Tumeurs endocriniennes de l’abdomen et néoplasies endocrines multiples - Ma revue n° 018 du 01/01/2018 - Le Point Vétérinaire.fr
Ma revue n° 018 du 01/01/2018

ONCOLOGIE ENDOCRINIENNE ET NEURO-ENDOCRINIENNE CHEZ LE CHIEN ET LE CHAT

Moderniser l’endocrinologie clinique

Auteur(s) : David Sayag

Fonctions : Advetia
Centre hospitalier vétérinaire,
service d’oncologie
9, avenue Louis-Breguet
78140 Vélizy-Villacoublay

Connaître les tumeurs endocrines et neuro-endocrines de l’abdomen chez le chien et le chat permet de les diagnostiquer, de proposer une prise en charge adaptée à chaque situation clinique et d’informer le propriétaire quant au pronostic.

Les tumeurs endocrines et neuro-endocrines de l’abdomen sont principalement représentées par les tumeurs de la glande surrénale (touchant le cortex ou la medulla) et du pancréas endocrine (insulinome). Des prises en charge spécifiques à chaque situation clinique sont indispensables afin d’offrir les meilleures chances de survie à chaque animal. D’autres néoplasies peuvent être rencontrées exceptionnellement, notamment des carcinoïdes et des tumeurs du système endocrinien diffus et des néoplasies endocrines multiples. Leur connaissance est importante dans la démarche clinique globale en oncologie endocrinienne et neuro-endocrinienne.

NÉOPLASIES DES GLANDES SURRÉNALES

1. Épidémiologie

Les néoplasies des glandes surrénales représentent 1 à 2 % de l’ensemble des tumeurs chez le chien, et sont plus rares chez le chat. Certaines races semblent plus exposées, notamment les caniche, berger allemand, teckel, labrador et terrier.

Plus d’un quart des tumeurs surrénaliennes résultent d’une atteinte secondaire (métastases). Parmi les tumeurs primitives des glandes surrénales, 80 % touchent le cortex (50 % de carcinomes, 43 % d’adénomes, 7 % d’hyperplasies), 17 % la médulla (55 % de phéochromocytomes bénins, 45 % de phéochromocytomes malins), et 3 % ont une autre histogenèse (myélolipomes, lymphomes etc.) [2, 9].

2. Signes cliniques d’appel

Le tableau clinique dépend de la zone atteinte (cortex ou médulla) et du caractère sécrétant ou non de la tumeur. Les signes cliniques observés sont très variables : polyuro-polydipsie, distension abdominale, troubles cutanés, hypertension artérielle (hémorragies rétiniennes, signes neurologiques) troubles de la coagulation (syndrome hypercoagulable, saignements, etc.), prise ou perte de poids, troubles gonadiques tels qu’une baisse de fertilité et un comportement sexuel atypique chez les animaux stérilisés, etc. (photo 1). Cependant, une grande majorité des tumeurs surrénaliennes sont des découvertes fortuites, en particulier quand elles sont non sécrétantes, sans signes cliniques associés.

3. Démarche diagnostique

Le caractère sécrétant ou non de la tumeur conditionne la démarche diagnostique.

Imagerie et autres tests

La suspicion clinique peut orienter le praticien vers la réalisation d’un examen échographique abdominal en première intention. Si une masse surrénalienne est observée, certains critères d’imagerie permettent d’orienter le différentiel entre un adénome et un adénocarcinome (tableau 1) [20, 26].

La visualisation d’une masse surrénalienne doit ensuite, selon l’ensemble épidémio-clinique, conduire à la réalisation d’examens spécifiques : dosages hormonaux, cytoponction de la masse, en particulier si la tumeur se révèle non sécrétante(1). Une mesure de la pression artérielle et un examen du fond d’œil sont importants à réaliser. En effet, une hypertension artérielle sévère, éventuellement pulsatile, peut orienter vers un phéochromocytome. Une valeur normale de pression artérielle ne l’exclut pas.

L’examen cytologique d’une cytoponction à l’aiguille fine permet de distinguer de manière fiable (entre 90 et 100 % des cas selon l’expérience du pathologiste clinique) une tumeur d’origine corticale d’une tumeur d’origine médullaire. Il ne permet cependant pas de différencier un processus bénin d’un processus malin [4].

