DIABÈTE CANIN ET FÉLIN
Moderniser l’endocrinologie clinique
Auteur(s) : Julie Gallay-Lepoutre
Fonctions : Clinique vétérinaire Olliolis,
service de médecine interne
414a, chemin des Canniers
Quartier Lagoubran
83190 Ollioules
Lors de diabète sucré, l’ajustement du traitement peut être compliqué. Une démarche rigoureuse est alors indispensable, comprenant un suivi personnalisé et la réalisation de courbes de glycémie.
Le diabète sucré est une dysendocrinie fréquente, dont le diagnostic est généralement aisé, avec une expression clinique (polyuro-polydipsie [PUPD], polyphagie et amaigrissement) et des signes biologiques (hyperglycémie et glucosurie, élévation de la fructosaminémie) plutôt univoques. La mise en évidence d’un diabète sucré représente, dans une vaste majorité de cas, une indication d’insulinothérapie. Le traitement a deux principaux objectifs : éliminer les signes cliniques d’hyperglycémie tout en évitant l’hypoglycémie. C’est dans l’ajustement de ce traitement que le praticien peut être confronté à des difficultés. Cet article propose une marche à suivre lorsque l’équilibrage du diabète se complique. La prise en charge des diabètes compliqués (acidocétose et hyperosmolarité) ne sera pas abordée ici.
Quelques points doivent être systématiquement abordés avec le propriétaire de l’animal suivi pour diabète sucré, lors du recueil de l’anamnèse : comportement général, soif, appétit et évolution du poids.
Ces éléments cliniques sont les points cardinaux du suivi du diabète. La persistance de la PUPD ou une perte de poids est en faveur d’une hyperglycémie persistante. Une diminution de l’appétit peut laisser craindre l’apparition de complications (acidocétose, notamment) ou l’existence d’une maladie concomitante, car en l’absence de complications, l’animal diabétique conserve typiquement un bon appétit [6, 7]. De même, la présence de nausées ou de vomissements peut être évocatrice d’acidocétose, mais peut également être observée lors d’hypoglycémie. Une hypoglycémie doit également être suspectée lorsque des épisodes de faiblesse, des tremblements, voire des convulsions, sont rapportés.
Chez la chienne non stérilisée, la date des dernières chaleurs doit être renseignée puisque le diœstrus est susceptible de perturber le contrôle du diabète (1).
La technique d’administration de l’insuline et les modalités de conservation de cette dernière doivent être vérifiées avec le propriétaire. En cas de doute, il est préférable de lui faire réaliser la procédure d’injection en consultation. Il convient d’être attentif aux erreurs liées à l’usage de seringues à insuline inadéquates (40 UI/ml versus 100 UI/ml), pouvant conduire à l’administration d’une dose d’insuline insuffisante ou excessive.
Le type d’alimentation et son mode de distribution doivent être précisés. Dans l’espèce canine, un pic d’hyperglycémie postprandiale est généralement identifié, d’où l’importance de l’administration concomitante de l’insuline et du repas. Chez le chat, cet aspect semble moins décisif, mais le respect d’une alimentation de prescription, généralement riche en protéines et pauvre en glucides, joue un rôle important dans le contrôle du diabète [1, 7]. Lorsqu’un diabète est associé à un état d’obésité chez le chien ou le chat, sa gestion et sa prise en charge doivent inclure l’ensemble des conséquences métaboliques et endocriniennes induites (2).
Un examen clinique attentif doit être conduit. L’apparition d’une cataracte diabétique chez le chien ou le développement d’une plantigradie chez le chat sont en faveur d’une hyperglycémie persistante. Un suivi du poids de l’animal est essentiel, une perte de poids étant un signe fort de mauvais contrôle du diabète. La persistance d’un surpoids est également un élément important de l’examen clinique, car l’obésité est un facteur d’insulinorésistance et doit être prise en charge de manière globale. Par ailleurs, l’examen clinique peut révéler des signes évocateurs d’une maladie concomitante.
