Les avortements chez la jument : quelles sont les causes prépondérantes ? - La Semaine Vétérinaire n° 2066 du 14/02/2025
La Semaine Vétérinaire n° 2066 du 14/02/2025

Obstétrique

FORMATION MIXTE

Auteur(s) : Sarah André

Peggy Moreau (N<0x00A0>05), diplômée de l’European college of equine internal medicine (ECEIM) et vétérinaire au sein de l’équipe Épidémiologie et Plateforme Résumeq du laboratoire de santé animale de l’Anses (site de Normandie), a présenté une webconférence intitulée « Les causes majeures d’avortement chez la jument », en partenariat avec Respe-IFCE, le 10 décembre 20241.

Outre les pertes économiques que peuvent engendrer les avortements, un risque sanitaire est également à prendre en compte, notamment en cas de foyer infectieux contagieux. Les principales causes sont donc essentielles à avoir en tête pour les praticiens dans le but de réaliser un diagnostic étiologique le plus tôt possible. La gestation chez la jument dure environ 340<0x00A0>jours. Notre consœur Peggy Moreau a rappelé la définition stricto sensu de l’avortement, à savoir «l’interruption de la gestation entre le 40e<0x00A0>jour, qui correspond au moment où l’organogénèse est achevée, et le 300e<0x00A0>jour, moment où le poulain est susceptible d’être viable». Au-delà, il ne s’agit plus d’avortement mais de mortinatalité, si le poulain est mort, ou de poulinage prématuré. Par ailleurs, la fréquence des avortements varie entre 7 et 19% des gestations.

Les causes infectieuses

Les causes infectieuses sont majoritaires puisqu’elles représentent 56% des avortements, d’après les données du Résumeq2, le réseau national de surveillance des causes de mortalité des équidés. Parmi elles figurent surtout une origine bactérienne (environ 80%), puis virale (9%), parfois bactérienne et fongique (3%) et rarement strictement fongique (1,5%). Un faible pourcentage des avortements infectieux reste non identifié (6,5%). Dans ces cas, une placentite macroscopique est très souvent observée à l’autopsie. Elle peut être ascendante –<0x00A0>à partir d’agents pathogènes fécaux, commensaux ou environnementaux<0x00A0>– ou non ascendante –<0x00A0>diffuse d’origine hématogène (par exemple, en cas de leptospirose), focale (notamment en présence de Nocardia) ou multifocale.

Les bactéries incriminées dans ces causes infectieuses peuvent être seules –<0x00A0>75% des cas<0x00A0>– ou associées. Elles sont très souvent environnementales et commensales, notamment Streptococcus spp. « Streptococcus zooepidemicus, qui fait partie de la flore vaginale de la jument, est la première bactérie en cause. Viennent ensuite d’autres qui sont pathogènes ou opportunistes comme des pasteurelles, des klebsielles, des staphylocoques ou encore des E.<0x00A0>coli. La leptospirose représente 1% des causes d’avortements bactériens », précise la conférencière. Ces mêmes agents pathogènes sont retrouvés dans les avortements en association avec des champignons. Aspergillus fumigatus et Candida spp. sont souvent incriminés avec les bactéries, tandis que les avortements strictement fongiques sont toujours liés à Aspergillus fumigatus. Parmi les virus, l’EHV-1 est largement représenté avec 90% des avortements viraux. Viennent ensuite l’EHV-4 (5%) et le virus de l’artérite virale équine (5%). Ils sont responsables de lésions de type vasculite au niveau placentaire.

En cas d’avortement bactérien ou fongique (ou les eux), un développement mammaire prématuré accompagné ou non de sécrétions mammaires précoces, une hyperthermie et des écoulements vaginaux peuvent faire partie des signes cliniques. Néanmoins, Peggy Moreau signale que des avortements sans signes avant-coureurs sont également possibles. L’épaisseur combinée de l’utérus et du placenta (ECUP) peut être évaluée par échographie transrectale au niveau du col et par échographie transabdominale au niveau du corps et des cornes. Pour les avortements viraux (notamment liés à l’EHV-1 et à l’EHV-4), il est possible de constater, à l’autopsie du fœtus, des muqueuses «rouge brique», des foyers de nécrose hépatique ou encore un hydropéritoine jaunâtre.