Lors de suspicion de phéochromocytome

Lors de suspicion clinique de phéochromocytome (pics d’hypertension, hémorragies), le diagnostic définitif se fonde idéalement sur le dosage de la métanéphrine et de la normétanéphrine (métabolites des catécholamines) dans le plasma et/ou les urines. En cas de valeurs supérieures à quatre fois la limite supérieure de l’intervalle de référence, le résultat est significatif. Le rapport normétanéphrine/créatinine urinaire permet également d’identifier un phéochromocytome. Ces dosages sont cependant difficilement accessibles en pratique car ils ne sont pas proposés dans les laboratoires spécialisés en France et que les catécholamines sont très instables dans les liquides biologiques (transport des échantillons à − 18 °C, laboratoire spécialisé : université de Zurich, Suisse, ou encore l’université d’Utrecht, Pays-Bas) [9, 24].

Bilan d’extension

Un bilan d’extension tomodensitométrique thoraco-abdomino-pelvien est recommandé afin d’évaluer le stade clinique de la maladie. L’examen scanner possède une sensibilité de 92 % et une spécificité de 100 % dans la détection de l’invasion vasculaire par la tumeur surrénalienne. L’échographie présente une sensibilité de détection d’un thrombus dans la veine cave caudale de 100 %, ce qui signifie que tous les animaux atteints sont dépistés (mais une spécificité de 96 %, ce qui indique que 4 % des animaux n’ayant pas de thrombus ont des anomalies échographiques qui en sont tout de même évocatrices). Elle doit être associée à l’examen tomodensitométrique afin d’augmenter la fiabilité de l’évaluation [20].

La réalisation d’un examen tomodensitométrique abdominal en triple phase (précontraste, artérielle précoce, portale/veineuse tardive) peut orienter le diagnostic vers un processus soit néoplasique malin soit bénin.

Du tissu corticosurrénalien ectopique gonadique, rénal, ou hépatique peut être mis en évidence. Ces organes doivent donc faire l’objet d’une attention particulière lors de l’examen tomodensitométrique.

Environ 20 % des carcinomes surrénaliens présentent une invasion vasculaire locale lors du diagnostic initial à l’imagerie.

Cependant, le taux de métastases à distance peut atteindre 50 % des animaux, signe que l’invasion vasculaire n’est pas systématiquement présente lors de maladie de stade IV, et que le bilan d’extension doit aller au-delà de l’évaluation locorégionale. Les organes cibles de métastases sont les poumons, le foie, les thyroïdes, les ovaires, les nœuds lymphatiques mésentériques, et la cavité péritonéale.

D’autre part, une imagerie de l’hypophyse (scanner ou imagerie par résonance magnétique) peut compléter ce bilan, afin d’éliminer toute atteinte hypophysaire concomitante.

4. Stratégie thérapeutique

La stratégie thérapeutique repose sur l’exérèse chirurgicale, particulièrement lors de tumeurs sécrétantes ou lorsque des critères de malignité sont identifiés(2). Ce type d’intervention nécessite des précautions particulières, de l’expérience, et la disponibilité de soins intensifs postopératoires (tableau 2). La surrénalectomie est un acte chirurgical associé à un taux de morbidité péri-opératoire élevé et à un taux de mortalité de 19 % à 28 % selon les études [11, 14, 15, 19, 23].

L’analyse histopathologique de la glande surrénale dans sa totalité est indispensable.

Lors de tumeurs non opérables, des techniques de radiothérapie spécifiques (arc thérapie) ont été décrites avec succès [6].

Dans le contexte d’un phéochromocytome, le traitement de choix reste la chirurgie, lorsqu’elle est possible. Une prise en charge médicale préopératoire de support peut être considérée lors d’hypertension systémique ou de tachyarythmie afin de limiter les risques per- et postopératoires.

La phénoxybenzamine permet de prévenir les pics d’hypertension par sécrétion pulsative de catécholamines (adrénaline, noradrénaline) par la tumeur, notamment en phase peropératoire. En phase préopératoire, son utilisation est associée à une diminution du taux de mortalité postsurrénalectomie. Lors de tachyarythmie, des β-bloquants peuvent y être associés (par exemple l’aténolol, 0,2 à 1 mg/kg toutes les 12 à 24 heures). Cependant ils doivent être ajoutés après les α-bloquants sous risque d’aggraver l’hypertension artérielle [9, 11].

5. Pronostic

Le pronostic est corrélé au stade clinique de la maladie (taille de la tumeur, métastases, invasion vasculaire). Après surrénalectomie, des médianes de survie de 687 jours (adénome corticosurrénalien), de 230 à 778 jours (adénocarcinome surrénalien), et de 365 à 1 450 jours (phéochromocytome) sont rapportées. Les chiens sans diffusion métastatique avant l’intervention chirurgicale peuvent présenter un bon pronostic sur le long terme, avec des survies supérieures à 2 à 3 ans.