L’analyse urinaire est considérée par certains comme partie intégrante de l’examen clinique ; cette approche semble particulièrement opportune dans un contexte de suivi de diabète. L’examen d’une bandelette urinaire peut fournir des informations intéressantes au clinicien. L’absence de glucosurie, notamment, est inhabituelle chez l’animal diabétique et peut laisser suspecter la survenue d’hypoglycémie. Attention toutefois, car la réabsorption tubulaire du glucose varie en fonction des individus et l’intensité de la glucosurie n’est pas corrélée à l’hyperglycémie. L’évaluation de la glucosurie ne peut donc en aucun cas remplacer le suivi glycémique.
Une cétonurie est également recherchée, notamment lorsque les signes cliniques laissent craindre une décompensation du diabète.
À l’issue de la consultation, le clinicien peut s’orienter vers le type de complication rencontré dans l’équilibrage du diabète : hyperglycémie persistante ou hypoglycémie (tableau 1). Il s’agit ensuite d’évaluer la réponse de l’animal à l’insuline par la réalisation d’une courbe de glycémie.
La courbe de glycémie repose sur une mesure de la glycémie à intervalles réguliers, généralement de 1 à 2 heures, sur une durée de 12 à 24 heures, en incluant un minimum de quatre mesures. Il est recommandé de la réaliser 10 à 14 jours après toute modification de l’insulinothérapie [1]. La courbe de glycémie est incontournable dans l’ajustement d’une insulinothérapie, car elle seule permet d’évaluer la réponse individuelle de l’animal à l’insuline choisie, tout en détectant d’éventuelles hypoglycémies [1]. Il est important de toujours confronter le suivi glycémique à la clinique. Par exemple, si la courbe de glycémie suggère un contrôle suboptimal, mais que la réponse clinique est bonne, un ajustement de la dose peut ne pas être indiqué.
L’analyse de la courbe de glycémie permet d’obtenir plusieurs éléments importants pour comprendre la réponse de l’individu à l’insuline (figure 1). Son interprétation doit toujours se faire à la lumière de l’évolution clinique de l’animal.
→ La courbe permet de connaître l’efficacité de l’insuline, à savoir sa capacité à entraîner une diminution de la glycémie. L’efficacité de l’insuline correspond au différentiel entre la glycémie la plus haute et la glycémie la plus basse.
→ Le nadir est le point le plus bas de la courbe ; il reflète le pic d’action de l’insuline et doit idéalement se situer entre 0,8 et 1,5 g/l [1, 6].
En cas de nadir inadéquat (avec une durée d’action de l’insuline correcte par ailleurs), il convient en première intention de modifier la dose d’insuline.
→ La glycémie maximale, généralement mesurée juste avant l’injection d’insuline, ne doit idéalement pas excéder 3 g/l. La glycémie moyenne sur la journée doit se situer aux alentours de 2,5 g/l pour obtenir un contrôle clinique satisfaisant.
→ Enfin, la courbe renseigne sur la durée d’action de l’insuline. Elle n’est interprétable que lorsque le nadir atteint une valeur acceptable, puisqu’elle correspond au temps pendant lequel la glycémie demeure inférieure à 2,5 g/l [1]. Elle ne peut être évaluée en présence d’hypoglycémie, compte tenu du risque d’hyperglycémie rebond masquant les effets de l’insuline [6]. Elle doit idéalement être comprise entre 8 et 14 heures. En dessous de cet intervalle, des signes d’hyperglycémie sont souvent observés, et au-delà, la survenue d’hypoglycémie est fréquente lors d’administration biquotidienne. La durée d’action peut aussi être évaluée par le temps entre l’injection et le nadir : si cet intervalle est inférieur à 6 heures, la durée d’action de l’insuline est généralement insuffisante ; s’il excède 12 heures, elle est trop longue (pour une administration biquotidienne). La durée d’action de l’insuline dépend de la forme d’insuline utilisée.
Si elle est inadéquate, seul un changement d’insuline peut améliorer la situation.
La courbe de glycémie peut être réalisée en hospitalisation, ou à la maison par les propriétaires, à l’aide d’un glucomètre portable (photos 1a et 1b). De nombreux dispositifs sont disponibles ; certains auteurs recommandent toutefois l’usage de glucomètres vétérinaires, calibrés pour l’usage chez le chien et le chat, avec une meilleure exactitude que les glucomètres humains [1].
