Dermatologie
FORMATION MIXTE
Auteur(s) : Sarah André Conférencier Didier Pin (L 82), spécialiste en dermatologie vétérinaire et professeur de dermatologie à l’école nationale vétérinaire de Lyon (VetAgro Sup). Article rédigé d’après la conférence « Dermatoses à médiation immune du cheval », proposée lors des 52es<0x00A0>journées annuelles et ateliers de l’Association vétérinaire équine française (AVEF) en novembre 2024, à Tours.
En cas de maladies à médiation immune, le système immunitaire est responsable des lésions dermatologiques observées par les vétérinaires praticiens. L’absence de processus infectieux est également à noter. Ces atteintes peuvent se diviser en trois sous-groupes, à savoir les maladies auto-immunes, les hypersensibilités et allergies et, enfin, les maladies auto-inflammatoires – non abordées ici car elles ne sont, pour le moment, pas décrites chez le cheval.
Les dermatites auto-immunes
Cette conférence a, tout d’abord, porté sur le pemphigus foliacé, « une dermatite auto-immune rare mais de loin la plus fréquente chez le cheval », indique Didier Pin, vétérinaire spécialiste en dermatologie. Elle peut concerner les équidés de toute race, de tout âge et quel que soit leur sexe. À ce jour, aucun facteur déclenchant n’a été prouvé chez le cheval. La pathogénie est, quant à elle, bien identifiée puisqu’elle repose sur la production d’auto-anticorps anti-cadhérines responsables de la dissociation des kératinocytes, ou acantholyse. Ce phénomène est responsable d’une inflammation aboutissant à la formation d’une pustule non folliculaire superficielle qui « sèche très vite pour donner des croûtes ». Les lésions dermatologiques débutent par la face, l’encolure, les membres et l’abdomen avant de se généraliser en quelques semaines ou mois. « Ce qui frappe le clinicien, c’est que le cheval est couvert de croûtes très épaisses qui paraissent feuilletées et qui finissent par tomber », déclare le conférencier. Une cytologie du pus ou sous-crustacée permet d’observer les kératinocytes individualisés. Un shampoing topique à base de chlorhexidine et un hydratant cutané, précédés d’une tonte, constituent les soins topiques. Ces derniers sont à associer à un traitement systémique long à base de corticoïdes, notamment de la prednisolone per os.
Le lupus érythémateux (LE) a également été abordé, bien qu’il n’existe que peu de descriptions dans la littérature chez le cheval. Cette maladie est multifactorielle et complexe. Il convient également de distinguer le LE systémique des quatre formes de LE cutané chronique (facial discoïde, mucocutané, discoïde localisé et généralisé et, enfin, exfoliatif). « La forme la plus fréquente, peut-être en particulier chez l’âne, est le LE cutané chronique exfoliatif », précise Didier Pin.
La pelade — ou alopecia areata — est une alopécie auto-immune acquise consécutive à « une réaction immunitaire cellulaire dirigée contre les bulbes folliculaires ». La cause reste inconnue. « La lésion élémentaire est une zone dépilée et ronde avec une peau totalement normale, explique Didier Pin. Il manque seulement les poils. Un article a décrit une atteinte des quatre sabots. » À noter l’absence de prurit, de douleur et d’atteinte générale. Le vitiligo correspond à une leucopénie et une leucotrichie acquises également dues à une réaction immunitaire cellulaire mais dirigée cette fois-ci contre les mélanocytes. La cause est également inconnue. « La lésion élémentaire est une macule achromique de tailles et de formes variables et bien délimitée pouvant donner par coalescence de larges zones dépigmentées. Là encore, la peau est totalement normale mais elle est blanche », précise le professeur de dermatologie. Le vitiligo segmentaire est à distinguer de la forme non segmentaire. Dans tous les cas, une confirmation du diagnostic peut se faire par examen histopathologique de biopsies cutanées. Le traitement de la pelade et du vitiligo reste à discuter car ces atteintes sont esthétiques.