Lors de tumeurs non opérables, une prise en charge médicale permet de prévenir les complications liées aux tumeurs sécrétantes.

NÉOPLASIES DU PANCRÉAS ENDOCRINE

Les tumeurs du pancréas endocrine sont principalement représentées par l’insulinome, qui est une néoplasie des cellules β du pancréas. Elle peut être bénigne (adénome) ou plus fréquemment maligne (adénocarcinome). Le potentiel malin des insulinomes est probablement sous-estimé chez le chien. Les principaux sites des métastases sont les nœuds lymphatiques régionaux (duodénaux, mésentériques, hépatiques, spléniques), le foie, et l’omentum péripancréatique.

1. Insulinome

Démarche diagnostique

L’insulinome est une tumeur rare chez le chien, et exceptionnellement diagnostiquée chez le chat [10].

Lors d’insulinome, le tableau clinique résulte majoritairement d’une hypoglycémie intermittente, chronique, ou sévère. Les signes cliniques sous-jacents sont la conséquence d’une neuroglycopénie (apathie, crises convulsives, neuropathie périphérique, etc.) et d’une stimulation du système sympathique. Aucune anomalie clinique n’est identifiée chez 55 % des animaux [10].

À l’examen sanguin, la seule anomalie constamment identifiée est une hypoglycémie chronique (valeur inférieure à 0,8 g/l tout au long de la journée). L’insuline faisant rentrer le potassium dans les cellules, une hypokaliémie légère, rarement clinique selon les données scientifiques, peut être observée.

Bien que non spécifique, la triade de Whipple peut aider à établir une suspicion de tumeur sécrétant de l’insuline :

- les symptômes arrivent après une période de jeûne ou d’exercice ;

- au moment des symptômes, la concentration sanguine en glucose est inférieure à 0,5 g/l ;

- les symptômes se résolvent après une administration de glucose.

Le dosage de l’insuline plasmatique lors d’hypoglycémie documentée peut aider à établir un diagnostic de quasi-certitude (tableau 3).

L’utilisation de rapport insuline/glucose, bien que recommandée par certains laboratoires, est contestée. Des faux positifs sont rapportés lors de tumeurs hépatiques, de sepsis, mais également chez des chiens sains [25]. Des faux négatifs sont rapportés lors d’insulinome.

Il semble recommandé d’interpréter la valeur absolue de l’insulinémie au regard de l’hypoglycémie, de l’historique, des anomalies à l’examen clinique et d’imagerie.

En médecine humaine, l’utilisation du rapport insuline/glucose est actuellement débattu, mais n’est toujours pas intégré au standard diagnostique [17].

L’imagerie peut permettre d’identifier une masse au pancréas et d’éventuelles métastases. La sensibilité de l’échographie est de 35 à 69 %. Celle de la tomodensitométrie est de 71 % pour l’identification d’une masse pancréatique, mais de seulement 40 % pour des métastases lymphatiques (photo 2). Il est également possible de réaliser une scintigraphie au pentétréotide d’indium, ce qui permet d’obtenir une imagerie métabolique des récepteurs à la somatostatine [5, 8, 10].

Le bilan d’extension doit être effectué en couplant une échographie abdominale et une tomodensitométrie double phase (angiographie). Le stade clinique final reste déterminé après la laparotomie exploratrice et l’analyse histopathologique de tout nœud lymphatique et nodules hépatiques anormaux. Trois stades cliniques sont reconnus selon l’extension de la tumeur : tumeur localisée au pancréas (stade I), infiltration des nœuds lymphatiques locorégionaux (stade II) ou infiltration métastatique à distance (principalement hépatique, stade III).

La stratégie thérapeutique dépend du stade clinique de la maladie, de l’âge de l’animal, et de la présence d’éventuelle comorbidité augmentant le risque anesthésique.

Traitement chirurgical

Le traitement de choix de l’insulinome est l’exérèse chirurgicale [10]. Cette dernière, potentiellement combinée à l’exérèse de métastases isolées macroscopiques, est à considérer afin de restaurer un état euglycémique, en visée curative (tumeur localisée sans diffusion métastatique, cas rare) ou palliative (tumeur métastasée dans près de la moitié des cas au diagnostic). En phase préopératoire, un traitement médical est nécessaire pour contrôler les signes cliniques et prévenir les complications per- et postopératoires (encadré).