Le suivi glycémique à la maison, accessible à la plupart des propriétaires, présente un intérêt économique pour ces derniers, mais surtout un intérêt médical dans la gestion du diabète : il permet la réalisation de courbes de glycémie plus fréquentes et sur une durée souvent plus étendue, ce qui est particulièrement pertinent lorsque le contrôle du diabète s’avère difficile, à condition que l’insulinothérapie ne soit ajustée que sur les conseils du vétérinaire. Il est notamment indiqué dans l’espèce féline, chez laquelle l’hyperglycémie de stress peut poser un réel problème lors de l’interprétation des courbes réalisées en clinique, mais aussi parce qu’un contrôle glycémique strict est recherché pour optimiser les chances de rémission (encadré 1) [3, 7]. Pour la réalisation des courbes de glycémie en clinique, de nouveaux dispositifs sont utilisables afin de limiter les manipulations de l’animal (encadré 2).
Deux courbes de glycémie réalisées sur 2 jours consécutifs peuvent donner des résultats assez différents [3]. Cette variabilité est plus importante lors de suivi en hospitalisation, mais existe également lorsque les courbes sont réalisées à la maison. Elle peut être expliquée par des paramètres extrinsèques (activité, prise alimentaire) et intrinsèques (clairance hépatique et rénale, équilibre hydroélectrolytique et acido-basique, faisant varier la durée d’action de l’insuline). C’est pour cette raison qu’une glycémie isolée, mesurée au moment du nadir attendu, prédit d’après une courbe antérieure, ne peut suffire à juger de la réponse à l’insuline [1]. De plus, si les résultats d’une courbe semblent en désaccord avec le contrôle clinique, il peut être pertinent de prévoir une seconde évaluation.
La mesure de la fructosamine peut également fournir un complément d’information dans ce cadre (tableau 2). Ce paramètre convient pour le suivi d’animaux diabétiques bien contrôlés, mais est toutefois insuffisant dans un contexte de mauvais contrôle, car il ne permet pas d’identifier l’origine de la complication. En effet, puisqu’elle ne reflète qu’une glycémie moyenne, la fructosaminémie peut être similaire dans des cas très différents : chez un animal constamment hyperglycémique, en raison, par exemple, d’une dose d’insuline insuffisante, ou chez un animal alternant des phases d’hypo- et d’hyperglycémie rebond, à la suite d’une dose d’insuline excessive.
Dans de rares cas, la courbe de glycémie seule ne permet pas d’identifier l’origine du mauvais contrôle du diabète. La réalisation d’une courbe d’insulinémie concomitante à la courbe de glycémie peut alors apporter des informations complémentaires, utiles à la compréhension de l’affection. Par exemple, une insulinémie élevée de manière persistante, parallèlement à une hyperglycémie persistante, suggère la présence d’une insulinorésistance. En pratique, la courbe d’insulinémie se réalise à partir des prélèvements obtenus pendant la courbe de glycémie. Les techniques de dosage actuelles ne différencient pas l’insuline endogène de l’insuline exogène. L’intervalle de référence varie en fonction du laboratoire réalisant l’analyse.
ÉTAPE 3 AJUSTER L’INSULINOTHÉRAPIE
Dans une majorité de cas, si les complications en rapport avec le stockage ou l’injection d’insuline sont écartées, les difficultés de contrôle du diabète sont liées à une insulinothérapie inadéquate. L’analyse de la courbe de glycémie permet de déterminer si la complication résulte de la dose ou au type d’insuline utilisée (tableau 3).
Une diminution de la dose d’insuline est indiquée en cas d’hypoglycémie clinique ou subclinique. Un nadir inférieur à 0,8 g/l doit ainsi conduire à diminuer la dose d’insuline de 10 à 50 % en fonction de l’importance de l’hypoglycémie et de ses répercussions cliniques. Une fructosaminémie basse ou dans la fourchette basse de l’intervalle de référence conduit également à suspecter des phases d’hypoglycémie.
Lorsqu’un effet rebond de l’insuline est confirmé (hypoglycémie suivie d’une hyperglycémie rebond, encore appelé effet Somogyi), une diminution assez drastique de la dose d’insuline est préconisée (encadré 3). Toutefois, le diagnostic de certitude d’un effet Somogyi peut se révéler difficile à établir, dans la mesure où l’hypoglycémie initiale n’est pas toujours identifiée. S’il est suspecté face à une hyperglycémie persistante, la dose d’insuline doit être diminuée. S’il s’agit bien d’un effet Somogyi, les signes cliniques et l’hyperglycémie sont stables, voire améliorés, par la baisse du dosage.
