REPRODUCTION CANINE
Moderniser l’endocrinologie clinique
Auteur(s) : Jérémie Korchia
Fonctions : 35, avenue de la Gare
94370 Sucy-en-Brie
Les multiples dérégulations hormonales et métaboliques secondaires au diœstrus sont regroupées dans ce qui se nomme la polydysendocrinie de diœstrus. Connaître sa physiopathologie et son exploration diagnostique est indispensable pour assurer une prise en charge rapide et efficace.
Physiologiquement, la chienne a la particularité de maintenir des corps jaunes actifs pendant 2 mois, qu’il y ait une gestation ou non (encadré). La chienne entière atteinte de diabète sucré (DS) peut manifester une aggravation des signes cliniques après les chaleurs, qui résulte d’une insulinorésistance accrue par le contexte hormonal du diœstrus. Dans certains cas, l’insulinorésistance de diœstrus peut également être responsable de l’apparition d’un diabète sucré et/ou de plusieurs autres dysendocrinies et désordres métaboliques associés. Ce syndrome, aujourd’hui connu sous le nom de polydysendocrinie de diœstrus (PDD), relève d’une physiopathologie complexe, liée à la production ovarienne de progestérone et à la production mammaire de GH directement induite par l’imprégnation progestative. Cela engendre une insulinorésistance systémique ainsi que de nombreuses autres perturbations hormonales, généralement réversibles en anœstrus, mais qui favorisent au long cours l’installation de dysendocrinies permanentes.
Dès les années 1980, des études montrent que l’administration de progestatifs chez la chienne s’accompagne de changements cliniques (grossissement des extrémités, écartement dentaire, etc.) et biologiques (augmentation de GH sanguine) évocateurs d’acromégalie, qui régressent à l’arrêt des progestatifs. Ces changements ont aussi été identifiés chez certaines chiennes en diœstrus (à forte imprégnation progestative physiologique) et régressent également avec l’effondrement de la progestérone (soit en fin de diœstrus, soit après la stérilisation) [2, 5, 19].
Cette hypersécrétion transitoire de gh en diœstrus chez la chienne est d’origine mammaire [20-23] et non hypophysaire. La synthèse de gh par les cellules du système neuroendocrinien diffus de la mamelle serait liée à la stimulation du gène codant pour la gh par la progestérone [15, 21]. La synthèse mammaire de gh s’accompagne de la sécrétion d’igfs, entraînant une prolifération des cellules mammaires et une activation de leur synthèse, favorisant la lactation [12, 20, 21, 23].
Étant donné les importantes similarités hormonales entre la gestation et le diœstrus chez la chienne, il est très probable que les mécanismes responsables d’insulinorésistance soient identiques.
Chez la chienne, l’administration répétée de progestatifs et d’œstradiol à des doses comparables à celles de la gestation chez la chienne provoque une insulinorésistance [1, 4].
Lors de la gestation chez la chienne, le métabolisme du glucose est profondément modifié pour satisfaire les besoins fœtaux. Cette modification passe notamment par le développement d’une insulinorésistance périphérique au niveau des muscles squelettiques striés et des adipocytes via un effet de la GH sur ces tissus, impactant le signal insulinique [1, 4]. En parallèle, un effet post-récepteur de la GH s’effectue également au niveau du pancréas et du foie, ayant pour effet respectivement de diminuer la production du glucagon et l’effet proglycémiant du glucagon (baisse de la néoglucogenèse et de la glycogénolyse). Globalement, il en résulte une tendance à l’hypoglycémie et, secondairement, une augmentation de la lipolyse, entraînant une mobilisation des acides gras des adipocytes vers le foie avec une tendance stéatosique et une production accrue de corps cétoniques pour restaurer une source d’énergie [11]. En fin de gestation, l’insulinorésistance est maximale, avec une réduction de la sensibilité à l’insuline d’environ 40 % [4].
