Rééducation fonctionnelle
ANALYSE CANINE
Auteur(s) : Par Philippe Zeltzman et Marie Bartling
Le 12ᵉ symposium de l’IAVRPT a mis en lumière les avancées en physiothérapie vétérinaire : analyse de la boiterie canine par tapis de force, nouvelles données sur l’arthrose et sur le bedinvetmab. Retour sur les enseignements clés.
Le 12ᵉ symposium de l’International association of veterinary rehabilitation and physical therapy (IAVRPT) a eu lieu à Cape Town, en Afrique du Sud, du 31 octobre au 2 novembre 2024. Près de 200 personnes, venues du monde entier, ont discuté des aspects cliniques, théoriques et financiers de la physiothérapie.
Les tapis de force remettent en question l’examen de boiterie
Une journée de travaux pratiques, organisée par Kirsten Häusler, physiothérapeute en Allemagne, était consacrée à l’étude des boiteries canines à l’aide d’un tapis de force. Ce tapis, grâce à des algorithmes complexes, permet d’analyser la locomotion d’un chien à des fins diagnostiques et de recherche. Un rien peut changer la force de réaction et de friction : la position de la tête, la queue qui bat, tourner la tête pour attraper une friandise, tirer sur la laisse, porter un collier plutôt qu’un harnais, etc.
Ces points importants demeurent sans réponse à ce jour, aussi étrange que cela puisse paraître. Il est donc logique de penser que ces différents facteurs peuvent aussi affecter un examen de boiterie. En outre, la répartition universelle de 60 % du poids sur les membres antérieurs et 40 % sur les membres postérieurs n’est pas valable chez toutes les espèces : on ne peut pas comparer la distribution du poids chez un teckel nain, un basset et un mastiff. Cela peut avoir des conséquences sur l’analyse des boiteries et sur les performances sportives.
Formation pointue mais faibles revenus
Megan Kelly, physiothérapeute en Afrique du Sud, a présenté les résultats d’un sondage d’envergure (non publié). Plus de 650 praticiens avec une activité de physiothérapie et physiothérapeutes vétérinaires de 50 pays ont répondu. Les données révèlent que 95 % des professionnels de la physiothérapie sont des femmes, 60 % s’occupent de chiens et de chats, 17 % de chevaux, 15 % de chiens et de chevaux et 8 % d’animaux et d’humains.
Ils sont 76 % à exercer en libéral ; 58 % ont au moins une autre source de revenus ; 66 % travaillent en solo ; 17 % ne prennent jamais de vacances. Ils déclarent que 66 % de leurs clients consultent via le bouche-à-oreille. Côté pratique, l’instrument le plus fréquemment utilisé est le laser (78 % des répondants) ; le traitement manuel le plus fréquemment pratiqué est le massage (92 %).
Le salaire mensuel moyen dans l’Union européenne est de 2 140 €. La faiblesse des revenus, malgré une formation pointue et un travail éprouvant, a été l’un des thèmes phares de la conférence.
Cibler la membrane synoviale en priorité
« La source de la douleur chez les patients arthrosiques est la membrane synoviale », a déclaré Lisa Fortier, chirurgienne à l’école vétérinaire de Cornell (New York). Elle devrait donc être la cible des efforts thérapeutiques. Il y a une tendance croissante parmi les chirurgiens en petits animaux à injecter divers produits et médicaments directement dans l’articulation — ce qui est commun en médecine équine (87 % des praticiens équins, selon Lisa Fortier) et humaine. Les modalités présentées incluent le plasma riche en plaquettes, les stéroïdes, l’acide hyaluronique et le polyacrylamide.
Bedinvetmab : précautions d’usage
Matthew Brunke, praticien et physiothérapeute américain, a partagé des données inquiétantes sur les effets secondaires du bedinvetmab (Librela, Zoetis). Si la littérature scientifique manque encore de données fiables, deux faits semblent émerger : ne pas utiliser ce médicament lors d’instabilité articulaire (préférer la chirurgie stabilisatrice) et ne pas le combiner avec un anti-inflammatoire non stéroïdien, ou AINS (voir encadré). Il regrette que les vétérinaires aient tendance à être réactifs plutôt que proactifs dans le traitement de l’arthrose. Il est important de porter un diagnostic le plus tôt possible et de traiter l’arthrose de manière spécifique, indique le spécialiste.
Effets indésirables du bedinvetmab : qu’en pense l’Agence nationale du médicament vétérinaire ?
Interrogé sur les observations d’effets indésirables, Jacques Bietrix (L04), expert en pharmacovigilance vétérinaire à l’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV), précise : « Certains effets indésirables comme l’incontinence urinaire, la léthargie, l’anorexie et l’ataxie ont récemment été identifiés sur la base des données de pharmacovigilance et ajoutés dans le RCP du médicament. De plus, quelques signaux de pharmacovigilance sont en cours de surveillance avec Librela (vomissements, diarrhée, parésie/paralysie et polyarthropathie à médiation immune), même si le lien avec le médicament n’est pour le moment pas clairement établi. Il n’y a pas de données d’innocuité sur l’utilisation concomitante, à long terme, d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et de bedinvetmab chez le chien ». « Lors d’essais cliniques chez l’homme, des cas d’aggravation rapide de l’arthrose ont été signalés chez des patients recevant un anticorps monoclonal humanisé anti-NGF, poursuit-il. L’incidence de ces événements a augmenté avec des doses élevées et chez les patients ayant reçu des AINS à long terme (plus de 90 jours) en même temps qu’un anticorps monoclonal anti-NGF. Nous avons été informés de “rumeurs” concernant des réactions similaires avec Librela, mais la surveillance des remontées de pharmacovigilance ne permet pas à ce stade d’étayer l’existence d’un tel phénomène chez le chien. Il faut toutefois considérer que Librela ne permet que de contrôler la douleur liée à l’arthrose et n’a pas d’action sur la dégénérescence cartilagineuse. Une aggravation spontanée des lésions cartilagineuses, possiblement favorisée par une reprise trop importante de l’effort, reste donc possible malgré le traitement, en particulier sur des articulations instables. La nécessité d’une reprise progressive et contrôlée de l’effort est par ailleurs mentionnée dans la rubrique précautions particulières d’emploi du RCP. »
Propos recueillis par Valentine Chamard