Une augmentation de la dose d’insuline est indiquée lorsque l’animal présente des signes cliniques persistants, avec une courbe de glycémie montrant une insuline inefficace et/ou un nadir trop élevé.
La majorité des animaux diabétiques sont équilibrés avec une dose d’insuline inférieure à 1 UI/kg, deux fois par jour [1, 6]. Si l’hyperglycémie persiste malgré une dose excédant 1 UI/kg deux fois par jour, le praticien doit s’interroger sur l’efficacité de l’insuline, et envisager notamment la présence d’une insulinorésistance ou d’un effet Somogyi. La possibilité d’une hyperglycémie de stress doit également être envisagée, notamment dans l’espèce féline. Cette hypothèse peut être vérifiée en confrontant les résultats de la courbe de glycémie avec un dosage de fructosamine ou en réalisant un suivi glycémique à la maison.
Compte tenu des durées d’action moyennes des insulines utilisées chez le chien et le chat, l’insuline doit par défaut être initiée avec deux injections par jour.
Si le suivi glycémique, réalisé si possible sur 24 heures, montre une durée d’action prolongée de l’insuline, un passage à une injection par jour peut être envisagé. Ce phénomène est notamment observé chez le chat en cours de rémission diabétique, alors que les besoins en insuline diminuent progressivement et que la dose d’insuline peut être très progressivement diminuée.
D’après l’étude de Monroe, l’insuline Caninsulin® permet un contrôle satisfaisant du diabète avec une injection par jour chez environ 1 chien sur 3 [5]. Cela semble toutefois moins fréquent en pratique, avec une administration biquotidienne requise dans une large majorité de cas. L’injection biquotidienne de cette insuline permet par ailleurs d’éviter les trop fortes variations intrajournalières.
Une modification du type d’insuline est envisagée lorsque la durée d’action de l’insuline est inadéquate. Dans la plupart des cas, le clinicien est confronté à une durée d’action de l’insuline trop restreinte, et doit donc se tourner vers une insuline d’action prolongée (figure 2). Les durées d’action relatives de chaque insuline font l’objet d’une importante variabilité inter- et intra-individuelle. En effet, la durée d’action de l’insuline dans l’organisme varie en fonction de nombreux paramètres, tels que la clairance hépatique et rénale ou l’équilibre hydroélectrolytique et acido-basique. Les notions d’insuline rapide, lente ou ultralente sont donc approximatives. La durée d’action d’une insuline donnée chez un individu donné est difficilement prévisible, d’où la nécessité des courbes de glycémie pour l’ajustement de l’insulinothérapie. Les analogues insuliniques d’action prolongée (glargine, détémir) possèdent un pouvoir hypoglycémiant important, c’est pourquoi des doses conservatrices (0,1 à 0,2 UI/kg) doivent être utilisées lorsque ces insulines sont initiées en dehors d’un contexte d’insulinorésistance avérée [4].
L’insulinorésistance est une condition dans laquelle une quantité normale d’insuline produit une réponse biologique insuffisante, en lien avec un nombre de récepteurs insuffisants. La dose d’insuline permettant d’établir un diagnostic d’insulinorésistance n’est pas définie clairement chez le chien et le chat, car elle est très variable selon les individus. Toutefois, puisque la plupart des individus sont contrôlés avec une dose d’insuline inférieure à 1 UI/kg deux fois par jour, il semble raisonnable d’envisager la possibilité d’une insulinorésistance lorsqu’elle doit être augmentée au-delà de 1 à 1,5 UI/kg deux fois par jour. L’analyse de la courbe de glycémie montre généralement une insuline peu efficace, voire inefficace, avec un nadir trop élevé (souvent supérieur à 3 g/l) [6]. La courbe d’insulinémie montre une insuline demeurant élevée parallèlement à l’hyperglycémie. Dans certains cas, l’insulinorésistance se manifeste par des besoins en insuline variables d’un jour à l’autre [1, 6].