Les mécanismes à l’origine de l’insulinorésistance observée lors de diœstrus chez la chienne sont comparables à ceux de la gestation : en effet, après l’œstrus, la chienne conserve une progestéronémie sanguine élevée pendant 2 mois, qu’elle soit gestante ou non [3]. L’insulinorésistance systémique peut induire le développement d’un diabète sucré.
Le diabète sucré de diœstrus chez la chienne est considéré comme appartenant à la catégorie des diabètes sucrés secondaires aux endocrinopathies (en anglais, PG-controlled gh overproduction diabetes mellitus) caractérisés par une insulinorésistance, au même titre que les diabètes d’hypersomatotropisme ou d’hypercorticisme [9]. Lorsqu’un diabète sucré survient en diœstrus, il se manifeste souvent juste après les chaleurs. Le principal signe d’appel est la polyuro-polydipsie (pupd), tandis que les signes cutanés sont quasiment absents. Ce n’est pas la dysendocrinie la plus fréquente : dans une étude de siliart et coll., Par exemple, seules 10 % des chiennes en pdd se sont révélées diabétiques et présentaient, pour la plupart d’entre elles, une double dérégulation des systèmes corticosurrénalien (hypercortisolisme) et thyroïdien (hypothyroxinémie) [24].
L’hyperprogestéronémie physiologique du diœstrus peut s’accompagner d’autres perturbations endocriniennes, en particulier d’un hypercortisolisme, pour deux raisons :
- par libération excessive de cortisol par compétition progestérone/cortisol sur une protéine de transport commune, la transcortine (ou CBG pour cortisol binding globulin) ; ces stéroïdes sont structurellement très proches car ils appartiennent à la même chaîne de synthèse à partir du cholestérol (figure 2 complémentaire sur http:\\www.lepointveterinaire.fr) ;
- par augmentation de l’ACTH, notamment en raison des alternances hypo/hyperglycémie.
L’excès de cortisol contribue à l’insulinorésistance par son effet hyperglycémiant ainsi que par un effet modulateur du signal insulinique (de façon similaire à la GH). De plus, il exerce un rétrocontrôle négatif sur l’axe hypothalamo-hypophysaire menant à une hypothyroïdie fonctionnelle secondaire.
Une étude rétrospective de Siliart et coll. menée sur 270 chiennes en PDD a montré :
- une hyperréactivité corticosurrénalienne dans 92,3 % des cas ;
- une association hyperréactivité corticosurrénalienne/hypothyroxinémie dans 36,2 % des cas ;
- une hypothyroxinémie isolée dans seulement 4,6 % des cas.
Les chiennes recontrôlées en anœstrus présentaient une normalisation de la thyroxinémie et de la cortisolémie dans deux tiers des cas sans aucun traitement. Dans un tiers des cas, il persistait au moins une anomalie hormonale illustrant l’installation potentiellement irréversible de l’une et/ou l’autre de ces deux dysendocrinies (figure 3 complémentaire sur http:\\www.lepointveterinaire.fr) [24].
Une modélisation des dysendocrinies impliquées dans la PDD est proposée (figure 4).
Bien que les études rapportent un âge tardif de dépistage de la PDD (après 8 ans), il est fort probable que cela corresponde à une émergence de la gravité de cette maladie [6, 24]. En effet, les dérégulations hormonales et métaboliques en diœstrus sont progressives et s’aggravent potentiellement à chaque cycle, devenant de plus en plus visibles cliniquement et encourageant le propriétaire à consulter.
Un très grand nombre de races est probablement concerné par la PDD, avec néanmoins une prédisposition du caniche, du teckel, du cocker et du chien d’élan norvégien [7, 13, 24].
Chez les races de grand format ou celles dont la sélection ces dernières décennies a favorisé les types lourds (labrador retriever, par exemple) en lien avec une production physiologique d’IGF-1 particulièrement élevée, il est probable que les dérégulations hormonales et métaboliques liées au diœstrus soient précocement détectables (à partir de 2 ans) et persistent en anœstrus plus tôt dans la vie de l’animal [17].
