Alimentation des chiots âgés de 2 à 6 mois - Ma revue n° 019 du 01/01/2019 - Le Point Vétérinaire.fr
Ma revue n° 019 du 01/01/2019

NUTRITION

Spécificités de l’animal pédiatrique

Auteur(s) : Marianne Diez*, Marjorie Dequenne**, Valérie Jergeay***

Fonctions :
*PhD, Dipl. ECVCN
Faculté de médecine vétérinaire de l’ULiège
Unité de nutrition des animaux de compagnie
Département de gestion vétérinaire
des ressources animales
3, avenue de Cureghem
4000 Liège (Belgique)

La période de 2 à 6 mois est délicate en termes d’alimentation chez le chiot. Il est nécessaire de réaliser une courbe de croissance pour vérifier que le rationnement mis en place est adéquat.

Lors de la croissance du chiot, la période entre 2 et 6 mois d’âge est délicate. En effet, elle correspond à la phase de postsevrage, durant laquelle le chiot est confronté à un nouvel environnement et soumis à un éventuel changement d’alimentation, en plus du stress qui augmente le risque de diarrhée. Par ailleurs, c’est aussi le moment où le pic de croissance intervient. Celui-ci est décalé selon le gabarit à l’âge adulte et cette étape est particulièrement exigeante, voire critique, pour les races de grande taille et de taille géante. Il est donc important de connaître la phase de croissance des chiens et de bien faire la différence entre les formats pour comprendre la nécessité de respecter un schéma de rationnement précis.

LA CROISSANCE DU CHIOT

1. Deux phases distinctes

La durée de la croissance du chiot varie selon le poids de l’animal à l’âge adulte. Elle est considérée comme achevée vers 9 mois pour les petits chiens – le traçage va jusqu’à 12 mois, mais la courbe est plate à partir de 9 mois – et vers 15 mois pour les grands chiens (figure 1) [1]. Deux phases sont distinguées : celle qui suit le sevrage (entre 6 et 8 semaines) est rapide, parfois appelée exponentielle, puis après une inflexion, la seconde phase de croissance débute, plus lente, avec un point de départ variable selon les races. L’intensité et la durée de ces phases sont en relation avec le format du chien adulte. Le poids du chiot au sevrage ou l’atteinte de la moitié du poids adulte sont des critères qui permettent d’évaluer la durée de la croissance, ou de comparer la courbe d’un chiot aux courbes théoriques. Un chien de petite taille (par exemple, un épagneul papillon) atteint 50 % de son poids adulte au sevrage, tandis qu’un très grand chien ne pèse que 20 % de son poids adulte au même moment. À l’inverse, un mastiff atteint la moitié de son poids adulte à 23 semaines [4]. Les chiens moyens et grands atteignent environ 50 % de leur poids adulte à l’âge de 4 mois, ce qui peut aussi servir de valeur prédictive du poids adulte attendu. En résumé, le passage à la moitié du poids adulte intervient à 6 semaines chez les petits chiens, à 4 mois chez les moyens à grands et à 5 mois pour les géants [9]. La fin de la croissance correspond à une croissance musculaire moins perceptible, par rapport à la croissance staturale, plus spectaculaire.

2. Réalisation d’une courbe de croissance

La courbe de croissance permet de suivre la croissance d’un chiot et de la comparer aux valeurs attendues. Situer le chiot par rapport à cette courbe théorique est essentiel avant d’effectuer le rationnement puisqu’il est nécessaire d’estimer le poids adulte présumé et les coefficients à utiliser pour rationner.

Avantages

Il est recommandé aux propriétaires de noter soigneusement le poids de leur chien à intervalles réguliers, par exemple tous les 15 jours à partir de l’acquisition – qui intervient le plus souvent au sevrage – et au minimum une fois par mois jusqu’à la fin de la croissance. Dès lors, une courbe individuelle, pour un chiot donné, peut être tracée en parallèle à la courbe théorique, selon le poids adulte attendu.

En pratique, il convient de fournir au propriétaire deux ou trois courbes qui se rapprochent de l’objectif de poids adulte, ce qui permet de mieux visualiser une croissance trop rapide ou trop lente. En effet, la comparaison de la courbe d’un chiot à sa courbe théorique permet d’objectiver une croissance normale si les points correspondent : les courbes se superposent, ce qui signifie que les apports énergétiques correspondent aux dépenses. Si la courbe du chiot rejoint une courbe supérieure, les apports sont généralement excessifs et doivent être recalculés ; c’est l’inverse si la courbe du chiot étudié rejoint une courbe inférieure.

