Juridique
ENTREPRISE
Auteur(s) : Par Céline Peccavy
Trois ans après la suppression de la garantie de conformité pour les animaux domestiques, force est de constater que les acquéreurs de chiens et chats qui souhaitent obtenir garantie... ne l’obtiennent pas forcément. Mais la situation pourrait changer.
La vie judiciaire est faite de rebondissements, d’arrêts de principe et d’arrêts de revirement. Rien n’est figé. Tout peut évoluer. Mais l’histoire judiciaire démontre également que l’évolution ne se fait pas du jour au lendemain. Il y a trois ans était supprimée la garantie de conformité pour les animaux domestiques — une réforme applicable depuis le 1er janvier 2022 à la suite d’une ordonnance du 29 septembre 2021. Et si des tentatives ont bien eu lieu, rien n’a encore, à ce jour, abouti favorablement pour les acheteurs insatisfaits.
La garantie de délivrance conforme
Certains requérants ont pensé utiliser la garantie de délivrance conforme prévue par le Code civil (non le code de la consommation) aux articles 1603 et 1604. On y parle effectivement de conformité. L’argument utilisé est toujours le même : la commande a porté sur un animal sans aucun souci de santé et il apparaît, au final, que cela n’est pas le cas. Il n’y a donc pas conformité car les caractéristiques de bonne santé sont absentes.
Cette stratégie avait-elle des chances de fonctionner ? Nullement sauf sur un malentendu. Même si le terme de conformité est réellement utilisé par le Code civil, il ne vise aucunement les défauts du chien ou du chat. Cette obligation de délivrance conforme porte en effet uniquement sur l’identité de la délivrance à la commande. Si le chiot collier bleu a été réservé, il ne peut lui être substitué le chiot collier orange ou tout autre chiot. Celui-ci a été choisi et celui-ci doit être remis. Ni plus ni moins.
Il est acquis que les déconvenues que peut ensuite essuyer l’acquéreur à l’usage relèvent de la garantie des défauts cachés définis comme ceux qui rendent la chose impropre à l’usage prévu. Et la jurisprudence est très claire sur ce point : « Le défaut de conformité de la chose vendue à sa destination normale constitue le vice prévu par les articles 1641 et suivants. En conséquence, l’action de l’acquéreur fondée sur un tel vice est soumise au régime de l’action en garantie » (arrêt de la Cour de cassation du 8 décembre 1993).
La garantie des vices cachés
C’est donc juridiquement vers la garantie des vices cachés qu’il faut se tourner. Et c’est sur le fondement de cette garantie que d’autres tentatives ont été faites par des acheteurs mécontents souhaitant faire valoir leurs droits. Force est de constater qu’à ce jour aucun n’a encore obtenu gain de cause. Le coupable : la Cour de cassation elle-même ! Si la Haute juridiction considère bien qu’il faut se fonder sur les vices cachés en cas de soucis après-vente, elle considère aussi, depuis 2001, que cette garantie n’est applicable aux animaux domestiques que dans la mesure où l’acte de vente contient manuscritement une convention contraire, c’est-à-dire une clause qui écarte l’application prioritaire des dispositions du Code rural au profit de celles du Code civil.
Or, les actes de vente qui contiennent une telle clause sont véritablement exceptionnels. La plupart des éleveurs utilisent des formulaires prêts à l’emploi et, actuellement, tous ceux sur le marché ont cette précaution rédactionnelle de ne pas proposer la garantie des vices cachés. Voilà pourquoi, à ce jour, les procédures en garantie pour vices cachés se soldent par un échec cuisant.
Alors sommes-nous dans une impasse ? Pas inéluctablement. Avant 2001 et même dans quelques décisions postérieures, était admise pour les chiens et chats de race une convention contraire implicite et donc l’application des vices cachés. C’est d’ailleurs régulièrement le cas en matière équine. Rien n’interdit donc de penser qu’un beau jour un renversement de situation va se produire. À n’en point douter, il aura l’effet d’une bombe auprès des éleveurs désormais habitués à ne plus rien devoir.