Les causes non infectieuses

Les causes non infectieuses concernent 25% des avortements chez la jument. Parmi elles, la torsion du cordon ombilical est prépondérante à 90%. « Le cordon peut être normalement vrillé du fait des déplacements du fœtus mais l’observation de zones de striction, à<0x00A0>savoir un rétrécissement du canal d’aspect pâle, de zones de congestion et d’œdème ou encore de zones de dilatation du canal de l’ouraque signalent une torsion », souligne notre consœur. De plus, la taille du cordon représente un facteur de risque puisque les cordons ombilicaux de plus de 90 cm de long ont six fois plus de risque d’entraîner des torsions. Puis viennent les avortements liés à des anomalies de gestation, notamment une gestation dans le corps placentaire (3% des causes non infectieuses), où des cornes peu développées sont visibles ainsi qu’un corps utérin large, et la gémellité (2%). Ces anomalies sont responsables de retards de croissance du fœtus du fait des échanges maternofœtaux insuffisants.

Les autres anomalies de gestation sont plus rarement responsables d’avortements. Citons, par exemple, l’hypoplasie des villosités (1%), entraînant une insuffisance placentaire et donc un retard de croissance, l’hydropisie des annexes fœtales (1%), avec un épaississement diffus du placenta à la suite d’un œdème, et un décollement prématuré du placenta (1%), mais qui est plus souvent responsable de mortinatalités.

Enfin, les anomalies fœtales, notamment les malformations congénitales, sont responsables de 3% des avortements non infectieux. D’autres causes variées sont également possibles: coliques, asthme sévère, kystes utérins, cicatrices ou encore tumeurs placentaires, pour n’en citer que certaines.

Par ailleurs, outre les avortements infectieux et non infectieux, 19% sont dus à une origine indéterminée.

Quid du diagnostic ?

Un examen clinique et gynécologique est indispensable en cas d’avortement, notamment pour s’assurer de la bonne délivrance. « Il est fortement recommandé de réaliser une autopsie du fœtus, sur place avec des prélèvements ou bien d’envoyer le fœtus et ses annexes dans un centre d’autopsie. L’autopsie sur place n’est néanmoins pas recommandée du fait du risque de contamination de l’environnement en cas d’avortement infectieux, notamment lié à la rhinopneumonie », indique notre consœur. L’autopsie comprend un examen complet du fœtus, du cordon, de l’amnios et de l’allantochorion accompagné de prélèvements bactériologiques et mycologiques. Des analyses PCR voire histologiques sont aussi possibles. Résumeq regroupe 48<0x00A0>centres d’autopsie en France. Ils réalisent des autopsies pour faire une hypothèse diagnostique ou poser un diagnostic de certitude, aider au bon suivi reproducteur de la jument mais aussi alerter en cas d’avortement lié à une maladie infectieuse contagieuse. Par ailleurs, le vétérinaire sentinelle peut faire une déclaration au Respe, le réseau d'épidémio-surveillance de la filière équine, s’il soupçonne un avortement d’origine infectieuse3.

Enfin, notre consœur insiste sur le caractère non isolé des hypothèses étiologiques: «Parfois, on peut avoir plusieurs anomalies concomitantes. Il est, par exemple, possible de suspecter une cause non infectieuse comme une torsion de cordon, mais cela n’exclut pas une infection bactérienne ou fongique associée. » Dans l’attente des résultats d’analyses, des mesures sanitaires de prévention s’imposent (isolement de la jument, port de gants, blouses, pédiluves, désinfection du box, etc.).

  • 1. Le replay de cette webconférence est disponible sur : youtube.com/watch?v=7JXXlm-RfTs
  • 2. resumeq.anses.fr
  • 3. respe.net/maladie-equine/avortement