Inconvénients

Les courbes de croissance théoriques présentent cependant deux inconvénients : elles sont incomplètes car elles ne commencent qu’à partir de 3 mois, et elles ne concernent que la croissance de la masse corporelle. Or, les chiots ne grandissent pas de façon harmonieuse, en particulier ceux de grand format : la croissance staturale (hauteur au garrot mesurée avec une toise) est plus importante au début, tandis que le développement de la masse musculaire est beaucoup plus tardif. C’est la raison pour laquelle les chiens de taille géante présentent une croissance prolongée jusque 18 à 24 mois : ils commencent par une croissance staturale longue, suivie par une phase de croissance musculaire.

PLAN DE RATIONNEMENT

1. Estimation des besoins énergétiques

Les besoins énergétiques journaliers (BEJ) sont exprimés en kilocalories d’énergie métabolisable (kcal EM) et ils incluent toutes les sources alimentaires, y compris les récompenses utilisées dans le cadre de l’apprentissage. Leur calcul est une étape obligée pour le rationnement pratique.

Poids adulte estimé

Une fois l’examen clinique réalisé et les commémoratifs recueillis (le plus souvent lors d’une consultation vaccinale), il est nécessaire d’estimer les dépenses énergétiques (encadré 1). Le chiot est pesé précisément, sur une balance adaptée à son format. Ensuite, le poids de l’animal adulte est estimé et appelé poids adulte attendu (PAA). En effet, les apports énergétiques de croissance sont proportionnels au PAA. Cette estimation n’est pas facile. Elle l’est davantage pour les races pures, grâce à la connaissance approximative du poids adulte de la race, éventuellement modulé par le sexe. Pour les chiots achetés dans un élevage, il est également possible de se référer au poids des parents (sont-ils grands ou petits par rapport au format de la race ?). L’évaluation est souvent plus complexe pour les animaux croisés ou acquis dans une animalerie : dans ce cas, le PAA est estimé et il est rectifié dès que deux pesées sont disponibles pour établir la courbe à suivre. Néanmoins, l’impact de cette approximation du PAA est faible ; d’après le tableau de rationnement énergétique, un chiot de 6 kg aura les mêmes besoins énergétiques que le poids adulte attendu, qu’il soit de 20 ou de 70 kg (k de croissance = 2 dans tous les cas (tableau 1 complémentaire sur www.lepointveterinaire.fr). Ainsi, une mauvaise estimation du poids adulte attendu n’a pas trop de conséquence en début de croissance.

Note d’état corporel

Contrairement à l’animal adulte, l’utilisation des scores corporels n’est pas recommandée durant la phase de croissance rapide. En effet, jusqu’à l’âge de 3 mois, les chiots sont plutôt ronds et les échelles actuelles auraient tendance à surestimer leur note. Après 3 mois, ces scores peuvent être utilisés chez les petits chiens seulement. Certaines races de taille géante comme le dogue allemand, ou les bergers belges par exemple, peuvent paraître maigres car ils grandissent surtout en taille alors que leur corpulence reste normale, étant donné que leur masse musculaire ne se développera que bien plus tard.

Formule

La formule employée pour estimer les besoins énergétiques est la suivante (avec PC : poids corporel) [8] :

BEJ = 132 kcal EM × PC0,75 × kcroissance. L’utilisation d’un facteur racial (krace) peut également être conseillée (encadré 2). Le PAA a été déterminé afin d’utiliser le facteur k de croissance le plus correct. Ce dernier diminue régulièrement de la façon suivante :

– k = 2 jusqu’à ce que le poids du chiot atteigne 40 % du poids adulte attendu (PAA) ;

– k = 1,6 lorsque le poids du chiot se situe entre 40 et jusqu’à 60 % du PAA ;

– k = 1,2 lorsque le chiot atteint 80 % du PAA, jusqu’à la fin de la croissance [8].

Cependant, la formule aboutit à des données génériques, à moduler selon les races : un coefficient krace de 0,9 est appliqué pour celles “prédisposées” à l’obésité et de 1,1 pour celles “prédisposées” à la maigreur (tableau 2). Cette “prédisposition” est liée à différents facteurs génétiques, qui influent notamment sur la composition corporelle [9]. Ce système de calcul est néanmoins critiquable parce qu’il introduit une discontinuité aux points de changement des coefficients k [1]. Il existe une autre méthode pour lisser les apports, mais elle nécessite un calcul sur ordinateur, la première méthode reste donc conseillée, car elle se révèle fiable en pratique clinique (photo 1, figure 2 complémentaire sur www.lepointveterinaire.fr).