Les études publiées rapportent un délai d’apparition des signes cliniques du diabète de diœstrus de 3 à 5 semaines (3,5 semaines en moyenne) postœstrus, contre 6 à 12 semaines (7,5 semaines en moyenne) après une injection de progestatif [5]. La consultation peut cependant survenir de façon plus tardive suivant les signes cliniques et l’inquiétude du propriétaire.
Les signes cutanés, tous types confondus, sont présents dans 93 % des cas. Ces signes motivent souvent la consultation, en particulier lorsqu’ils s’accompagnent d’une perte de poils brutale.
La peau s’épaissit quand les signes sont chroniques, tandis qu’elle s’affine lorsque les signes sont récents ou récidivants. La dépilation est présente quelle que soit la chronologie d’apparition des signes cutanés [24].
La PUPD se révèle le principal signe d’appel dans 51 % des cas, en particulier lorsque les signes sont récents ou récidivants [24].
Une prise de poids conséquente se produit chez un tiers des chiennes [24].
Une adénomatose mammaire peut survenir en relation avec l’hypersomatotropisme, surtout chez les races lourdes (photos 1 et 2) [14]. Elle s’apparente à la mastose de la chatte [14].
Enfin, quelques sources relatent la survenue de symptômes respiratoires dans de rares cas [8, 24]. Il s’agit d’une fatigabilité à l’effort voire au repos, en lien avec l’effet hypertrophique de la GH sur les tissus mous orolaryngés, pouvant parfois entraîner un stridor. Les signes respiratoires disparaîtraient dans le mois suivant l’ovariohystérectomie.
La physiopathologie complexe et variable en fonction des individus explique pourquoi le tableau clinique est protéiforme : celui-ci dépend de la dysendocrinie dominante et des effets complexes, cumulatifs et/ou compensatoires, lors de l’association de plusieurs dysendocrinies.
Les signes biochimiques les plus souvent observés sont :
- une hypercholestérolémie d’environ 3,5 g/l en moyenne, dans près de 90 % des cas, à relier à l’hypercortisolisme et à l’hypothyroïdie ;
- une augmentation de l’activité des phosphatases alcalines supérieure à 200 U/l dans environ deux tiers des cas (au-delà de 500 U/l dans un tiers des cas), à relier à l’hypercortisolisme ;
- une hyperglycémie dans près de 90 % des cas, légère (supérieure à 1,2 g/l) en grande majorité, ne dépassant 2 g/l que dans 20 % des cas. L’hyperglycémie reste subclinique quand les signes sont anciens. Les diabètes sucrés isolés et graves sont rares et plutôt d’apparition soudaine, juste après les chaleurs [24].
Chez une chienne entière présentant des signes évocateurs de PDD dans un délai de 2 mois après les chaleurs, il peut être intéressant de réaliser un bilan endocrinologique. Il est destiné à confirmer la PDD, ou du moins à mettre en évidence une ou plusieurs perturbations endocriniennes pour raisonner le traitement le plus adéquat. En outre, les signes cliniques de PDD peuvent s’aggraver tout au long des 2 mois de diœstrus et se révéler les plus marqués en fin de diœstrus, voire en début d’anœstrus (décidant le propriétaire à consulter à ce moment-là), alors que paradoxalement les dysendocrinies (en ce qui concerne les concentrations hormonales) s’améliorent en fin de cycle. Ce décalage entre le pic des dysendocrinies impliquées et le pic des signes cliniques est un écueil dont le praticien doit être averti.
Chez une chienne montrant des signes douteux de PDD, un bilan peut servir de référence pour dépister précocement une éventuelle aggravation au cours des cycles suivants (IGF-1 en cas de signes frustes de PDD, +/- progestérone en cas de doute sur le diœstrus).
L’hyperprogestéronémie (surtout observable dans le cas d’une polyovulation ou de kystes lutéaux) n’est présente que dans 45 % des cas, autrement dit la progestéronémie est normale dans plus de la moitié des cas (55 %). En revanche, les jeunes chiennes affectées (ce qui reste rare) sont typiquement en hyperprogestéronémie [24]. Quoi qu’il en soit, la progestéronémie dans les limites physiologiques du diœstrus reste une valeur élevée de façon absolue et peut avoir des effets systémiques délétères.
