Vie de la profession
ANALYSE GENERALE
Auteur(s) : Par Michaella Igoho-Moradel
Délégation d’actes vétérinaires, stages tutorés et écoles d’ostéopathie animale, la loi d’orientation agricole, définitivement adoptée le 19 février pour l’Assemblée nationale et le 20 février pour le Sénat, a servi de véhicule législatif pour plusieurs mesures concernant directement la profession vétérinaire. Dix questions pour comprendre ce que contient le texte.
L’exécutif a relevé le défi. Ce n’est qu’à deux jours de l’ouverture de la plus grande ferme de France, le Salon international de l’agriculture, samedi 22 février 2025, que le Parlement a définitivement adopté le projet de loi d’orientation agricole. Outre ses mesures visant à résoudre les difficultés rencontrées par le monde agricole, le texte répondent à certaines attentes de la profession. Précisément, il encadre la délégation d’actes vétérinaires aux auxiliaires spécialisés vétérinaires (ASV) et à des étudiants vétérinaires, inscrit dans la loi les stages tutorés en milieu rural et renforce le suivi des formations en ostéopathie animale.
À qui un vétérinaire praticien pourra-t-il désormais déléguer certains actes ?
Le texte encadre la délégation d’actes vétérinaires aux ASV et à des élèves des écoles nationales vétérinaires (ENV) françaises. Ces derniers pourront sous certaines conditions, réaliser certains actes. Ils doivent être salariés d’un vétérinaire ou d’une société de vétérinaires habilités à exercer ou employés par une école vétérinaire française. Ils doivent également être inscrits sur une liste tenue par le Conseil national de l’Ordre des vétérinaires (CNOV). Les étudiants visés pourront ainsi pratiquer certains actes en présence d’un vétérinaire pendant les vacances scolaires.
Un niveau de formation sera-t-il requis ?
Les ASV doivent justifier de compétences certifiées par le CNOV. Cette certification est délivrée aux personnes qui ont suivi une formation adaptée dans une école vétérinaire ou dans un centre de formation habilité par le ministre de l’Agriculture. Une commission, créée au sein de l’Ordre, sera notamment consultée pour l’habilitation des centres de formation.
Le niveau de formation des élèves vétérinaires nécessaire sera lié à un niveau d’études dans les ENV. Un arrêté précisera le niveau de compétence requis pour effectuer ces actes.
Quels actes pourront être délégués ?
La délégation d’actes concernera toutes les espèces prises en charge au sein de l’établissement de soins vétérinaires. Ces actes doivent figurer sur une liste définie par arrêté du ministre de l’Agriculture. Le texte prévoit deux niveaux d’actes délégués. La liste définitive pourrait notamment inclure certains prélèvements sanguins et urinaires, l’assistance à l’anesthésie, la surveillance post-opératoire, des soins locaux, des désinfections et des pansements, des détartrages mais aussi l’administration de certains médicaments. Certains actes diagnostiques, comme une analyse de cytologie, pourraient être concernés. Dans ce cas, il serait possible de déléguer la préparation de la lame et de la coloration, mais la lecture devrait être toujours effectuée par le vétérinaire.
Ces actes pourront-ils être réalisés en dehors d’un établissement vétérinaire ?
Le texte précise bien que ces actes ne peuvent être effectués que dans les locaux d’un établissement vétérinaire (un centre hospitalier ou une clinique) et sous la responsabilité d’un vétérinaire présent dans la structure. Les ASV et les étudiants vétérinaires concernés ne peuvent pas pratiquer d’actes vétérinaires à domicile ou encore en élevage.
Quels actes seront exclus de la délégation ?
Les ASV ne devraient pas pouvoir administrer de médicaments anticancéreux, de stupéfiants, de substances destinées à l’euthanasie, ni réaliser des actes impliquant une certification officielle. De même, la délivrance de médicaments reste du ressort des vétérinaires. La délégation d’actes devrait connaître des spécificités selon les secteurs d’activité. Ainsi, en exercice rural par exemple, une enquête de la SNGTV, réalisée en 2022*, avait révélé que des praticiens interrogés étaient prêts à déléguer certains actes, tels que la coproscopie et le suivi des animaux malades examinés au préalable par un praticien. Du côté du milieu équin, un sondage effectué par l’Association vétérinaire équine française* ciblait la surveillance de l’anesthésie, la pose de pansements chirurgicaux, les prélèvements de sang veineux, la surveillance du réveil ou encore les soins locaux.
Le statut d’infirmier libéral vétérinaire est-il encouragé ?
Le statut d’infirmier libéral vétérinaire n’est pas encouragé par le texte. Les ASV doivent pratiquer ces actes sous la responsabilité d’au moins un vétérinaire présent dans cet établissement. Un praticien doit pouvoir intervenir en cas de besoin. L’ASV devra donc agir sous l’autorité du vétérinaire, dans le cadre du contrat de soins, après examen de l’animal par ce dernier. L’Ordre a d’ailleurs exprimé son opposition à la création d’un statut d’infirmier libéral vétérinaire.
La responsabilité du vétérinaire peut-elle être engagée ?
La délégation d’un acte vétérinaire se fera sous la responsabilité du praticien. Il sera donc responsable des actes de son employé et décidera des actes à déléguer dans la limite de ses propres compétences. Il pourra choisir de ne pas le faire pour certains. L’alinéa 3 de l’article R242-33 du Code de déontologie prévoit qu’il veille à définir avec précision les attributions du personnel placé sous son autorité, à le former aux règles de bonnes pratiques et à s’assurer qu’il les respecte. Si la délégation ne respecte pas le cadre fixé par la loi, c’est-à-dire la nature de l’acte délégué et les compétences de l’ASV, la responsabilité du vétérinaire pourrait être engagée. A priori, il n’est pas indispensable que la délégation fasse l’objet d’un écrit mais il est conseillé d’inscrire sur un document la nature des actes délégués. Ce document pourrait être utile en cas de mise en cause.
Que prévoit la loi concernant les écoles d’ostéopathie animale ?
Tout établissement préparant les épreuves d’évaluation des compétences est tenu de déclarer cette activité au ministre de l’Agriculture et au CNOV. Pour chaque établissement, l’Ordre devra tenir à jour et publier les indicateurs de réussite des candidats à ces épreuves. Aussi, un arrêté du ministre de l’Agriculture définit un référentiel de formation précisant les conditions d’accès aux établissements ainsi que les objectifs, la durée, le contenu et l’organisation des formations qu’ils proposent.
Que change la loi pour les stages des étudiants vétérinaires en milieu rural ?
Les stages en milieu rural pour les étudiants en dernière année sont désormais obligatoires et inscrits dans la loi. Les écoles vétérinaires organisent une offre de stages comprenant des mises en situation professionnelle de soins aux animaux d’élevage, sous un régime d’autonomie supervisée et sous l’autorité médicale d’un vétérinaire ou d’une société d’exercice vétérinaire inscrits au tableau de l’Ordre et labellisés par une commission associant l’État et, notamment, des représentants de l’Ordre, de la profession et des écoles vétérinaires.
Quelles sont les prochaines étapes avant l’application de ces mesures ?
La loi d’orientation agricole doit être promulguée par le président de la République 15 jours après son adoption, sous réserve d’un éventuel recours devant le Conseil constitutionnel. Ensuite, un décret et un arrêté devront être publiés pour fixer les détails d’application du texte, notamment la liste des actes vétérinaires délégables et les critères de certification des ASV.