Quatre-vingt-huit pourcents des chiens présentent une masse identifiable au moment de l’intervention. Le bleu de méthylène peut aider à l’identification des masses millimétriques (3 mg/kg, par voie intraveineuse, dilué dans du NaCl 0,9 %, sur 30 à 40 minutes).

Traitement médical au long court

Il est important de proposer trois à six petits repas chaque jour, avec une haute concentration en glucides complexes et en fibres. L’exercice doit être limité à des promenades courtes et au pas.

Le traitement hyperglycémiant se fonde en premier lieu sur l’utilisation de glucocorticostéroïdes : prednisolone 0,5 mg/kg/j, par voie orale (PO) en deux prises. L’objectif de ce traitement est de contrôler les signes cliniques, et non de rétablir une glycémie normale.

En cas de persistance des signes cliniques malgré ces recommandations, il est possible d’ajouter du diazoxide (Proglycem®(3)), 5 mg/kg, PO, toutes les 12 heures pour son action stimulante sur les catécholamines médullosurrénalienne. Les effets secondaires principaux du diazoxide sont une anorexie, des vomissements, de la diarrhée. L’administration du médicament avec la nourriture permet de les limiter. Le traitement médical est à mettre en place rapidement pour stabiliser l’animal, et dans le meilleur des cas, le préparer à l’intervention. Un traitement à vie est souvent nécessaire lorsque la chirurgie est refusée ou lors de diffusion métastatique généralisée.

Rôle de la chimiothérapie

L’intérêt théorique de la chimiothérapie repose sur un traitement adjuvant à visée curative aidant à l’éradication de potentielles métastases microscopiques, ou un traitement à visée palliative lors de tumeurs macroscopiques (tumeur non opérable ou métastatique).

Le principal agent cytotoxique décrit, notamment chez l’homme, est la streptozocine. Cette dernière est un agent alkylant, de la famille des nitroso-urées, présentant une toxicité sélective pour les cellules b du pancréas. Des rémissions partielles lors de tumeurs non opérées, ainsi que des taux de survie à 1 an de 41 % et à 2 ans de 24 % après la chirurgie ont été rapportés chez le chien [10, 14, 18]. Les effets secondaires sont cependant fréquents, notamment associés à un risque de néphrotoxicité. Un protocole de diurèse forcée stricte est nécessaire en phases pré- et post-administration. Des complications de diabète sucré sont aussi décrites dans 12 à 42 % des cas mais cependant associées à des durées de survie plus longues. Au moment de la rédaction de cet article, la prescription et l’utilisation de la streptozocine restent interdites aux vétérinaires en France.

Rôle des inhibiteurs de la tyrosine kinase

Très récemment, le tocéranib (Palladia®, Zoetis) a fait l’objet d’une étude dans les insulinomes canins, hors autorisation de mise sur le marché. Lors de stade III de la maladie, les animaux recevant un traitement de support associé à du tocéranib, ont vécu plus longtemps que ceux ayant reçu seulement un traitement de support (282 jours versus 59 jours). Cependant, la population d’étude était très faible (11 cas inclus, dont seulement 5 dans le groupe traité), rendant toute généralisation impossible à ce stade préliminaire [16]. Un usage compassionnel est cependant envisageable.

Pronostic

Le pronostic pour les chiens ayant un insulinome reste bon à court terme, mais réservé à mauvais à long terme. Les médianes de survie à la suite d’une pancréatectomie partielle sont de 12 à 27 mois.

Plus de la moitié des chiens en stade clinique I sont euglycémique 14 mois après l’intervention. Des médianes de survie de plus de 3,5 ans sont rapportées, notamment lors d’utilisation d’une corticothérapie postopératoire.

La protéine Ki67 est un marqueur cellulaire de prolifération qui peut être mis en évidence par immunohistochimie. Sa valeur pronostique est intéressante : une valeur de Ki67 inférieure à 2,5 % est associée à une survie médiane de 750 jours, contre 450 jours pour des valeurs supérieures à 2,5 %.

Lors de présence de métastases à distance (stade III), une médiane de survie de 6 mois est rapportée avec un traitement de support.

Lors de mise en œuvre d’un traitement symptomatique (corticostéroïdes +/- diazoxide) sans exérèse chirurgicale, une médiane de survie de 8 à 9,5 mois est rapportée [13].

