Exploration endocrinienne : la face cachée de l’iceberg - Ma revue n° 018 du 01/01/2018 - Le Point Vétérinaire.fr
Ma revue n° 018 du 01/01/2018

INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS EN ENDOCRINOLOGIE

Moderniser l’endocrinologie clinique

Auteur(s) : Laetitia Jaillardon

Fonctions : École nationale vétérinaire agroalimentaire
et de l’alimentation Nantes Atlantique-Oniris
LDHVet-LabOniris
CS 50707
44307 Nantes Cedex 3

Un résultat biologique doit toujours s’interpréter en fonction de l’évaluation clinique. Cependant, cette démarche diagnostique est particulièrement compliquée lorsqu’il s’agit d’endocrinologie, en particulier quand il est question d’animaux âgés atteints de maladies intercurrentes.

L’interprétation des résultats biologiques en endocrinologie est délicate pour plusieurs raisons. Le praticien doit raisonner en ayant constamment une approche globale, puisque l’organisme met en œuvre des mécanismes compensatoires (endocrinien, nerveux ou immunitaire, notamment) dès qu’un système est déficient (endocrinien, mais aussi cardiorespiratoire, rénal, digestif, etc.). Cela complique nettement le raisonnement diagnostique. Les effets hormonaux sont variables d’un individu à l’autre, mais aussi chez un même individu selon son état physiologique ou les maladies intercurrentes. De plus, les difficultés des dosages hormonaux, inhérentes aux techniques immunologiques, nécessitent une grande rigueur ou le recours à des laboratoires spécialisés et doivent être prises en compte(1).

PRÉREQUIS À CONNAÎTRE

1. Rappels

Une hormone est une molécule synthétisée par des cellules spécialisées, puis sécrétée à des doses infimes (10-9 à 10-12 mol/l). Elle agit sur des cellules cibles (caractérisées par des récepteurs spécifiques) très variées, dans l’objectif de diriger, de coordonner et d’harmoniser les activités des organismes.

Les cellules spécialisées synthétisant et sécrétant les hormones peuvent être groupées en îlots (pancréas, testicules), en organes (thyroïdes) ou disséminées (tube digestif). Pour cette dernière catégorie, il est question de système endocrinien diffus.

Les hormones sont stéroïdiennes ou peptidiques (tableau). Elles ont des récepteurs nucléaires ou membranaires, mais toutes ont un effet nucléaire.

2. Synthèse hormonale

La synthèse des hormones est différente selon leur structure.

Hormones stéroïdes

Les hormones stéroïdes ne sont pas stockées et sont sécrétées au fur et à mesure sous la dépendance d’autres hormones, à partir du cholestérol. La synthèse et la sécrétion ont donc lieu en quelques minutes. Il existe aussi des effets retardés, à la suite de la stimulation ou de l’inhibition de la transcription de gènes codant pour diverses protéines ou enzymes. C’est pourquoi les stéroïdes peuvent entraîner des modifications prolongées de l’activité cellulaire sur plusieurs jours, voire plusieurs semaines (effet dit anabolisant).

Hormones peptidiques

La synthèse des hormones peptidiques est différente. Leur synthèse, cytoplasmique après transcription, est plus ou moins permanente. Ces hormones sont stockées sous forme de prohormones inactives dans les vésicules de Golgi. Sous l’influence d’un signal nerveux ou hormonal, les vésicules de Golgi s’extériorisent et libèrent les prohormones qui sont simultanément clivées en hormones actives. Selon la nature du signal, le clivage peut être différent et aboutir à d’autres hormones (par exemple, la pro-opiomélanocortine [POMC] donne notamment l’ACTH et les melanocyte-stimulating hormones [MSH]), voire des antagonistes (par exemple, l’inhibine et l’activine, issus d’un même peptide, sont respectivement un inhibiteur et un stimulateur de la FSH).

3. Modes d’action des hormones

Endocrine, paracrine, autocrine

Les hormones sont synthétisées par une cellule dite émettrice (figure 1). Elles sont ensuite transportées vers les cellules cibles (réceptrices) par trois modes d’action :

- endocrine : l’émetteur et le récepteur sont à distance. Le transport s’effectue par le sang vers plusieurs organes, ce qui assure l’harmonisation des activités de l’organisme ;

- paracrine : l’émetteur et le récepteur sont proches. Cela assure l’activité d’un organe. Il s’agit, par exemple, de l’action de l’insuline des cellules b du pancréas sur les cellules a sécrétant du glucagon ;

- autocrine : la cellule productrice est à la fois l’émetteur et le récepteur. Il s’agit, par exemple, des cellules cancéreuses capables de sécréter une hormone tout en exprimant les récepteurs, assurant notamment la croissance du processus cancéreux.

