EXPRESSION
Auteur(s) : Par Tanit Halfon
Selon un rapport du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), la France pourrait connaître un trop-plein de vétérinaires praticiens d’ici 2030. Cette conclusion déplaît fortement au président de la Région Nouvelle-Aquitaine qui souhaite continuer à défendre son projet d’école publique à Limoges, notamment pour des raisons de souveraineté nationale.
David Quint (T 03)
Praticien en Corrèze, vice-président du Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL)
On ne peut pas prendre le risque
La démographie vétérinaire est en cours d’amélioration: les études le confirment toutes. La hausse de la taille des promotions des ENV, associée à<0x00A0>l’ouverture du cursus UniLaSalle, va apporter son lot de nouveaux diplômés sur le marché. On sait qu’il faut plusieurs années pour voir les effets des mesures prises. On y<0x00A0>arrive progressivement. De plus, les étudiants français partis suivre leurs études à<0x00A0>l’étranger vont revenir travailler en France. Les règles européennes ne permettent pas de limiter cette dynamique. Dans ce contexte, le SNVEL ne peut pas soutenir l’ouverture d’une sixième<0x00A0>école, au risque que les nouveaux diplômés ne trouvent pas de travail à<0x00A0>hauteur de leur expérience et ne vivent pas correctement de leur métier. Tant qu’il n’y<0x00A0>aura pas un contrôle possible des flux d’étudiants en<0x00A0>Europe, on ne peut pas exclure de se retrouver dans un marché du travail tendu, comme on le<0x00A0>voit en Espagne. Dans ces conditions, répondre à<0x00A0>l’enjeu de souveraineté française pour la formation vétérinaire est un choix politique.
Léo Daigue
Étudiant en 6e<0x00A0>année à<0x00A0>VetAgro Sup, élu au<0x00A0>CNESERAAV*
Ni logique, ni viable financièrement
Le rapport révèle que le nombre de vétérinaires praticiens dépasserait les besoins d’ici<0x00A0>2030. Dans ces conditions, est-il vraiment pertinent de former davantage? D’autant plus que la situation financière de nos écoles publiques est fragile avec des contraintes budgétaires fortes. Peut-on justifier une dépense de plus de 70<0x00A0>millions d’euros pour créer une nouvelle ENV, alors que l’État a<0x00A0>déjà investi pour accompagner la hausse des promotions? Cent quatre-vingts<0x00A0>étudiants par promotion sont attendus pour 2030, alors qu’un objectif de<0x00A0>200 avait été envisagé, mais a<0x00A0>dû être abandonné faute de moyens. Je ne crois pas, non plus, que l’ouverture d’une nouvelle école limitera les départs d’étudiants français à<0x00A0>l’étranger. Enfin, former davantage ou créer une nouvelle école dans une zone rurale sous tension ne suffira pas à<0x00A0>enrayer la désertification vétérinaire qui est multifactorielle, notamment en lien avec l’attractivité du territoire. Ce serait un gaspillage d’argent public, qui pourrait être mieux utilisé pour financer des dispositifs ciblés.
Vanessa Louzier (A 96)
Enseignante-chercheuse à VetAgro Sup, présidente de la Fédération des syndicats des enseignants des écoles vétérinaires françaises (FSEEVF)
Ne reproduisons pas les erreurs du passé
C’est la crainte d’un afflux d’étudiants issus des écoles vétérinaires de l’Union européenne qui avait<0x00A0>poussé nos représentants à<0x00A0>agir dans les années<0x00A0>1980 pour limiter le numerus clausus. Ce raisonnement a<0x00A0>contribué à<0x00A0>la pénurie actuelle, et a<0x00A0>ouvert la voie à<0x00A0>des cursus européens axés sur la formation d’étudiants de toute nationalité, notamment des Français. Raisonner de la même manière ne fera qu’amplifier ce phénomène, et accentuer toujours plus la dépendance de la France. Au<0x00A0>contraire, il faudrait encourager la formation nationale, d’autant plus pour une profession réglementée, dont les effectifs ont à<0x00A0>gérer des questions d’intérêt national. Seul l’enseignement public peut y<0x00A0>répondre efficacement, mais la France est-elle prête à<0x00A0>assumer financièrement sa formation vétérinaire, alors que le budget de l’enseignement supérieur ne cesse de diminuer? L’excès de vétérinaires pourrait même être une chance: cela pousserait certains à<0x00A0>se<0x00A0>diriger vers d’autres métiers qui manquent aussi de diplômés et à<0x00A0>développer de nouvelles opportunités professionnelles.