2. Autres tumeurs rares

Trois autres types de tumeurs du pancréas existent :

Somatostatinome

Le somatostatinome est une tumeur pancréatique neuro-endocrine très rare des cellules Δ du pancréas, produisant de la somatostatine (ou GHIH). Son comportement biologique semble assez proche des insulinomes. Le tableau clinique est caractérisé par une hypoglycémie, sans hyperinsulinémie.

Le traitement est chirurgical, et le diagnostic définitif repose sur l’analyse histopathologique avec immunomarquages anti-IGF-2.

Des survies jusqu’à 890 jours postchirurgie sont rapportées [7].

Gastrinome

Le gastrinome, à l’origine du syndrome de Zollinger-Ellison en médecine humaine, est une tumeur neuro-endocrine à localisation extragastrique (l’estomac étant la localisation normale de production de la gastrine), en particulier pancréatique. Un cas de gastrinome duodénal est également rapporté.

Le comportement biologique est hautement agressif, avec plus de 85 % des chiens et des chats présentant des métastases au moment du diagnostic.

Le tableau clinique est généralement dominé par les répercussions d’une hypergastrinémie (ulcérations gastro-duodénales, hématémèse). Le diagnostic peut être établi sur la base d’une forte augmentation de la gastrine sérique basale. Cependant, son dosage n’est pas disponible en France en médecine vétérinaire.

Les gastrinomes sont très difficilement identifiables au cours d’une chirurgie, car ils sont généralement de très petite taille. La prise en charge repose principalement sur les traitements de support (inhibiteurs des pompes à protons, antagonistes des récepteurs H2, sucralfate) et éventuellement sur l’utilisation d’octréotide (analogue de la somatostatine qui inhibe la sécrétion de gastrine). Les gastrinomes sont associés à un pronostic généralement mauvais, avec des survies de quelques jours à 26 mois [12].

Glucagonome

Le glucagonome est une tumeur des cellules α du pancréas endocrine, à l’origine d’une hypersécrétion de glucagon. Le tableau clinique est dominé par une dermatite nécrolytique superficielle paranéoplasique (dite syndrome hépato-cutané), une hyperglycémie et une hypoaminoacidémie.

La résection chirurgicale reste le traitement de choix, bien que souvent difficile à réaliser en pratique. Le taux de métastases au moment du diagnostic est élevé et le pronostic est sombre. Cependant, lors de lésions de dermatites paranéoplasiques, les lésions cutanées peuvent s’améliorer après la chirurgie.

En traitement palliatif, il est possible d’améliorer la condition clinique de l’animal en réalisant une supplémentation en acides aminés, et un traitement à base d’acides gras oméga-3 et de zinc.

NÉOPLASIES ENDOCRINES MULTIPLES ET CONCOMITANTES

Rarement identifiées en pratique, les néoplasies endocrines multiples sont l’association de plusieurs tumeurs endocrines, en lien avec la présence d’anomalies génétiques spécifiques [1]. Ces ensembles néoplasiques sont particulièrement connus en médecine humaine, bien qu’ils soient rares. En médecine vétérinaire, leur description se fait selon une approche comparative. Les mécanismes génétiques ne sont cependant pas pleinement élucidés (tableau 4).

En pratique, l’identification de néoplasies endocriniennes concomitantes relève d’une importance clinique majeure dans l’adaptation de la stratégie de traitement. Elle justifie la réalisation systématique d’un bilan d’extension en oncologie endocrinienne et neuro-endocrinienne, même face à une grande proportion d’hyperplasies et de tumeurs bénignes [3].

CARCINOÏDES

Les carcinoïdes sont des néoplasies neuro-endocrines probablement originaires de cellules neuro-ectodermiques, exceptionnellement identifiées en oncologie vétérinaire. Leurs comportements biologiques restent incomplètement compris. Une tendance à l’agressivité semble rapportée par plusieurs rapports de cas (métastases précoces, taux de métastases virtuellement de 100 % avec pour organes cibles les nœuds lymphatiques régionaux, les poumons, le péritoine) [21, 22].

Principalement décrite au niveau hépato-biliaire chez le chien et le chat, la prise en charge thérapeutique repose principalement sur la chirurgie (lobectomie hépatique, notamment) et des soins de support, notamment en cas d’identification d’un syndrome de Zollinger-Ellison (hypergastrinémie). L’usage d’octréotide peut être bénéfique. Une chimiothérapie adjuvante à la chirurgie, notamment en associant des inhibiteurs de la tyrosine-kinase et de la carboplatine, peut être une piste de traitement, à discuter avec un oncologue spécialiste au cas par cas.