Modes d’action dépendants de la solubilité

Les hormones lipophiles (stéroïdes, hormones thyroïdiennes et rétinoïdes = vitamine A) traversent la membrane et agissent directement sur le noyau où elles stimulent ou inhibent la transcription génique de protéines, essentiellement des enzymes, dont les activités correspondent aux effets hormonaux (figure 2). Les autres hormones se fixent sur des récepteurs membranaires. Cela déclenche une cascade de signalisation qui fait intervenir de nombreux messagers intracellulaires (AMP cyclique, calcium) et des kinases (enzymes catalysant des réactions de phosphorylation) à l’origine d’actions cellulaires immédiates et nucléaires (comme les lipophiles) retardées. Par exemple, la fixation de l’insuline à son récepteur membranaire entraîne très rapidement l’ouverture des canaux à glucose afin que ce dernier entre dans les cellules, puis la transcription de gènes à l’origine d’un effet trophique.

Effets coordonnés et harmonisés

L’organisme est capable de parvenir à une action ciblée car les effets sont coordonnés et harmonisés dans le temps. Par exemple au cours de la gestation, certaines hormones telles que la progestérone puis l’œstradiol entraînent la synthèse des récepteurs utérins et mammaires nécessaires aux actions ultérieures de l’ocytocine et de la prolactine, sécrétées au moment du part et de la lactation. Grâce à l’interdépendance de l’action hormonale, dès qu’un élément (hormone, récepteur, messager intracellulaire, composant d’une voie de signalisation) est défaillant, l’organisme a des solutions d’adaptation. Cela signifie que :

- plusieurs hormones sont capables d’agir sur le même récepteur ;

- une hormone peut agir sur différents récepteurs afin de produire des effets différents mais complémentaires ;

- plusieurs récepteurs sont capables d’intervenir sur le même messager intracellulaire ;

- plusieurs messagers intracellulaires sont capables d’opérer sur la même voie de signalisation ;

-  plusieurs voies de signalisation sont capables d’induire les mêmes effets.

En conséquence, quand un organe est lésé, le système s’organise pour compenser sa défaillance. En corolaire, cela provoque aussi d’autres effets secondaires plus ou moins délétères pour l’animal. Par exemple, une inflammation occasionne une hypersécrétion salutaire de cortisol. Ce dernier a des effets métaboliques sur le foie, augmente la pression artérielle et, dans le cas de processus chroniques, détériore l’état de la peau et déprime l’immunité(2).

NOTIONS D’INTERACTIONS HORMONALES

1. Organisation générale

Un signal pour aboutir à l’effet souhaité

La régulation du système endocrinien est complexe en raison des nombreuses interactions qui existent entre les différents systèmes (endocrinien, nerveux et immunitaire). C’est pourquoi la notion d’“axes” endocriniens délimités et indépendants est obsolète. Cependant, l’organisation générale peut être résumée simplement : à la suite d’un signal (nerveux, hormonal ou immunitaire), tout est mis en œuvre pour aboutir à l’effet souhaité (y compris l’induction d’effets complémentaires associés), par la sécrétion de molécules diverses (hormones, cytokines, etc.). Une fois les effets souhaités produits, ces molécules inhibent leur propre sécrétion et les facteurs à l’origine de leur sécrétion.

Stimuli agissant sur le système nerveux central

De nombreux stimuli agissent sur le système nerveux central, entraînant la sécrétion de nombreux neurotransmetteurs qui agissent à leur tour sur l’hypothalamus et l’hypophyse. Il peut s’agir de stimuli internes tels que l’état de santé de l’animal, l’embonpoint, la croissance, la reproduction, etc., et/ou de stimuli externes comme la saison, l’environnement, l’état sexuel des animaux voisins, des conditions stressantes, etc. Les hormones hypothalamiques, hypophysaires et périphériques exercent des rétrocontrôles négatifs à tous les niveaux. Ainsi, chaque effet est capable d’inhiber les systèmes qui l’induisent, ce qui permet à l’organisme de maintenir son homéostasie.