Il existe de nombreuses causes d’insulinorésistance (tableau 4). D’une manière générale, toute maladie intercurrente inflammatoire, infectieuse ou néoplasique est susceptible d’induire une insulinorésistance. L’obésité, qui doit être considérée comme une maladie inflammatoire, ne doit pas être négligée et doit être prise en charge de manière adéquate.
Lorsqu’une insulinorésistance est suspectée, il convient de rechercher une maladie sous-jacente. Lors du recueil de l’anamnèse, le praticien interroge le propriétaire sur l’administration de médicaments diabétogènes (glucocorticoïdes, progestatifs), sur la date des dernières chaleurs chez la chienne entière, sur l’existence d’antécédents médicaux particuliers (polydysendocrinie de diœstrus). L’examen clinique peut mettre en évidence certaines anomalies : obésité sévère, souffle cardiaque, anomalies cutanées (hypercorticisme, hypothyroïdie) ou encore modifications morphologiques (acromégalie chez le chat).
En fonction du contexte épidémiologique et clinique, des examens complémentaires sont réalisés.
Un panel biochimique, un hémogramme et une analyse urinaire avec uroculture sont généralement incontournables. Le panel biochimique doit inclure les paramètres suivants : urée, créatinine, phosphatases alcalines, alanine aminotransférases, protéines totales, albumine, cholestérol, triglycérides, calcium, phosphore, ionogramme. Un intérêt particulier doit être porté à la kaliémie, car l’hypokaliémie, commune chez le chat, peut interférer avec l’action de l’insuline et aggraver une insulinorésistance. Un dosage de la lipase pancréatique spécifique est souvent préconisé, compte tenu de l’association fréquente entre diabète et pancréatite, en particulier chez le chien [1]. Il convient toutefois de tenir compte des limites de sensibilité et de spécificité de ce test. Des explorations endocriniennes peuvent également être indiquées. Des examens d’imagerie médicale sont fréquemment pratiqués (échographie abdominale, radiographies thoraciques), pour rechercher une maladie inflammatoire ou néoplasique sous-jacente.
Lorsque la cause de l’insulinorésistance est identifiée et peut être traitée, il est important d’ajuster l’insulinothérapie pour limiter les risques d’hypoglycémie iatrogène [6]. Par exemple, si l’insulinorésistance est attribuée à une acromégalie chez une chienne entière ou à une hypothyroïdie, les besoins en insuline vont diminuer rapidement après la stérilisation ou l’initiation de la supplémentation en lévothyroxine. Une diminution de la dose d’insuline et un suivi glycémique rapproché sont donc à prévoir.
Lorsque la cause de l’insulinorésistance ne peut être éliminée (pancréatite chronique, maladie rénale chronique), une augmentation de la dose d’insuline peut permettre, dans certains cas, de surpasser la résistance tissulaire périphérique à l’insuline.
Cependant, dans certains cas, les besoins en insuline varient en fonction de l’activité de la maladie sous-jacente (pancréatite chronique, notamment) [6]. Le contrôle du diabète s’avère alors très difficile, nécessitant un suivi glycémique rapproché par les propriétaires à la maison.
Le contrôle du diabète sucré chez le chien et le chat repose sur une prise en charge rigoureuse et individualisée. Elle requiert une bonne éducation du propriétaire, qui joue un rôle clé dans la réussite du traitement. Face à un animal diabétique non contrôlé, la réalisation de courbes de glycémie fréquentes est incontournable. L’apparition sur le marché de nouveaux dispositifs de suivi glycémique pourrait faciliter la mise en œuvre de ce suivi dans les années à venir, et ainsi améliorer la prise en charge des animaux diabétiques.
(1) Voir l’article « Polydysendocrinie de diœstrus chez la chienne » de J. Korchia, dans ce numéro.
(2) Voir l’article « L’obésité : une maladie inflammatoire et métabolique grave » d’A. Drut, dans ce numéro.
Aucun.
→ Le contrôle du poids est un élément clé du suivi de l’animal diabétique.
→ La réalisation d’une courbe de glycémie est incontournable lorsque le diabète n’est pas contrôlé. La fructosamine peut apporter des informations importantes, mais n’est pas suffisante seule.
→ Une cause fréquente de mauvais contrôle du diabète est une durée d’action inadéquate de l’insuline.
