Médicament vétérinaire
PHARMACIE
Auteur(s) : Par Karin de Lange
La cascade thérapeutique est un outil essentiel pour les praticiens en cas d'indisponibilité de certains médicaments. Comment fonctionnera ce dispositif ? Retour sur ses principes clés.
«Bien que le mot “cascade” ne figure nulle part dans la législation de l’Union européenne, c’est bien le sujet de cette session», lance Rory Breathnach, professeur à l’école de médecine vétérinaire de l’University College Dublin, lors du webinaire sur la cascade des médicaments vétérinaires, organisé le 16 janvier conjointement par la Fédération des vétérinaires d’Europe (FVE) et l’Agence européenne des médicaments (EMA). «Pour être clair, lorsque nous parlons de la cascade, nous nous référons aux articles 112-114 du règlement de l’UE sur les médicaments vétérinaires (2019/6)», précise celui qui est par ailleurs président du groupe de travail sur les avis scientifiques du Comité des médicaments vétérinaires à l’EMA et l’un des experts à l’origine de la nouvelle cascade.
Un dispositif de secours
«La cascade est un filet de sécurité pour les vétérinaires au cas où un médicament particulier n’est pas disponible. Son utilité vise surtout les petits marchés, pour assurer la santé et le bien-être des animaux, notamment ceux des espèces dites mineures comme les chèvres ou les canards». Cependant, le fait d’être un filet de sécurité «ne signifie pas qu’on peut faire n’importe quoi. Afin de préserver l’efficacité des antimicrobiens et la santé publique, nous devons appliquer des principes prudents». Plusieurs étapes sont à suivre (voir illustrations):
-<0x00A0>Utiliser un autre médicament vétérinaire –<0x00A0>de n’importe quel pays de l’UE<0x00A0>– autorisé pour la même ou une autre espèce et pour la même ou une autre indication. Dans le cas des animaux de rente, il convient d’abord de rechercher un médicament autorisé pour une autre espèce de productions animales (pour la même ou une autre indication, au sein de l’UE) avant de rechercher un médicament autorisé pour les animaux de compagnie.
-<0x00A0>S’il n’y en a pas, prescrire un produit autorisé dans l’UE pour une utilisation en médecine humaine.
-<0x00A0>S’il n’y en a pas, recourir à un médicament préparé extemporanément.
-<0x00A0>Enfin, en dernier recours, utiliser un médicament vétérinaire (hors vaccins) d’un pays tiers, mais uniquement s’il a été autorisé pour l’espèce et l’indication voulue.
À titre exceptionnel
Il y a un certain nombre de conditions: la cascade est utilisée sous la responsabilité du vétérinaire. Si le médicament a été autorisé pour une espèce différente, le vétérinaire doit fixer le temps d’attente s’il est destiné à un animal de rente. Cette période doit être supérieure d’au moins 50% à celle de l’espèce cible. «Cela a du sens, car la formulation n’a pas été testée chez l’espèce de l’animal traité ». Si un produit d’un autre État membre est utilisé pour la même espèce, le temps d’attente est celui mentionné dans la notice. Et il ne peut être utilisé que pour éviter des souffrances inacceptables et à titre exceptionnel « donc pas seulement en raison d'une préférence personnelle pour un autre produit ». En ce qui concerne les antimicrobiens, d'autres restrictions s’appliquent, comme l’exigence d'un antibiogramme. Et certains antimicrobiens (par exemple les fluoroquinolones) ne pourront être utilisés que pour des animaux individuels. Il existe une liste d’antimicrobiens réservés à l’usage humain qui ne peuvent jamais être prescrits (Règlement 2022/1255 Art<0x00A0>37(5)) et une liste d’antimicrobiens à usage humain qui peuvent être utilisés sous certaines conditions (Règlement 2024/1973). Le Pr Breathnach a également rappelé que le Règlement 2024/1973 (précisant les règles de la "cascade") n’entrerait en vigueur que le 8 août 2026.
Réaliser un antibiogramme… si possible
La bonne nouvelle est qu’il n’y aura pas de restrictions sur les antimicrobiens «non critiques» (les catégories<0x00A0>B, C et D de la liste AMEG), dont les pénicillines, les aminopénicillines, les tétracyclines, les macrolides, les aminoglycosides, le triméthoprime, les lincosamines et autres. Et le remdesivir sera autorisé pour une utilisation chez les chats atteints de péritonite infectieuse féline (PIF). Toutes les autres classes d’antimicrobiens, y compris l’amoxicilline/clavulanate, le florfénicol, la colistine, les fluoroquinolones, les céphalosporines de 3e et 4e<0x00A0>générations et la rifamycine, nécessiteront un antibiogramme au préalable. «Cependant, le vétérinaire peut commencer à utiliser l’antimicrobien de son choix avant même que les résultats ne soient connus». Un antibiogramme n’est pas nécessaire si la culture n’est pas faisable, par exemple en cas de mycoplasme ou d’autres agents pathogènes difficiles à cultiver, ou si la réalisation d’un prélèvement serait trop dangereux. Mais dans ces cas, le vétérinaire doit être en mesure de justifier son choix de médicament. Enfin, Le Pr Breathnach a noté que les recommandations sont fondées sur les connaissances scientifiques actuelles et sont susceptibles d’être réexaminées à<0x00A0>l’avenir à<0x00A0>la lumière de nouvelles preuves scientifiques. «Il sera également revu sur la base des actes juridiques sur les chevaux et les espèces aquatiques», actuellement non pris en compte dans la cascade. Enfin, Nancy De Briyne, de la FVE, a<0x00A0>annoncé qu’une brochure explicative de la cascade est en cours de mise à jour et serait disponible dans les semaines à venir, en plusieurs langues.
Questions/réponses
Au cours du webinaire, auquel ont participé plus de 200 vétérinaires à travers l’Europe, Rory Breathnach, professeur à l’école de médecine vétérinaire de l’University College Dublin et Kristina Paterson (directrice des affaires réglementaires vétérinaires à l'EMA) ont répondu à un certain nombre de questions.
La posologie et la durée peuvent-elles être modifiées sous la cascade?
S’il s’agit d’un médicament vétérinaire autorisé pour l’espèce et l’indication en question, vous êtes tenu de suivre le RCP. Si le médicament est pour une indication différente, vous pouvez modifier la dose sous votre propre responsabilité si vous pouvez le justifier.
Puis-je utiliser un produit médical à usage humain provenant d’un autre pays?
D’un autre pays de l’UE : oui. D’un pays tiers : non. Dans ce cadre, les pays de l’AELE (Norvège, Liechtenstein, Islande) ne sont pas considérés comme des pays tiers. La Suisse et le Royaume-Uni, si.
Qu’en est-il des vaccins autogènes, tombent-ils sous la cascade?
Non. Cependant, dans des circonstances exceptionnelles et si aucun vaccin autorisé n’est disponible, il pourrait être envisagé [NDLR, l’interprétation de cette règle peut différer par État membre].
Qu’en est-il des vaccins?
La cascade interdit explicitement l’utilisation de vaccins en provenance de pays tiers.
Où puis-je consulter la vue d’ensemble de tous les médicaments vétérinaires disponibles dans l’UE?
La base de données UPD (medicines.health.europa.eu/veterinary/fr) vous aidera à trouver n’importe quel médicament vétérinaire autorisé dans l’UE.
Quelle est la différence entre une utilisation «hors AMM» et une utilisation sous la cascade?
Un usage «hors AMM» sera illégal. Il convient de soit utiliser un médicament vétérinaire comme prévu par la RCP soit utiliser un produit sous la cascade.