Système immunitaire et activité endocrinienne

Les cellules immunitaires peuvent interagir directement sur l’activité endocrinienne en sécrétant des hormones (encadré 1) [4].

En conséquence, toute perturbation du système immunitaire (en particulier lors d’inflammation) a des retentissements sur toutes les fonctions endocrines [7]. Ainsi, la régulation hormonale diffère selon l’état du système immunitaire. Par exemple, dans le cas de maladies chroniques, l’inflammation active des facteurs immunitaires (IL1, IL6, TNFα) qui entraînent un hypercortisolisme et une hypothyroïdie, elles-mêmes responsables d’une aggravation potentielle de la maladie à moyen terme (par exemple l’atopie).

Des signes cliniques non pathognomoniques

Toutes ces interactions expliquent que les signes cliniques associés aux endocrinopathies ne sont pas aussi pathognomoniques que dans les descriptions anciennes, faites à propos de jeunes animaux, chez lesquels le tableau clinique résultait d’une lésion primitive d’une glande endocrine (atrophie thyroïdienne, par exemple). En effet, la durée de vie des carnivores domestiques a beaucoup augmenté en 20 ans et désormais des dysfonctionnements organiques multiples et concomitants sont observés chez les animaux vieillissants (photo 1). Toute lésion entraîne des modifications des régulations hormonales, nerveuses ou immunitaires avec d’autres perturbations compensatrices à l’origine de déséquilibres neurohormonaux ou immunitaires dont les effets cumulés sont très variés, non systématiques et très dépendants de l’individu et de son historique médical.

2. Effets sur les tissus cibles

Une cellule cible est une cellule possédant un récepteur sur lequel l’hormone peut se fixer. Le nombre de récepteurs est une notion indispensable à prendre en compte : en effet, une hormone ne peut agir sans récepteur. C’est donc le nombre de récepteurs qui conditionne l’effet d’une hormone (par exemple, la baisse du nombre de récepteurs à l’insuline empêche son action ; il est alors question d’insulinorésistance). Selon le nombre de récepteurs dans un tissu cible, une hormone a un effet faible ou augmenté. Ce nombre peut résulter de l’action d’une autre hormone (photo 2). Par exemple : l’œstradiol augmente les récepteurs à la prolactine et diminue ceux de la testostérone, les hormones thyroïdiennes augmentent les récepteurs β-adrénergiques.

La nature des tissus cibles peut induire différents effets d’un même signal hormonal. Par exemple, l’ADH (hormone antidiurétique ou vasopressine) agit sur les néphrocytes en entraînant la réabsorption d’eau, sur les cellules corticotropes hypophysaires en stimulant la production d’ACTH et sur les hépatocytes en conduisant à la production de glucose [2].

De plus, pour qu’une hormone puisse atteindre les récepteurs des tissus cibles, elle doit être libre de s’y fixer : cela souligne le rôle des protéines transporteuses sur les effets hormonaux [6]. Par exemple, les stéroïdes (cortisol et hormones sexuelles) ont des protéines transporteuses communes : la cortisol-binding globulin (CBG) pour la progestérone et les glucocorticoïdes : la sex-binding protein (SBP) pour les œstrogènes et les androgènes [1]. La conséquence principale est le risque de libération excessive d’hormones libres si un des stéroïdes est en excès : ainsi, un traitement progestatif provoque dans un premier temps un hypercortisolisme, par augmentation du cortisol libre, suivi d’un hypocortisolisme dû au rétrocontrôle sur le complexe hypothalamo-hypophysaire. Un traitement glucocorticoïde a un effet progestatif et un traitement aux androgènes entraîne aussi un effet œstrogénique.

EXPLORATION ENDOCRINIENNE : UN CHALLENGE DIAGNOSTIQUE

1. Prérequis

La stratégie diagnostique en endocrinologie doit tenir compte des nombreuses interactions hormonales. En effet, si les tests diagnostiques sont mal choisis, il est possible que la dysendocrinie primaire, ou une affection non endocrinienne, puisse ne pas être diagnostiquée, au profit de la confirmation d’une dysendocrinie secondaire. Ce mauvais diagnostic peut être à l’origine d’un échec thérapeutique ou d’une récidive (encadré 2, figure 3).