→ Une insulinorésistance est à envisager si la dose d’insuline doit être augmentée au-delà de 1 UI/kg deux fois par jour.
ENCADRÉ 1
Glucotoxicité et rémission lors de diabète félin
Le diabète sucré du chat s’apparente, dans une large majorité de cas, à un diabète de type 2 : il repose d’une part sur une diminution de la capacité de sécrétion d’insuline par les cellules β des îlots de Langerhans, d’autre part sur l’installation d’une insulinorésistance. Or l’apparition d’une hyperglycémie contribue elle-même au dysfonctionnement pancréatique : cela correspond à la notion de glucotoxicité. Ce processus de glucotoxicité est progressif : initialement réversible, il peut évoluer jusqu’à une apoptose des cellules β, voire une altération irréversible et permanente de la sécrétion d’insuline.
De ce concept découle la notion de rémission. Si les facteurs d’insulinorésistance présents chez l’individu sont corrigés et que l’hyperglycémie peut être contrôlée avant que la glucotoxicité n’induise des lésions pancréatiques irréversibles, une récupération fonctionnelle des cellules β peut être observée, conduisant à un retour à l’euglycémie sans apport exogène d’insuline et à une rémission clinique.
La rémission survient généralement dans les premiers mois suivant le diagnostic, lorsqu’un contrôle glycémique assez strict est obtenu. Elle se manifeste par une diminution progressive des besoins en insuline, d’où la survenue fréquente d’hypoglycémie. La dose d’insuline doit être très progressivement diminuée. Un arrêt prématuré de l’insulinothérapie aboutit généralement à une rechute.
Les dispositifs de monitoring continu de la glycémie sont munis d’un capteur sous-cutané relié à un système d’enregistrement fixé au dos de l’animal, mesurant le glucose interstitiel, corrélé à la glycémie. Ces systèmes permettent donc d’obtenir un suivi glycémique continu pendant des durées prolongées (jusqu’à 72 heures).
Des épisodes ponctuels d’hypoglycémie peuvent ainsi être détectés et la prise de décision thérapeutique est facilitée. Ces dispositifs humains ont un coût élevé (autour de 5 000 €) et présentent certaines limites : la glycémie n’est mesurée qu’entre 0,4 et 4 g/l et une calibration est requise toutes les 12 heures.
Un nouveau système de suivi glycémique a récemment été commercialisé chez l’homme (FreeStyle Libre, Abbott laboratories) pour un monitoring glycémique continu (photos 2a à 2d). Il est plus pratique que les systèmes précédents : le détecteur est une simple pastille placée sur la peau, reliée à un petit cathéter sous-cutané mesurant le glucose interstitiel. Un lecteur portatif (format de glucomètre standard) affiche les valeurs de glycémie lorsqu’il scanne le détecteur (un smartphone peut être utilisé comme lecteur). Aucune calibration n’est requise. L’intervalle de mesure est plus large qu’avec les autres dispositifs (0,2 à 5 g/l).
Ce système a montré une corrélation satisfaisante avec la méthode de référence chez le chien diabétique, mais n’est pas encore validé chez le chat [2]. D’un coût assez modique, ce dispositif pourrait devenir un outil appréciable dans la prise en charge de nos animaux diabétiques, en facilitant le suivi glycémique.
L’effet Somogyi correspond à une hyperglycémie rebond survenant à la suite d’une hypoglycémie ou d’une diminution trop rapide de la glycémie après injection d’insuline. Il est dû à la libération d’hormones hyperglycémiantes (glucagon, catécholamines, cortisol) induisant une résistance à l’insuline qui peut persister durant 24 à 72 heures. Les signes d’hypoglycémie sont rarement constatés. La clinique reflète plutôt une hyperglycémie marquée à très marquée, persistante.
L’effet Somogyi est généralement rencontré lorsque la durée d’action de l’insuline est insuffisante et que sa dose est augmentée en raison d’une hyperglycémie persistante. Il doit être envisagé en présence de signes cliniques persistants avec un dosage d’insuline excédant 1 UI/kg par injection, mais peut aussi survenir avec des doses moindres. L’effet Somogyi constitue donc un différentiel à considérer lorsqu’une insulinorésistance est suspectée, notamment si la dose d’insuline a été augmentée assez rapidement, sans suivi glycémique rapproché.