Agriculture
ANALYSE MIXTE
Auteur(s) : Par Irène Lopez
Au Salon de l’agriculture 2025, qui se tient à Paris jusqu’au 2 mars, l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement entend présenter l’impact de ses recherches et des solutions concrètes au monde agricole et au grand public. Détails.
Dans un contexte agricole en proie à des crises multiples (économiques, sanitaires et climatiques), des solutions issues des laboratoires et des unités expérimentales sont présentées lors du Salon international de l’agriculture (SIA), qui se déroule depuis le 22 février et jusqu’au 2 mars 2025, à Paris. « Après une édition 2024 particulièrement tendue, en raison de la crise agricole, nous avons choisi cette année le thème “Des recherches aux solutions” », déclare Philippe Mauguin, P-DG de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae). Pour l’institution, l’enjeu de cette 61e édition du salon est d’illustrer concrètement les solutions issues de ses laboratoires, de ses unités expérimentales et des dispositifs de terrain qui convergent vers un même objectif : contribuer à la performance économique, sociale et environnementale du monde agricole. « Aussi vaste que soit l’Inrae, nul n’avance jamais seul. La force de l’institut est de combiner les approches pluridisciplinaires auprès de 450 partenaires socioéconomiques. » Parmi les chiffres clés de 2024, Philippe Mauguin cite 35 nouveaux brevets, 132 déclarations d’inventions et 4 500 publications scientifiques.
Un autre atout qui fait la singularité de l’institution repose sur ses fermes pilotes. Il précise : « 7 000 hectares, dont 30 % dédiés aux grandes cultures, sont cultivés par nos ingénieurs et techniciens. Ils reflètent la diversité des systèmes agricoles et offrent une opportunité privilégiée aux scientifiques pour tester, affiner et valider des solutions innovantes ». Sur le stand Inrae du SIA, hall 4 / allée F / n° 100, 200 scientifiques, ingénieurs et techniciens de 14 unités différentes se relaient pour illustrer les recherches en cours.
Un index pour sélectionner des vaches émettant moins de méthane
Isabelle Litrico, directrice scientifique Agriculture, présente un avant-goût des solutions relatives à la transition agroécologique des élevages en dévoilant un index pour sélectionner des vaches émettant moins de méthane. Aux multiples critères, comme la fertilité, la production laitière ou la résistance aux maladies, s’ajoute désormais, en 2025, celui des émissions de méthane. « Les scientifiques de l’Inrae ont réussi à établir un lien entre les analyses de la composition du lait, effectuées en routine dans la filière laitière, et les émissions de méthane de chaque vache, explique la directrice scientifique. Combiné aux autres informations génétiques et généalogiques des animaux, cela permet d’intégrer le critère des émissions de méthane dans les schémas de sélection des vaches laitières. » Les chercheurs estiment qu’en intégrant le méthane avec un poids de 20 % parmi les autres critères déjà en place, comme la productivité ou la qualité du lait, il est possible de réduire les émissions de 10 % en 10 ans de sélection.
Un vaccin universel pour protéger les poulets
Les vaccins contre l’influenza aviaire actuellement utilisés confèrent aux animaux une protection limitée. « Ils ciblent une protéine majeure du virus, qui mute et varie au fil du temps, indique Isabelle Litrico. Cette variabilité réduit l’efficacité du vaccin et favorise l’émergence de nouvelles souches. » Dans une étude parue en 2024, les scientifiques de l’Inrae, en collaboration avec l’université du Québec à Montréal, ont conçu une nouvelle formulation vaccinale à base de nanoparticules « universelles » des virus de grippe aviaire. Cette dernière protégerait les animaux contre les souches hautement pathogènes du virus H5N1. Les résultats obtenus montrent que les poulets immunisés grâce à ce vaccin universel sont protégés à 100 % contre l’influenza aviaire et ne transmettent plus le virus. « Ces résultats ont fait l’objet d’un dépôt de brevet. Ils pourraient limiter les pertes liées à la grippe aviaire dans les élevages », se félicite Isabelle Litrico.
Un autre motif de se réjouir concerne le développement de trois nouvelles variétés de vignes résistantes au mildiou et l’oïdium. Elles viennent d’être inscrites au catalogue officiel français et s’ajoutent aux neuf variétés Inrae déjà disponibles auprès des viticulteurs. « C’est le fruit de 20 ans de recherche, déclare la directrice scientifique Agriculture de l’Inrae. Notre stratégie d’innovation consiste à proposer aux bassins viticoles une offre variétale diversifiée, répondant à leurs attentes spécifiques, tout en garantissant la meilleure durabilité possible de cette solution. » Ces cépages résistants permettent de réduire les traitements fongiques pour lutter contre le mildiou et l’oïdium en moyenne de 80 %.
Des odeurs pour lutter contre les ravageurs
Pour améliorer la protection des cultures, outre l’innovation variétale et le changement de pratiques agronomiques, l’Inrae mobilise d’autres leviers, tel le biocontrôle, ensemble des méthodes de protection des végétaux qui utilisent des mécanismes naturels. L’utilisation d’odeurs est une stratégie de biocontrôle particulièrement efficace contre les insectes ravageurs (responsables de 30 % des pertes agricoles), comme alternative à l’usage des pesticides. « Les phéromones, par exemple, sont utilisées pour surveiller l’arrivée de certains ravageurs ou pour les piéger en masse, explicite Emmanuelle Jacquin-Joly, directrice de recherche sur le campus de Versailles-Saclay. Diffusées en grande quantité dans les vignobles et les vergers, elles perturbent les accouplements des papillons ravageurs. »
À partir d’un brevet déposé par les équipes de l’Inrae, la startup Agriodor a développé, en 2024, une solution de biocontrôle (via des pièges parfumés) qui réduit à elle seule d’un quart la population de pucerons vecteur de la jaunisse des betteraves sucrières et d’autant le nombre de plantes touchées. « En attendant l’autorisation de mise sur le marché qui pourrait prendre plusieurs années, la commercialisation de cette solution reste suspendue à la délivrance d’une dérogation. Nous sommes loin des attentes des agriculteurs. Il faut des démarches simplifiées », déplore Emmanuelle Jacquin-Joly.
Un escape game pour le grand public
Enfin, et parce que l’Inrae a à cœur d’intéresser également le grand public, un espace lui est dédié cette année pour découvrir comment allier plaisir gustatif et alimentation saine et durable. Pour ceux qui ont gardé une âme d’enfant, Philippe Mauguin annonce un escape game (jeu de rôle grandeur nature consistant généralement à tenter de « s’échapper » d’une pièce en un temps limité). En groupe, les joueurs sont invités à découvrir, étape par étape, les mécanismes du goût. Pour cela, ils devront réparer les machines qui composent la fabrique et copient les pouvoirs olfactifs et gustatifs du corps humain. En 2024, 603 652 visiteurs s’étaient rendus au Salon international de l’agriculture. Le public devrait de nouveau répondre présent.