À l’heure actuelle, la GH n’est pas dosable en routine chez la chienne. En revanche, il est possible de mesurer de façon fiable IGF-1, le facteur hormonal dont elle induit la synthèse, ce qui permet de dépister une anomalie du système somatotrope. Lors de PDD, une augmentation anormale de GH et donc d’IGF-1 est mise en évidence.
Idéalement, l’insulinémie et la glycémie concomitante sont réalisées à jeun et 60 à 90 minutes en phase postprandiale. Ensemble, elles permettent d’évaluer correctement l’insulinorésistance, et donc de caractériser un diabète sucré d’insulinorésistance (ou bien de potentiellement dépister un état prédiabétique à surveiller, suivant la sévérité des valeurs et de la clinique associée) [5, 16]. En pratique, après le prélèvement, la glycémie est mesurée sur place (pour des raisons de fiabilité du résultat) et transmise au laboratoire d’analyse qui dose l’insuline. Si plusieurs prises de sang sont effectuées dans la journée, chacune doit fait l’objet d’une glycémie propre et il est capital de fournir au laboratoire la glycémie correspondant précisément à chaque prise de sang.
Environ un tiers des chiennes en PDD sont en hypothyroxinémie, en grande majorité associée à un trouble mixte corticothyroïdien [24]. Ces troubles sont fonctionnels, au moins en partie secondaires à la PDD, et ont toutes les chances de régresser une fois la PDD correctement prise en charge. Elles ne sont donc pas à traiter d’emblée. L’intérêt de les identifier est de vérifier leur régression environ 1 mois postovariectomie (ou hystérectomie) ou anœstrus. En cas d’hypothyroïdie persistante malgré la stérilisation ou le passage en anœstrus, surtout si les signes cliniques persistent (apathie, surpoids, signes cutanés), il est nécessaire de la traiter, au moins jusqu’à régression des signes(1).
Plus de 90 % des chiennes en PDD ont une hyperréactivité corticosurrénalienne associée [24]. La conduite à tenir est la même que pour l’hypothyroïdie : l’identifier et vérifier sa disparition après stérilisation ou en anœstrus (au minimum 2 mois après la fin du diœstrus). Ce n’est pas une indication classique pour le traitement médical en première intention car cette hyperréactivité est fonctionnelle et réversible, à condition d’en éliminer la cause. Cependant, si cet hypercortisolisme s’avère important, il est possible de traiter de façon transitoire au trilostane quelques semaines à dose faible (inférieure à 1 mg/kg/j), pour prévenir l’aggravation des conséquences de la maladie le temps que l’intervention chirurgicale mette un terme à l’imprégnation progestative. Cela ne doit pas être systématique. Il convient d’être vigilant, car ce traitement est associé à un risque particulier dans ce contexte où les chiennes présentent des risques accrus de développement de diabète sous trilostane (west highland white terrier, notamment), comme l’indiquent Jaillardon et coll. [10].
Une échographie abdominale est utile lors de PDD, en particulier lorsque la progestéronémie est particulièrement élevée. L’échographie peut permettre d’identifier :
- un ou plusieurs corps jaunes ou kystes ou follicules ovariens ;
- parfois des kystes utérins en relation avec l’hyperplasie glandulokystique ;
- dans les cas les plus graves, une endométrite, voire un pyomètre, identifiable au remplissage liquidien des cornes utérines (photo 3) [8].
Quelles que soient la ou les dysendocrinies dépistées, l’ovariectomie ou l’ovariohystérectomie (à choisir selon l’état ou l’aspect de l’utérus) est le traitement à privilégier lors de PDD. En revanche, il est d’autant plus efficace que la stérilisation intervient précocement dans le développement de la maladie, c’est-à-dire dès les premiers cycles anormaux. Cependant, en pratique, cette intervention peut être délicate en cas de diabète. Elle peut également aggraver l’obésité.