Pour établir un diagnostic, un recueil rigoureux de l’anamnèse est nécessaire, notamment en ce qui concerne la fonction gonadique et les traitements hormonaux (y compris les présentations topiques), dont ceux reçus par l’entourage de l’animal, susceptibles de lui être transmis par léchage ou sudation. Puis un examen clinique minutieux est réalisé. Ce dernier intègre la réalisation de tests biologiques classiques, qui peuvent orienter le diagnostic, et le choix des tests endocriniens. Dans la mesure du possible, les dosages doivent être réalisés avant tout traitement et leur multiplication va permettre de caractériser au mieux la ou les dysendocrinies. En pratique, cela peut présenter des difficultés (coût, quantité de sang prélevé, nécessité de répondre à l’urgence de la demande, etc.).

2. Analogues hormonaux : des traitements loin d’être anodins

Lors du recours à des analogues hormonaux, les doses sont beaucoup plus fortes que les sécrétions physiologiques d’hormones endogènes (mg/kg versus µg ou ng/kg). En dehors des effets conformes aux autorisations de mise sur le marché, ils ont des conséquences multiples et imprévisibles sur l’ensemble du système neuro-immuno-endocrinien, en particulier chez un animal malade présentant fréquemment des anomalies des protéines de transport ou des modifications des récepteurs dans les tissus cibles. Ces actions difficilement prévisibles sont particulièrement redoutables pour les formes retards (composés estérifiés par des acides gras de haut poids moléculaire, comme certains corticoïdes et neuroleptiques, ou protégés vis-à-vis des dégradations enzymatiques par diverses modifications chimiques).

L’intensité de l’action d’un analogue hormonal dépend, comme pour les hormones endogènes, des protéines de transport et du nombre de récepteurs présents dans les tissus cibles.

La saturation des protéines transporteuses permet d’assurer une disponibilité progressive pour les tissus cibles. Par exemple, administrer la dose quotidienne des analogues thyroïdiens une seule fois par jour peut permettre une meilleure efficacité thérapeutique, en accroissant la concentration d’hormones libres, accessibles aux récepteurs membranaires.

L’effet d’un analogue hormonal est nul ou quasi absent si le nombre de récepteurs est faible. Par exemple, l’administration d’insuline chez un animal insulinorésistant n’a que peu ou pas d’effet. À l’inverse, cet effet est amplifié et peut être dangereux si le nombre de récepteurs est élevé. Par exemple, une administration de progestagènes contraceptifs peut être très délétère chez une femelle atteinte de tumeurs mammaires.

L’administration d’analogues hormonaux ne permet pas d’obtenir électivement le seul effet souhaité, car leur action se décline sur plusieurs tissus cibles en même temps. C’est, par exemple, le cas des corticoïdes qui présentent des effets anti-inflammatoires, mais également métaboliques et contraceptifs. Cette multitude d’effets, imprévisibles, est à considérer dès qu’un traitement hormonal est administré. Une surveillance clinique (plus ou moins biologique) à moyen terme est nécessaire, en particulier lors de traitement par des stéroïdes, car le recours à ce type de traitement n’est pas dénué de risque.

3. Stratégie diagnostique en endocrinologie

Rythmes nycthéméraux et sécrétions pulsatiles

Les sécrétions hormonales sont régulées en permanence selon les effets qu’elles produisent. Elles sont donc libérées de façon pulsatile et obéissent à de nombreux rythmes, plus ou moins entremêlés (nycthéméral, journalier, saisonnier, etc.). Cela implique des fluctuations très importantes chez l’animal aussi bien sain que malade. Si un prélèvement unique est réalisé, à n’importe quel moment de la journée, il est difficile de distinguer le pic de sécrétion d’un animal sain de la valeur faible d’un animal atteint d’une hyperréactivité. Une valeur unique peut être difficile à interpréter. Il existe deux possibilités pour contourner cette difficulté :

- faire plusieurs prélèvements pendant la journée : peu pratique en clientèle et augmentation du coût. Toutefois, cela peut être indispensable pour l’interprétation de certains dosages (par exemple, la T4 mesurée deux fois à 1 heure d’intervalle ; l’insuline mesurée au moins quatre fois dans la journée à 1 à 2 heures d’intervalle) ;

