Jurisprudence
ENTREPRISE
Auteur(s) : Par Céline Peccavy
Un chiot vendu par une éleveuse avant sa naissance n'est finalement jamais né... Le non-remboursement de la vente de l'animal a conduit le tribunal de proximité à statuer en faveur de l'acheteuse après de multiples démarches.
Les faits
Mme<0x00A0>P., éleveuse professionnelle de chiens des races teckels et spitz des Visigoths, a souhaité, en dehors de son activité d’élevage, acquérir un chiot de race dalmatien au début de l’année<0x00A0>2023. Son objectif était de participer à des expositions de beauté avec ce chien. Dans cette optique, elle a contacté une autre éleveuse, Mme<0x00A0>C., en janvier 2023. Cette dernière lui a proposé de réserver un chiot mâle issu d’une future portée, avec des parents reproducteurs spécifiquement identifiés. Donnant suite à cette proposition, Mme<0x00A0>P. a procédé, le 18 janvier 2023, à la réservation du chiot par le biais d’un contrat écrit intitulé « bon de réservation ». Dans le même temps que la signature du contrat et toujours à la demande de Mme<0x00A0>C., Mme<0x00A0>P. va verser une somme de 1 000 euros. La prise d’effet du contrat et donc la délivrance de l’animal sont fixées à partir du mois de mai 2023.
Un défaut d’exécution avéré
La suite de l’histoire nous apprend que Mme<0x00A0>P. ne prendra jamais livraison de son chiot car ce dernier ne viendra jamais à naître. Les mois vont passer et la chienne qui devait être la mère de la portée ne produit strictement aucune descendance. Mais ce n’est pas tout, il apparaît que cette même chienne n’est pas confirmée. Or, Mme<0x00A0>P. a expressément conclu une réservation pour un chiot de race et donc un animal inscrit selon l’article L214-8 du Code rural au Livre des origines français (LOF). Les mois passant, Mme<0x00A0>P. finit donc par comprendre qu’elle n’aura jamais le chiot réservé. Elle se tourne alors vers l’éleveuse pour obtenir le remboursement de la somme versée lors de la réservation. C’est un non catégorique qui va être opposé à Mme<0x00A0>P., sans aucun motif légitime. Cette dernière va, tout d’abord, entamer des négociations seule qui se solderont par un échec. Mme<0x00A0>P. va ensuite tenter la voie de la conciliation de justice. Il est à<0x00A0>noter que cette démarche ne s’imposait pas légalement eu égard au fait que la demande de Mme<0x00A0>P. était inférieure à 5 000 euros. Toutefois, cette démarche permettait une dernière fois à Mme<0x00A0>P., avant de saisir la justice, de formuler officiellement sa demande de remboursement. Malgré l’intervention du conciliateur de justice, c’est à<0x00A0>nouveau un échec.
Saisine de la justice
N’ayant plus d’autre option, Mme<0x00A0>P. va saisir la justice en juillet 2024. Elle sollicite juridiquement la résolution du contrat conclu en 2023 et, en conséquence, le remboursement des 1 000 euros versés pour la réservation. À cette demande, elle ajoute 1 000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive ainsi que le remboursement de ses frais d’avocat.
Décision rendue
Le tribunal commence son jugement en rappelant le contenu des textes fondamentaux dans un tel cas de figure. Sont ainsi détaillés : l’article<0x00A0>9 du Code de procédure civile et l’article<0x00A0>1353 du Code civil sur la charge de la preuve (celui qui affirme doit prouver). Le tribunal rappelle ensuite les textes précis de la législation sur la vente et notamment l’article<0x00A0>1603 du Code civil qui dispose que le vendeur a deux obligations principales : celle de délivrer et celle de garantir la chose qu’il vend. Le tribunal fait ensuite application de ces textes au cas d’espèce et, constatant que Mme<0x00A0>P. « rapporte suffisamment la preuve de la carence de la venderesse à<0x00A0>son obligation de délivrance », il prononce la résolution de la vente « aux torts exclusifs de la venderesse » condamnée ainsi à restituer la somme de 1 000 euros perçue, somme qui sera « assortie des intérêts au taux légal à compter de l’assignation ». Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, le tribunal va juger qu’elle est bien fondée mais la réduit à<0x00A0>300 euros. La venderesse sera enfin condamnée aux entiers dépens ainsi qu’à un article<0x00A0>700.
En conclusion, si la vente d’un animal qui n’est pas encore né est bien légale, elle n’est pas sans dangers.