Les hypersensibilités et les allergies
Le conférencier a rappelé la classification de Gell et Coombs des hypersensibilités et des allergies, toujours en vigueur depuis 1963, qui se base sur la clinique. La dermatite estivale récidivante (DER) est l’hypersensibilité la plus connue chez les équidés. Sa répartition est mondiale et elle correspond à une allergie de type IV — selon cette classification — à des protéines du venin d’insectes, essentiellement des culicoïdes. Cette atteinte est donc saisonnière puisqu’elle correspond à la période d’activité de ces insectes, sauf dans certaines régions du fait du dérèglement climatique. La clinique décrite par Didier Pin est la suivante : « Le signe cardinal est du prurit, puis il y a très rapidement des excoriations, des dépilations, des croûtes, des érosions, des ulcères, de la lichénification, de l’hyperpigmentation et des épaississements cutanés. » La crinière et la base de la queue sont les régions les plus concernées au début. Le traitement repose sur l’éviction des piqûres par la mise en place d’une couverture intégrale et de répulsifs, notamment à base de pyréthrinoïdes, en association avec des corticoïdes voire de l’oclacitinib. « Le futur, c’est la neutralisation de l’interleukine 5 et de l’interleukine 31 du cheval en question, déclare Didier Pin. On transforme donc une allergie en maladie auto-immune mais sans conséquences cliniques. » L’utilisation d’anticorps monoclonaux équinisés anti-interleukine 5, ou de vaccins anti-interleukine 5 et anti-interleukine 31 équines, apparaît comme intéressante. Ces solutions ne sont néanmoins pas encore commercialisées.
La vasculite podale (du paturon) est la vasculite la plus fréquente chez le cheval. Elle est consécutive à la précipitation de complexes immuns circulants dans les vaisseaux du pied, l’antigène étant le plus souvent d’origine infectieuse. Tout comme chez l’humain, cette maladie est liée à des facteurs physiques, notamment la déclivité au niveau des jambes. Elle est compliquée à reconnaître cliniquement. La biopsie cutanée a son intérêt ici, notamment pour la mise en place d’une antibiothérapie à la suite d’une culture bactérienne et un antibiogramme, mais elle doit être réalisée dans des conditions strictes d’asepsie.
La dermatite atopique chez le cheval est sujette à controverse et est à distinguer de celle de l’humain et du chien. En effet, la définition de cette atteinte dans la littérature n’est pas en adéquation avec la classification de Gell et Coombs. « On ne sait pas si la dermatite atopique du cheval existe, souligne le conférencier. Pour le moment, son existence n’est pas prouvée. » En pratique, le cheval est soit atteint de dermatose eczémateuse, soit atteint d’urticaire. Certains cas restent incertains. Concernant l’urticaire, la cellule d’intérêt est le mastocyte. Le cheval est particulièrement concerné. Cliniquement, les cas classiques sont d’apparition rapide et disparaissent au bout de quelques heures. Les muqueuses et la peau sont concernées, les lésions sont de formes et de localisations variables. Le traitement d’une urticaire grave, c’est-à-dire avec présence d’anaphylaxie, repose sur l’utilisation d’épinéphrine. Les antihistaminiques peuvent être utilisés en cas d’urticaire chronique spontanée.
Enfin, les allergies alimentaires ont été présentées pour conclure cette conférence. Chez l’humain, il convient de distinguer deux formes : les allergies alimentaires à médiation immune, entraînant une anaphylaxie, et les intolérances alimentaires, une réaction non immunitaire, qui déclenchent de l’urticaire. Toutefois, cette atteinte est également controversée chez le cheval puisque « tout évènement indésirable, après l’ingestion d’aliments, quelle que soit la clinique est appelé allergie alimentaire », précise Didier Pin. La littérature reste peu documentée à ce sujet. Les chocs anaphylactiques consécutifs à l’ingestion d’aliments ne sont pas décrits. « L’urticaire chronique spontanée est la plus fréquente mais il faut parler d’hypersensibilité alimentaire, donc d’intolérance et non d’allergie, conclut-il. L’allergie alimentaire semble extrêmement rare chez le cheval. »