2. Cas complexes d’estimation des BEJ

Dans certains cas, l’estimation des BEJ peut se révéler complexe.

Chiots maigres

L’estimation des BEJ peut paraître difficile chez les chiots maigres qui ont subi un important retard de croissance (d’après l’examen clinique et la comparaison par rapport au poids attendu). Les apports énergétiques totaux sont toujours calculés sur la base du poids réel. Ainsi, les calculs ne sont pas effectués à partir du poids que le chiot devrait peser, car dans ce cas, les quantités à donner seraient surestimées et la consommation excessive d’aliment entraînerait un risque de diarrhée. Si le chiot ne consomme pas les quantités prévues, il convient de le nourrir à un niveau d’entretien pendant 1 jour ou 2 avant d’augmenter les apports de façon progressive (de 10 % à la fois au maximum, à 3 ou 4 jours d’intervalle). L’aspect des fèces indique si le rythme d’augmentation de la ration est adapté.

Il est inutile, pour des animaux dans cette situation, de faire des comparaisons avec des courbes “normales”. L’animal a sa propre courbe de croissance, même si elle est décalée, et le praticien ne doit pas chercher à la faire se superposer à la courbe de référence, sous peine de donner un aliment en excès et de voir apparaître une diarrhée.

Chiots en surpoids

Chez les chiots de taille naine ou petite, le surpoids en fin de croissance (vers 5 ou 6 mois) est fréquent et l’estimation des BEJ difficile. Les apports énergétiques chez les petits chiens en excès pondéral (score corporel supérieur ou égal à 7 sur 9) doivent être restreints et les coefficients de croissance diminués. Par exemple, il est possible de passer de k = 1,6 à k = 1,2. Ces coefficients peuvent même être abandonnés (si 80 % du poids adulte est atteint, k = 1,2 est même abandonné chez un animal obèse).

Ces animaux font l’objet d’un suivi plus étroit (une pesée par semaine idéalement) et bénéficient d’aliments pour adultes allégés, voire d’aliments pour le traitement de l’obésité dans les cas les plus sévères (en cas de trouble orthopédique notamment) :

– lorsque la note d’état corporel est de 6 ou 7 sur 9 : des aliments avec une concentration énergétique maximale de 3 500 kcal EM/kg de matière sèche sont choisis ;

– pour les notes de 8 ou 9 sur 9 : un aliment pour le traitement de l’“obésité” (3 200 à 3 400 kcal EM/kg MS) est préconisé.

Pour les grands chiens et ceux de taille géante, le même raisonnement peut être appliqué, mais l’obésité apparaît plus tard, vers 7 à 8 mois (photo 2). Les excès énergétiques qui conduisent à une obésité en fin de croissance entraînent, voire aggravent le plus souvent les troubles orthopédiques apparus vers l’âge de 5 mois, tels que la dysplasie du coude, de l’épaule ou de la hanche. La croissance staturale de ces chiots est trop rapide. En passant à un aliment allégé, ou utilisé lors d’obésité, leur poids corporel peut être maintenu, dans le meilleur des cas. La réduction de la masse graisseuse au profit de la masse musculaire nécessite quant à elle de l’exercice, ce qui est quasiment impossible à réaliser, car la plupart de ces chiots présentent des troubles orthopédiques douloureux (boiteries, arthrose précoce) qui leur interdisent une activité importante.

Animaux stérilisés précocement

La stérilisation précoce (avant 11 à 12 semaines d’âge) peut théoriquement affecter les dépenses énergétiques. Chez le chien, de petites différences ont été mises en évidence sur la trajectoire de croissance selon l’âge au moment de la stérilisation. Néanmoins, elles sont minimes en regard des larges variations entre individus. Il n’est donc pas nécessaire de disposer de courbes de croissance séparées pour les animaux stérilisés [10]. Selon l’expérience des auteurs, stériliser au sevrage ou en fin de croissance est facile à gérer d’un point de vue alimentaire, tandis que le rationnement est plus compliqué lors de stérilisation en phase de croissance rapide ; la courbe de croissance aide alors à ajuster les BEJ.