Conclusion

Les tumeurs endocrines et neuro-endocrines de l’abdomen nécessitent des prises en charge spécifiques, adaptées à chaque situation clinique, afin d’offrir les meilleures chances de survie à chaque animal. Une prise en charge globale, notamment des syndromes paranéoplasiques et des conséquences des endocrinopathies associées, est particulièrement nécessaire.

  • (1) Voir les articles « Risques et bénéfices du traitement d’un hypercortisolisme chronique » d’É. Krafft et « Hyper-aldostéronisme primaire et fonctionnel » de R. Oliveira, dans ce numéro.

  • (2) Voir l’article « Chirurgie des tumeurs du pancréas et des surrénales » de M. Porato, dans ce numéro.

  • (3) Médicament humain.

Références

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  • 3. Beatrice L, Boretti FS, Sieber-Ruckstuhl NS et coll. Concurrent endocrine neoplasias in dogs and cats: a retrospective study (2004-2014). Vet. Rec. 2018;182 (11):323.
  • 4. Bertazzolo W, Didier M, Gelain ME et coll. Accuracy of cytology in distinguishing adrenocortical tumors from pheochromocytoma in companion animals. Vet. Clin. Pathol. 2014;43:453-459.
  • 6. Dolera M, Malfassi L, Pavesi S et coll. Volumetric-modulated arc stereotactic radiotherapy for canine adrenocortical tumours with vascular invasion. J. Small Anim. Pract. 2016;57 (12):710-717.
  • 7. Finotello R, Ressel L, Arvigo M et coll. Canine pancreatic islet cell tumours secreting insulin-like growth factor type 2: a rare entity. Vet. Comp. Oncol. 2016;14:170-180.
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  • 10. Goutal CM, Brugmann BL, Ryan KA. Insulinoma in dogs: a review. J. Am. Anim. Hosp. Assoc. 2012;48 (3):151-163.
  • 12. Hughes SM. Canine gastrinoma: a case study and literature review of therapeutic options. N. Z. Vet. J. 2006;54 (5):242-247.
  • 16. Miguel et coll. Efficacy and safety of toceranib phosphate in dogs diagnosed with Beta-cell neoplasia. Poster, ECVIM-CA Congress 2018, Rotterdam, Netherlands.
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  • 24. Salesov E, Boretti FS, Sieber-Ruckstuhl NS et coll. Urinary and plasma catecholamines and metanephrines in dogs with pheochromocytoma, hypercortisolism, nonadrenal disease and in healthy dogs. J. Vet. Intern. Med. 2015;29 (2):597-602.
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Conflit d’intérêts

Aucun.

Points forts

→ Une masse surrénalienne sécrétante, et/ou mesurant plus de 2 cm, et/ou présentant des signes d’envahissement vasculaire doit être considérée comme potentiellement maligne, et nécessiter une évaluation chirurgicale.

→ Un traitement médical adapté est recommandé avant toute surrénalectomie. Il varie en fonction de l’origine de la tumeur et de son caractère sécrétant ou non (corticosurrénale ou médullosurrénale).

→ Lors d’insulinome, le pronostic dépend du stade clinique de la maladie, et de la possibilité chirurgicale. Des survies longues, au-delà de 4 ans, sont rapportées.

→ Les néoplasies endocrines multiples sont des entités rares chez le chien et le chat. Les néoplasies endocrines concomitantes, sans identification d’anomalie génétique formelle, sont courantes et leur détection est importante dans la démarche diagnostique de toute tumeur endocrine.

ENCADRE
Précautions préanesthésiques, opératoires et postopératoires avant une pancréatectomie

→ Mise à jeun pendant 24 à 48 heures afin de limiter le risque de pancréatite péri-opératoire.

→ Perfusion intraveineuse de glucose avant, pendant et après l’intervention chirurgicale.

→ Protocole anesthésique contenant de la médétomidine (5 µg/kg par voie intramusculaire) afin de diminuer la concentration plasmatique en insuline.

→ Surveillance peropératoire de la glycémie toutes les 30 minutes est recommandée, en veillant à maintenir la glycémie au-dessus de 40 mg/dl.

→ Gestion de la douleur et limitation d’hypotension postopératoire (risque de pancréatite) : fluidothérapie intraveineuse, analgésie continue adaptée (exemple : fentanyl/lidocaïne/kétamine).

→ Surveillance clinique postopératoire avec suivi de la glycémie et de la glucosurie éventuelle (diabète mellitus secondaire) dans les jours et semaines suivant l’intervention.