- stimuler ou inhiber la glande pour obtenir la valeur la plus haute ou la plus basse : courant en pratique vétérinaire. En général, un analogue hormonal qui module l’activité endocrine est injecté. Si la molécule injectée stimule, la mesure est celle de la sécrétion maximale. Si elle inhibe, la mesure est celle de la sécrétion minimale. Lors de ces tests d’exploration, une très forte dose de ­substance qui freine ou active la sécrétion d’une hormone est injectée. L’action est donc grossièrement celle d’un seul facteur qui masque provisoirement les interactions physiologiques, ce qui n’est pas idéal. De plus, ces protocoles de freinage ou de stimulation sont loin d’être au point pour toutes les fonctions endocrines et toutes les espèces. Les médicaments utilisés sont parfois en rupture de stock sur de longues périodes (exemple : rupture du Synacthène®(3) entre janvier 2013 et juillet 2014). La raison de la rupture de stock est que ce type de test est peu réalisé en médecine humaine, car l’imagerie est beaucoup plus développée, et l’éthique ne peut accepter le moindre risque lié à une administration d’analogues hormonaux.

Effets variables sur les tissus cibles

En raison des très nombreuses interactions systémiques et de la variabilité des effets hormonaux sur les tissus cibles, une même sécrétion hormonale peut avoir une diversité et une intensité d’action très différentes d’un individu à l’autre, et aussi chez un même individu à des moments différents. Cela explique que l’expression clinique d’une endocrino­pathie puisse être très variable. Les signes cliniques observés constituent la somme des effets : ceux de l’anomalie endocrine primaire, ceux des anomalies neuro-endocriniennes induites associées aux réceptivités tissulaires variables (récepteurs, protéines transporteuses, nature des tissus et affections préexistantes, etc.). Il est alors aisé de déceler une apparente dysendocrinie, qui n’est que la conséquence d’une autre affection primitive (par exemple, l’hypercortisolisme) lors de toute maladie chronique sévère.

Étant donné la variation d’effets d’une hormone selon la nature du tissu cible, un même signe clinique peut avoir des origines hormonales contraires (encadré 3).

En raison du rôle considérable joué par les protéines de transport sur l’action hormonale, il est indispensable d’évaluer la protéinémie et l’albuminémie lors d’une analyse biologique précédant tout dosage hormonal ou l’administration d’un analogue hormonal, afin d’évaluer et de prévenir l’intensité des effets hormonaux.

Effet du stress

Le stress (organique ou comportemental) est indispensable à prendre en compte dans l’interprétation des dosages hormonaux [3]. Les dosages les plus impactés sont ceux des hormones directement impliquées dans la réaction au stress : le cortisol, la thyroxine et la prolactine. Dans tous les cas, le stress accroît leur sécrétion, 20 à 70 minutes après le début du stress. Il s’ensuit une baisse due au rétrocontrôle [5]. Cependant, le début du stress est difficile à déterminer (départ de la maison, salle d’attente, vue du vétérinaire, prélèvement ?) et peut être entretenu (mise en cage, soins intensifs) (photo 3). Son effet est donc à la fois important et difficile à apprécier. En revanche, il est possible de le limiter par le recours à de bonnes pratiques, en effectuant les tests dans de bonnes conditions, en évitant de procéder à un dosage du cortisol quelques jours après un fort stress (comme une intervention chirurgicale), et surtout d’en tenir compte pour l’interprétation.

Conclusion

Il est impossible de définir et de prédire quantitativement et qualitativement un effet hormonal, compte tenu notamment des nombreuses interactions qui existent entre les systèmes endocrinien, nerveux et immunitaire, mais également de la variabilité inter- et intra-individuelle en termes d’action hormonale. L’exploration endocrinienne est complexe et doit prendre en considération l’ensemble des paramètres anamnestiques, cliniques et biologiques pour une interprétation optimale, afin de différencier les dysendocrinies primaires, probablement surdiagnostiquées, et les dysendocrinies fonctionnelles, certainement beaucoup plus fréquentes. Ces dernières peuvent être intéressantes à traiter dans certains cas, après un examen attentif du rapport bénéfices/risques, en particulier pour garantir l’état, voire le confort, de l’animal et de son propriétaire, et pour diminuer les conséquences néfastes de certaines dérégulations hormonales chroniques.