3. Choix d’un aliment

Parmi les multiples aliments disponibles sur le marché, il est conseillé d’en choisir un complet (notion légale, donc indiquée en tant que telle sur l’étiquette) et surtout équilibré. Contrairement aux aliments pédiatriques (de l’âge de 3 semaines au sevrage), les aliments de croissance actuels sont généralement plus riches en protéines, mais pas nécessairement beaucoup plus en énergie par comparaison avec un aliment d’entretien (tableau 3 complémentaire sur www.lepointveterinaire.fr). Les besoins énergétiques importants, chez les jeunes animaux dont la capacité d’ingestion est réduite, sont assurés par l’augmentation du nombre de repas.

Protéines

Les propriétaires souhaitent souvent des apports en protéines élevés, afin de restreindre ceux en amidon. Les vétérinaires doivent savoir qu’il n’existe pas de teneur protéique maximale dans les recommandations actuelles et que les apports élevés ne sont pas nécessairement un gage de qualité des protéines ou de l’aliment [5]. Le pourcentage de protéines recommandé est de l’ordre de 30 à 35 % de la matière sèche. La qualité protéique s’évalue théoriquement via la liste des ingrédients indiqués sur l’emballage (favoriser l’origine animale et privilégier la diversification des apports protéiques) (encadré 3).

Fibres

La teneur en fibres doit être limitée à 5 % de cellulose brute au maximum pour ne pas habituer l’animal à ingérer de grandes quantités d’aliments pour couvrir ses besoins énergétiques et ne pas diminuer les coefficients de digestibilité apparente des nutriments essentiels.

Lipides et micronutriments

Les lipides fournissent les acides gras essentiels. Le National Research Council (NRC) préconise depuis 2006 un apport en acides gras oméga 3 à chaînes longues (acides eicosapentaénoïque, EPA, et docosahexaénoïque, DHA) de 0,13 g/1 000 kcal chez le chien en croissance, ce qui implique d’incorporer des ingrédients d’origine marine comme l’huile de poisson [9].

Les apports en micronutriments doivent aussi être adaptés aux besoins du chiot. Il existe cependant de grandes différences entres les aliments : les apports en calcium varient du simple au double, de 0,8 à 1,5 % de la matière sèche. L’objectif se situe entre 1,2 et 1,5 % MS. Le praticien peut choisir un aliment plus riche en calcium pour un chien carencé précédemment, par exemple nourri de viande crue et présentant des os radiotransparents et des fractures en bois vert. Si l’indication de la teneur en calcium sur l’étiquette n’est pas une obligation légale, il convient d’éviter de recommander un aliment sur lequel elle n’apparaît pas.

Au-delà des apports en calcium, la teneur en cendres (ou minéraux) brutes doit être vérifiée : des aliments dont la concentration en cendres est supérieure à 8 % de la matière sèche sont à éviter. Une teneur en cendres élevée révèle l’utilisation de farines osseuses ou d’autres ingrédients de médiocre qualité.

4. Modalités alimentaires

Les clients étant souvent influencés par les éleveurs, il est nécessaire de prendre le temps de leur expliquer les différents types d’alimentation, surtout pour des nouveaux propriétaires, et de connaître les avantages et les inconvénients de chacun d’eux (tableau 4). La bones and raw food diet (Barf) est un (e) mode alimentaire qui consiste à offrir uniquement des aliments crus, en majorité des os charnus, de la viande et des abats, avec quelques compléments en petite quantité (légumes crus hachés, produits laitiers fermentés, vinaigre de cidre, algues, etc.). Pour les propriétaires, le terme Barf recouvre cependant abusivement un grand nombre de pratiques déviantes (dont la distribution unique de coproduits de viande crue) et il est démontré que ces rations sont déséquilibrées, dans plus de 60 % des cas [3].

Une ration Barf (telle que théorisée par Billinghurst chez le chien) revient à fournir l’énergie sous la forme exclusive de protéines et de lipides. Ce type d’alimentation est donc souvent trop gras pour un chiot en croissance. De plus, les apports en minéraux, oligo-éléments et vitamines n’étant pas contrôlés, la teneur en calcium est également trop élevée. Inversement, si les propriétaires ont “peur des os” et n’en n’incluent pas dans la ration qu’ils pensent “Barf”, l’apport calcique devient insuffisant. De même, le régime de type whole prey à base de poussins d’un jour, trop peu calcifiés, entraîne un déficit calcique. Par ailleurs, certains animaux refusent catégoriquement de manger ces poussins. Il est donc déconseillé de tenter de mettre en place une ration de type Barf pour un chiot en croissance.

