosages, évaluation régulière de la ventilation et de la température corporelle en cours d’intervention chirurgicale) afin d’assurer une meilleure prévention.
1. Clinical errors affecting cats in 71 primary care and referral clinics in the UK in 2023, Aarti Hogan, Samantha Taylor
2. Exploring incidents in feline veterinary care: types, harm and contributing factors, Lisen Schortz, Liz Mossop, Annika Bergström, Catherine Oxtoby