Si un diabète sucré est diagnostiqué en diœstrus, il est préférable de le considérer par défaut comme un DS de diœstrus (surtout si la chienne est jeune) et de le traiter comme tel, quitte à le reconsidérer par la suite. En effet, le DS de diœstrus est, chez le chien, l’un des seuls à être réversible. Puisque ce diabète résulte d’une insulinorésistance, l’insulinothérapie peut avoir une efficacité limitée [7, 8]. En effet, la stérilisation, en supprimant les causes d’insulinorésistance, peut permettre la résolution du diabète sucré. Si les dysendocrinies perdurent, le diabète peut devenir insulinodépendant. C’est pourquoi, même si la balance bénéfice/risque n’est pas nettement en faveur d’un traitement chirurgical, la stérilisation est à privilégier en première intention si la condition générale de l’animal le permet, car l’activité ovarienne complique le traitement du diabète. Les études s’accordent sur le fait que la stérilisation est indispensable à tout espoir de rémission durable, et que la rapidité de sa mise en œuvre améliore le pronostic (figures 5 et 6 complémentaires sur http:\\www.lepointveterinaire.fr) [5, 6, 18].
Si une stérilisation est envisagée lors de diabète sucré de diœstrus, il peut être utile de stabiliser au mieux l’animal au moyen d’insuline (0,7 UI/kg matin et soir en induction) sur une courte période en péri-intervention. Cela améliore les conditions chirurgicales et prévient l’installation d’un diabète insulinodépendant en raison de la glucotoxicité : l’insulinothérapie pourrait en effet préserver l’intégrité des cellules β pancréatiques. Après l’intervention, l’insulinothérapie doit être particulièrement surveillée (mesures rapprochées de la fructosamine : toutes les 2 semaines) puisque la chienne passe d’un état d’insulinorésistance important à un état potentiellement non diabétique en 1 à 2 mois. En cas de baisse nette de la fructosamine (supérieure à 20 %), l’insulinothérapie est diminuée de moitié jusqu’à son arrêt complet.
Il est légitime de s’interroger, quant à la balance bénéfice/risque d’une stérilisation, sur la prise de poids des chiennes : l’acromégalie de diœstrus est-elle plus néfaste que la prise de poids poststérilisation d’un point de vue métabolique et endocrinien ? Il n’existe pas de réponse universelle, et cette décision est prise au cas par cas, notamment en fonction de l’âge de la chienne (plus une chienne est âgée, plus les dysendocrinies et les perturbations métaboliques associées au diœstrus ont des conséquences néfastes), ainsi que des autres dysendocrinies et des perturbations métaboliques et organiques mises en évidence au diagnostic de la PDD (hypercortisolisme, hypothyroxinémie, hypercholestérolémie, fonction hépatique altérée).
En pratique, la PDD est une raison de plus de proscrire la contraception par progestatifs chez la chienne. Il importe de sensibiliser les propriétaires, lors des consultations de médecine préventive, à une éventuelle progression ou, au contraire, régression de signes cliniques, tels que : signes cutanés, PUPD, prise de poids ou apathie après les chaleurs. La vigilance doit être accrue chez les races prédisposées - caniche, cocker, teckel - ou les races lourdes comme le labrador retriever [24].
En cas de consultation pour ces mêmes signes cliniques chez une chienne, la relation avec le cycle sexuel doit toujours être recherchée. En cas de doute, avant même une forte suspicion de PDD, si la chienne est en postœstrus, une exploration précoce est recommandée, avec des bilans biologique et endocrinologique. Le dépistage précoce de la PDD par le vétérinaire est fondamental, car il conditionne la prise en charge optimale avec potentiellement une guérison sans récidive, grâce à la stérilisation rapide.
En outre, la prévention de la PDD peut également passer par une stérilisation préventive des chiennes à risque (chiennes prenant de l’âge ou chiennes montrant des signes douteux), surtout si le risque d’obésité semble contrôlable (stériliser favorise la prise de poids, ce qui peut s’avérer problématique chez les races lourdes à forte sécrétion d’IGF-1).