5. Quantités journalières

Calculer les quantités journalières à distribuer consiste à diviser les BEJ (kcal EM/jour) par la concentration énergétique de l’aliment (exprimée en kcal par kg ou par 100 g), le résultat correspondant à la ration quotidienne. Cette étape est importante et, dans le cadre de la vente d’aliments, c’est un service que le vétérinaire doit assurer au client. En effet, le mode d’emploi de l’aliment peut parfois se révéler assez peu précis et il est indispensable de calculer les quantités exactes.

6. Modalités de distribution

Le fractionnement de la ration recommandé chez le chiot est de 4 repas au sevrage pour passer progressivement à 3 repas vers l’âge de 3 mois jusqu’à 6 mois.

Si pour les propriétaires une telle fréquence est impossible, des aménagements sont proposés. Par exemple, donner le second repas au retour du travail, et le dernier dans la soirée. En effet, les chiots ne peuvent consommer les apports énergétiques correspondant à leurs besoins en 2 repas avant l’âge de 6 mois, car les volumes d’aliments sont trop élevés en regard de leur capacité stomacale. Chez certaines races, le risque de syndrome de dilatation-torsion de l’estomac est bien réel. L’alimentation à volonté est proscrite en raison du risque élevé de surpoids et d’obésité en fin de croissance, mais également du risque d’accident lié à l’ingestion de trop gros repas (photo 3).

En cas de changement d’aliment, une transition de 5 jours au minimum est recommandée chez le chiot. Elle consiste à diminuer par étapes la quantité d’aliment distribuée tout en augmentant progressivement celle du nouvel aliment (de 15 à 20 % par jour). Cependant, cette transition ne doit pas être rigide et, dans certains cas, elle peut être allongée. La qualité des fèces est un critère qui permet de juger de la digestion.

La distribution de récompenses alimentaires doit être limitée (encadré 4). Un apport en eau fraîche, régulièrement renouvelée et fournie à volonté, est indispensable.

7. Activité physique

Comme l’activité est un déterminant important des dépenses énergétiques, le vétérinaire peut également être amené à dispenser des conseils relatifs à l’exercice. Il n’est pas simple de définir ce qui constitue un exercice “raisonnable” chez le chiot. Stimuler une activité spontanée sur un terrain plat par petites séquences, et augmenter progressivement la durée des promenades pour aboutir à un exercice total d’une heure par jour au minimum chez l’animal adulte en bonne santé, cela peut paraître évident. Pourtant, il est fréquent de voir des chiots très inactifs, au point que le développement de leur masse musculaire soit perturbé. Par ailleurs, l’exercice est aussi recommandé dans le traitement de certaines affections orthopédiques, comme celui de la laxité carpienne du chiot qui apparaît très tôt [2].

Inversement, les excès d’activité (longues promenades le week-end, sans entraînement, en terrain accidenté, courses, agility, sauts) doivent être évités durant la croissance, notamment pour prévenir la dysplasie coxo-fémorale [11]. En revanche, le niveau d’activité ne semble avoir qu’un impact limité sur le risque de dysplasie du coude qui a davantage une étiologie génétique et alimentaire [5, 6, 7].

8. Suivi

Pour le suivi de la croissance, il est important de tracer une courbe de croissance et d’encourager le propriétaire à effectuer une pesée régulière, au minimum deux fois par mois chez les grands chiens et ceux de taille géante, et au minimum une fois par mois pour les autres. Chaque valeur de poids peut alors être reportée sur une courbe, ce qui permet d’ajuster les apports si nécessaire.

Conclusion

L’alimentation pratique du chiot après le sevrage repose sur le rationnement, constitué de quatre étapes essentielles, et pas exclusivement sur le choix d’un aliment. Les courbes de croissance permettent le suivi et l’adaptation des apports aux besoins. La visualisation des courbes est un facteur d’encouragement pour le suivi des recommandations. Tout changement alimentaire doit faire l’objet d’une transition et d’un calcul des quantités à distribuer. Les clients doivent recevoir un maximum d’informations sur les pratiques alimentaires non conventionnelles afin de pouvoir évaluer les risques encourus. La plupart des erreurs entraînent souvent, à ce stade du développement, des troubles orthopédiques ou métaboliques (comme l’hypoglycémie chez le chihuahua) avec des conséquences à long terme.