  • (1) Voir l’article “Interprétation des résultats en endocrinologie : prérequis techniques” de B. Rannou, dans ce numéro.

  • (2) Voir les articles “Effet du stress sur les fonctions endocrines” de N. Soetart et “Conséquences d’un hypercortisolisme chronique chez le chien” d’É. Krafft, dans ce numéro.

  • (3) Médicament humain.

Références

  • 1. Andreassen TK. The role of plasma-binding proteins in the cellular uptake of lipophilic vitamins and steroids. Horm. Metab. Res. 2006;38 (4):279-290.
  • 2. Bankir L, Bichet DG, Morgenthaler NG. Vasopressin : physiology, assessment and osmosensation. J. Intern. Med. 2017;282 (4):284-297.
  • 3. Charmandari E, Tsigos C, Chrousos G. Endocrinology of the stress response. Ann. Rev. Physiol. 2005;67:259-284.
  • 4. Csaba G. The immuno-endocrine system : hormones, receptors and endocrine function of immune cells. The packed-transport theory. Adv. Neuroimmune Biol. 2011;1:71-85.
  • 5. Franzini de Souza CC, Maccariello CE, Dias DP et coll. Autonomic endocrine and behavioural responses to thunder in laboratory and companion dogs. Physiol. Behav. 2017;169:208-215.
  • 6. Janssen ST, Janssen OE. Directional thyroid hormone distribution via the blood stream to target sites. Mol. Cell. Endocrinol. 2017;458:16-21.
  • 7. Turnbull AV et coll. Regulation of the hypothalamic-pituitary-adrenal axis by cytokines : actions and mechanisms of action. Physiol. Rev. 1999;79 (1):1-71.

Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ 1 Exemple de quelques hormones sécrétées par des cellules immunitaires

Lymphocytes B : ACTH et β-endorphine.

Lymphocytes T : hormone de croissance, TSH, prolactine.

Macrophages : prolactine, somatostatine, vasoactive intestinal peptide.

ENCADRÉ 2 Challenge diagnostique de l’exploration endocrinienne

Une maladie endocrine (1) peut être le résultat d’une lésion endocrine primaire, comme de dérégulations hormonales observées lors de tout stress émotionnel ou organique. Les nombreuses interactions qui existent entre les différentes fonctions endocrines, mais aussi entre les systèmes endocrinien, nerveux et immunitaire (2) entraînent un bilan clinique et biologique variable (3). Les variations des sécrétions hormonales (4), la variabilité des effets hormonaux sur les tissus cibles (nombre de récepteurs, protéines transporteuses) (5) s’ajoutent à cette complexité. L’ensemble souligne les difficultés diagnostiques liées à l’exploration endocrinienne aboutissant à un enjeu thérapeutique considérable, puisque si les tests diagnostiques sont mal choisis et/ou mal interprétés, il est possible qu’une potentielle endocrinopathie primaire puisse ne pas être révélée au profit de la confirmation d’une endocrinopathie fonctionnelle, menant potentiellement à des échecs thérapeutiques et/ou des récidives (6).

Points forts

→ Une hormone ne peut agir sur une cellule qui n’a pas de récepteur (membranaire ou intracellulaire).

→ Les protéines de transport spécifiques ainsi que l’albumine conditionnent la libération des hormones lipophiles vers les tissus.

→ Toute modification des régulations hormonales, nerveuses ou immunitaires entraînent d’autres perturbations compensatrices à l’origine de déséquilibres neurohormonaux ou immunitaires, dont les effets cumulés sont très variés, non systématiques et très dépendants de l’individu et de son historique médical.

→ Les effets de l’administration d’un analogue hormonal, quel qu’il soit, sur un individu sont imprévisibles et doivent être surveillés.

ENCADRÉ 3 Exemple d’un signe clinique pouvant avoir des causes hormonales contraires

Une polyuro-polydypsie peut aussi bien être due à :

- un défaut d’ADH qui, lors de diabète insipide, entraîne une polyurie par diminution de la réabsorption d’eau au niveau rénal et induit secondairement une polydypsie ;

- un excès d’ADH qui, dans certaines maladies cardiopulmonaires, par son action hyperglycémiante (libération de glucose hépatique) et la stimulation de la production d’ACTH donc de cortisol induit une polydypsie entraînant secondairement une polyurie.

D’après [2].