La leptospirose, un risque porté avant tout par les rongeurs et la faune sauvage - La Semaine Vétérinaire n° 2070 du 14/03/2025
La Semaine Vétérinaire n° 2070 du 14/03/2025

Prévenir les zoonoses

ANALYSE CANINE

Auteur(s) : Par Séverine Boullier, Emmanuel Liénard, Émilie Bouhsira

Deuxième épisode de notre série consacrée aux zoonoses avec la leptospirose. Les leptospires peuvent infecter la plupart des mammifères, dont l’Homme, sur tous les continents. Bien que l’animal de compagnie soit rarement impliqué dans les cas de contamination humaine, le vétérinaire joue un rôle d’information auprès des détenteurs, en particulier pour ceux de rongeurs de compagnie.

La leptospirose compte parmi les maladies zoonotiques les plus fréquentes au monde. L’Homme se contamine principalement de façon indirecte, du fait de l’excrétion des bactéries dans l’environnement via l’urine des animaux infectés. Le vétérinaire doit connaître les risques de contamination pour le personnel soignant mais aussi pour les propriétaires et mettre en place les mesures adaptées.

Plusieurs espèces réservoirs

Les leptospires sont des bactéries extracellulaires mobiles, Gram négatives. Elles appartiennent au genre Leptospira (ordre des spirochètes) qui comprend une dizaine d’espèces pathogènes et plus de 230 sérovars, répartis en 23 sérogroupes. Elles constituent une famille bactérienne très variée, d’un point de vue antigénique mais aussi au niveau de leur physiologie et de leur degré de virulence.

Les espèces réservoirs varient selon les sérogroupes, avec le plus souvent des rongeurs, comme les rats et les souris, mais également de nombreux autres mammifères. Des études récentes réalisées en France sur la faune sauvage ont montré que les hérissons, les mustélidés et les sangliers sont des porteurs fréquents. Chez ces espèces, un portage asymptomatique à vie a déjà été observé. Les animaux infectés excrètent les bactéries via l’urine et contaminent ainsi leur environnement. Les leptospires peuvent survivre plusieurs mois dans l’environnement si les conditions sont favorables : humidité et températures supérieures à environ 15 °C.

Tous les mammifères domestiques d’élevage peuvent également être infectés et excréteurs. Pour les animaux de compagnie, le chien est probablement une des espèces animales les plus sensibles. L’infection peut déboucher sur un portage asymptomatique. Le chat semble peu sensible à la maladie. Bien que très peu d’études soient disponibles sur sa réceptivité, le rôle du chat dans la dissémination de la bactérie ne doit pas être négligé. En effet, la bactérie a été détectée dans les urines de chats asymptomatiques dans de nombreux pays. Il n’y a pas de données sur l’incidence de l’infection des chats en France métropolitaine. Enfin, plusieurs études ont montré que les rongeurs domestiques peuvent être porteurs asymptomatiques et responsables de contamination humaine.

Chez l’Homme, différents profils à risque

L’incidence mondiale de la leptospirose humaine est estimée à au moins un million de cas graves par an. Dans les pays développés avec des climats tempérés, la leptospirose est considérée comme une maladie rare. En France métropolitaine, on observe une augmentation de l’incidence depuis 2014, avec un nombre de cas qui est passé de 300 à 600-700 personnes par an, soit une incidence d’environ un cas pour 100 000 habitants. L’incidence est 50 à 100 fois plus élevée dans les territoires ultramarins des régions tropicales. Depuis août 2023, la leptospirose est devenue une maladie à déclaration obligatoire en France. Les données d’incidence vont donc probablement évoluer.

Les dernières données disponibles, notamment celles publiées par le centre national de référence (CNR) de la leptospirose (Institut Pasteur de Paris) indiquent que le risque de leptospirose concerne principalement certaines professions, comme les égoutiers, les agriculteurs, les éleveurs et les vétérinaires, mais aussi les personnes pratiquant des activités de loisirs aquatiques de plein air. Le risque de contamination est plus important en été et au début de l’automne, quand les températures sont élevées. La possession d’un chien n’apparaît pas comme un facteur de risque de développer une infection. Une étude américaine a confirmé que chez les vétérinaires et les propriétaires d’un chien malade respectant les mesures d’hygiène, l’infection est très rare. En revanche, la possession de rats semble être un facteur de risque.

Une infection humaine généralement asymptomatique

Les bactéries peuvent traverser toutes les muqueuses de l’organisme mais pas la peau saine. En revanche, l’infection est possible si des lésions cutanées, mêmes superficielles, sont présentes. Chez l’Homme, l’incubation est de 5 à 14 jours. La majorité des infections humaines sont asymptomatiques ou paucisymptomatiques. Dans les formes cliniques classiques, la leptospirose ressemble à un syndrome grippal, avec une forte fièvre, des céphalées et des myalgies. La forme la plus grave, appelée syndrome de Weil, combine une insuffisance rénale aiguë, une atteinte neurologique (convulsions, voire coma) et des hémorragies. C’est cette forme qui est potentiellement mortelle. Le taux de létalité est de 5 à 10 %.

En France, il existe un vaccin humain, qui cible uniquement le sérogroupe Icterohaemorrhagiae, dont le principal réservoir est le rat. Il est proposé aux personnes ayant une profession à haut risque (égoutiers, éboueurs, éleveurs et agriculteurs). Les vétérinaires ne sont pas inclus dans la liste des professionnels concernés par cette vaccination.

Règles d’hygiène et vaccination

Vétérinaire reste toutefois une profession à risque et les mesures sanitaires doivent être respectées lors de la manipulation d’animaux infectés. Le vétérinaire doit également informer les propriétaires des mesures d’hygiène à mettre en place, en particulier pour les détenteurs de rongeurs de compagnie.

Chez le chien, pour prévenir la maladie et limiter les risques d’excrétion urinaire, la vaccination reste la seule solution. Elle est considérée comme essentielle. La vaccination concerne tous les chiens, quel que soit leur mode de vie, même s’ils n’ont pas accès à des zones humides et ne se baignent pas. Il n’y a pas de vaccin disponible pour les chats et les rongeurs.

Pour limiter la contamination directe des humains, des mesures sanitaires simples sont à mettre en place. Les animaux malades ou suspects doivent être manipulés avec des gants, aussi bien dans les cliniques vétérinaires que par les propriétaires à domicile. L’environnement de l’animal malade doit être nettoyé et désinfecté quotidiennement. Les leptospires sont détruites par les désinfectants usuels.

Il est plus difficile de prévenir les risques de contamination via les rongeurs domestiques, ces derniers n’étant pas symptomatiques. Il faut donc conseiller aux propriétaires d’utiliser des gants pour nettoyer les cages et de protéger les plaies cutanées lors de la manipulation des animaux.