Addictions
ENTREPRISE
Auteur(s) : Par Anne-Claire Gagnon
L’association Soins aux professionnels de la santé (SPS) a<0x00A0>consacré une partie d’un atelier de prévention à la surconsommation d’alcool en octobre 2024. L’addiction est une conduite que l’humain met en place pour répondre à<0x00A0>un besoin, une douleur, une anxiété. C’est la solution qu’il trouve et qui, en se répétant, devient une véritable maladie.
Cigarettes, cannabis, opioïdes, alcool, sexe, somnifères, jeux d’argent, sport et même le travail1, la liste des addictions est longue. La consommation excessive d’alcool concerne 28% des foyers concernés par les violences intrafamiliales. L’alcool désinhibe, donc favorise le passage à<0x00A0>l’acte lors de conduites suicidaires. Lors d’un atelier de prévention en ligne, appelé eJades, organisé par l’association Soins aux professionnels de la santé (SPS) le 17 octobre 2024, Florent Chambonneau, cadre de santé au CHU de Lille, a expliqué la distinction entre un usage simple de l’alcool, soit deux<0x00A0>verres par jour occasionnellement –<0x00A0>environ dix<0x00A0>verres par semaine au<0x00A0>maximum<0x00A0>–, et un usage à<0x00A0>risque qui devient nocif, notamment pour le corps, le volet psychique et le travail. Chacun doit s’interroger sur son propre rapport à l’alcool. Pour ce<0x00A0>faire, le questionnaire AUDIT (pour Alcohol use disorders test)2 permet de s’autoévaluer.
Comprendre le manque
L’alcoolodépendance, c’est-à-dire l’addiction à<0x00A0>l’alcool, est un besoin physique et psychique, avec une impossibilité de s’arrêter. La personne adopte un comportement de «craving» et ne peut s’empêcher de boire. Le manque provoque alors des tremblements, des suées, des poussées d’hypertension, des céphalées ou encore des migraines pouvant conduire au delirium tremens avec de possibles crises convulsives. Le sevrage doit toujours être conduit en milieu hospitalier pour prévenir ces troubles neurologiques. Actuellement, il n’est plus recommandé de viser l’abstinence, rarement heureuse, puisque souvent l’arrêt de la consommation rend anxieux et même dépressif.
La motivation ne suffit pas
Face à<0x00A0>une personne en manque d’alcool, il n’est pas conseillé de la faire culpabiliser. Au contraire, aller acheter de l’alcool et lui en faire consommer un peu, pour limiter les troubles neurologiques, établit la confiance et ouvre le dialogue. À<0x00A0>l’instar d’autres maladies, il est important de ne pas juger ni<0x00A0>d’accuser. «Il faut profiter d’un moment de complicité, de convivialité, pour aborder le sujet», précise Florent Chambonneau. Savoir se montrer patient est une des clés car le dialogue n’est parfois pas facile et doit rester ouvert. Une des phrases peut être: «À<0x00A0>tout moment, tu peux me contacter». Ensuite, il sera possible de proposer à<0x00A0>la personne de consulter gratuitement un centre de soin, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA). En effet, une approche transdisciplinaire est nécessaire pour s’en<0x00A0>sortir, avec l’aide de plusieurs spécialistes (généraliste, psychiatre, thérapeute et addictologue). Des groupes de parole sont aussi une solution intéressante.
Boire de l’alcool ensemble : être des nôtres
Médecins et vétérinaires britanniques ont un même niveau d’addiction alcoolique, supérieur à la moyenne, d’après plusieurs études de prévalence datant, au moins, depuis 1993. Deux chercheuses du Centre pour la recherche psychologique d’Oxford (Royaume-Uni) viennent de publier les résultats d’entretiens semi-dirigés réalisés auprès de 17<0x00A0>praticiens vétérinaires ayant eu des problèmes avec l’alcool, dont 88% de femmes, avec un âge moyen de 35,24<0x00A0>ans. Cette étude de 20243 a<0x00A0>mis en avant des vétérinaires témoignant d’une «culture de l’alcool bien ancrée au sein de la profession, y<0x00A0>compris la normalisation sociale de la consommation collective d’alcool jusqu’à<0x00A0>l’excès et l’encouragement comme stratégie d’adaptation pour gérer le stress au travail. La consommation excessive d’alcool est un comportement socialement encouragé qui renforce le sentiment d’appartenance à<0x00A0>un groupe, commençant dès l’école vétérinaire et se poursuivant après le diplôme lors d’événements professionnels, avec une influence “top-down” de la part des vétérinaires plus âgés».
La consommation d’alcool est aussi une façon de mieux dormir le soir ou encore d’aider à<0x00A0>parler d’un évènement traumatique. Malheureusement, l’alcoolisme aggrave les tentatives suicidaires tout en réduisant les chances de chercher de l’aide, du fait du puissant sentiment de honte généré. Les autrices de cette étude soulignent que le tabou sur l’alcoolisme des vétérinaires reste tellement important que même l’initiative «&me» de Vet Mind Matters a fait l’impasse sur cette thématique.
Un tabou délétère pour la santé mentale
Cette addiction n’est pas considérée avec compassion par les pairs, les employeurs et encore moins par le Royal College of Veterinary Surgeons (RCVS) –<0x00A0>l’Ordre britannique<0x00A0>– qui a le pouvoir de suspendre d’exercice un praticien alcoolique. Les 17<0x00A0>praticiens interrogés ont été unanimes sur la peur que leur a<0x00A0>inspiré le RCVS et la manière dont ces derniers ont<0x00A0>caché leur addiction.
L’ensemble de ces éléments montre combien la stigmatisation de la consommation d’alcool et la peur des sanctions disciplinaires contribuent à<0x00A0>une mauvaise santé mentale, voire<0x00A0>à<0x00A0>des suicides. Cette maladie addictive doit donc être prise en charge, sans jugement des individus qui en sont atteints.