En raison de son apparition souvent insidieuse, cycle après cycle, et de ses effets délétères sur l’ensemble de l’organisme, la polydysendocrinie de diœstrus mérite d’être systématiquement recherchée dès lors que la chienne suspecte est en diœstrus ou potentiellement en postœstrus. Son dépistage précoce, suivi de la stérilisation rapide, peut permettre une guérison des dysendocrinies impliquées : diabète sucré, hypercorticisme, hypothyroïdie et/ou acromégalie. Si le dépistage est plus tardif, il est néanmoins possible d’espérer une amélioration du ou des déséquilibres endocriniens. La surveillance des perturbations endocriniennes poststérilisation peut permettre d’alléger progressivement, voire d’arrêter les traitements, qu’ils soient à base d’insuline, de thyroxine ou de trilostane.
(1) Voir l’article « Hypothyroïdie fonctionnelle chez le chien : traiter ou non ? » de M. Campos, dans ce numéro.
Aucun.
Le cycle sexuel de la chienne est composé de quatre phases de durées variables suivant les individus (figure 1).
- Le prœstrus (de 3 à 20 jours en moyenne) correspond au début des chaleurs et commence typiquement avec l’écoulement séro-sanguinolent vulvaire, plus ou moins marqué, dû à la forte production d’œstradiol produite par le follicule.
- L’œstrus (de 10 jours en moyenne) correspond à la période d’acceptation du mâle, qui se produit autour du pic d’œstradiol, suivi du pic de LH, puis de l’ovulation peu après.
Remarques : la chienne a la particularité d’ovuler au stade ovocyte I (alors que les autres mammifères ovulent au stade ovocyte II). L’expulsion du deuxième globule polaire se fait plus tard dans l’oviducte, ce qui permet d’utiliser l’augmentation de progestérone pour repérer la période de fertilité, environ 4 à 7 jours après le pic de LH (chez les autres mammifères, lorsque la progestérone augmente, la période de fertilité est déjà passée). Le prœstrus et l’œstrus correspondent aux chaleurs proprement dites.
- Le métœstrus correspond à la production maximale de progestérone et, s’il n’y a pas eu fécondation, il est suivi du diœstrus (environ 2 mois en tout), caractérisé par la production de progestérone par le corps jaune (phase lutéale).
Remarque : la durée et le profil hormonal du diœstrus ou de la gestation sont similaires. Les deux correspondent à une imprégnation progestative de 2 mois qui est une exception de la chienne due au fait qu’il n’y a pas de relais de sécrétion de progestérone par le placenta en gestation, et donc que le corps jaune ovarien doit assurer l’imprégnation progestative à lui seul.
- L’anœstrus (pouvant varier de 3 à 9 mois, de 6 mois en moyenne) correspond à la période de repos sexuel.
→ La polydysendocrinie de diœstrus (PDD), liée à la persistance physiologique de corps jaunes sécrétants en absence de gestation chez la chienne, est probablement sous-diagnostiquée.
→ La PDD peut se composer de façon variable d’hyperréactivité corticosurrénalienne, d’hypothyroïdie, d’acromégalie et de diabète sucré, en fonction des particularités raciales et individuelles.
→ Le tableau clinique est protéiforme (essentiellement des signes cutanés et/ou une polyuro-polydipsie et/ou une prise de poids) et s’aggrave à chaque cycle, après d’éventuelles rémissions, les chiennes les plus atteintes ayant entre 8 et 10 ans.
→ Les dosages d’intérêt sont : cholestérol, phosphatases alcalines, glycémie, insulinémie, IGF-1, T4, cortisol.
→ La prise en charge doit être rapide et inclure une ovariectomie ou une ovariohystérectomie en fonction de l’état de l’utérus, pour espérer une réversibilité durable des dysendocrinies ; elle est urgente en cas de diabète sucré.