Références

  • 1. Blanchard G, Grandjean D, Paragon BM. Calculation of a dietary plan for puppies. J. Anim. Physiol. and Anim. Nutr. 1998;80:54-59.
  • 2. Cetinkaya MA, Yardimci C, Saglam M. Carpal laxity syndrome in forty-three puppies. Vet. Comp. Orthop. Traumatol. 2007;20 (2):126-130.
  • 3. Dillitzer N, Becker N, Kienzle E. Intake of minerals, trace elements and vitamins in bones and raw foods rations in adult dogs. Br. J. Nutr. 2011;106:S53-S56.
  • 4. Hawthorne AJ, Booles D, Nugent PA, et coll. Body-weight changes during growth in puppies of different breeds. J. Nutr. 2004;134:2027S-2030S.
  • 5. Janutta V, Distl O. Review on canine elbow dysplasia: pathogenesis, diagnosis, prevalence and genetic aspects. DTW 2008. Vet. J. 2013 Apr;196 (1):12-19. doi: 10.1016/j.tvjl.2012.11.009. Epub 2012 Dec 23.
  • 6. Kirberger RM, Fourie SL. Elbow dysplasia in the dog: pathophysiology, diagnosis and control. J. S. Afr. Vet. Assoc. 1998 Jun;69 (2):43-54.
  • 7. Michelsen J. Canine elbow dysplasia: aetiopathogenesis and current treatment recommendations; pathophysiology and clinical aspects of canine elbow dysplasia. Proceedings of the 7th International Elbow Working Group Meeting, Constance, Germany, 1 July 1995.
  • 8. NRC 1985. National Research Council. Nutrient requirements of dogs. National Academic Press, Washington DC, 79p.
  • 9. NRC 2006. National Research Council. Nutrient requirements of dogs and cats. National Academic Press, Washington DC, 398p.
  • 10. Salt C, Morris PJ, German AJ, et coll. Growth standard charts for monitoring bodyweight in dogs of different sizes. PLoS One 2017 Sept 5;12 (9):e0182064. doi: 10.1371/journal.pone.0182064. eCollection 2017.
  • 11. Schachner ER, Lopez MJ. Diagnosis, prevention, and management of canine hip dysplasia: a review. Vet. Med. (Auckl). 2015;6:181-192. Published online 2015 May 19. doi: 10.2147/VMRR.S53266.

Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ 1 : Examen clinique et recueil des commémoratifs avant l’établissement d’un plan de rationnement

L’examen clinique d’un chiot en bonne santé et sevré doit être complet : palpation des nœuds lymphatiques et de l’abdomen, vérification de la couleur des muqueuses, de l’aspect du pelage, examen des oreilles, contrôle de la vitalité, etc. L’examen dentaire permet de confirmer l’âge du chiot, notamment lorsqu’il est importé et peut être plus jeune que son âge réel, ou inversement.

L’examen clinique est complété par le recueil des commémoratifs, qui porte sur trois points clés :

– son passé : quelle est l’origine du chiot (particulier, éleveur professionnel, animalerie, etc.), les parents étaient-ils visibles, quelle était l’alimentation donnée par l’éleveur (si connue), quel était l’habitat du chiot (jardin ou non) ;

– ses nouveaux propriétaires : quelle est leur disponibilité (possibilité ou non de donner 3 repas par jour), quelles sont les habitudes de promenade, l’éventuelle distribution de friandises, y a-t-il d’autres animaux à la maison (ce qui influence fortement les habitudes alimentaires ou complique la séparation au moment des repas) ;

– sa santé : l’animal est-il vermifugé, présente-t-il d’éventuels problèmes de santé, quel est son appétit, l’aspect de ses fèces, la qualité de son sommeil, son tempérament/activité spontanée à la maison (sans se fier à son attitude lors de la visite), sa prise de boisson.

ENCADRÉ 2 : Exemple de détermination des besoins énergétiques d’un chiot

À l’aide du tableau 1, que répondre à cette question : quels sont les besoins énergétiques d’un labrador de 4 mois, mâle entier en bonne santé de 15 kg ?

Réponse :

– d’abord estimer le poids adulte attendu, qui est dans ce cas de 30 kg (le poids à 4 mois est la moitié du poids adulte attendu) ;

– puis utiliser le tableau : la cellule correspondante indique 1 610 kcal EM ;

– adapter avec le coefficient racial égal à 0,9 et finaliser : 1 610 × 0,9 = 1 449 kcal EM par jour ;

– si des friandises sont distribuées, les limiter au maximum à 10 % des apports totaux, soit 145 kcal EM/jour.

ENCADRÉ 3 : Comprendre l’étiquetage des aliments pour chiens

Les pratiques d’étiquetage qui autorisent la mention des ingrédients par ordre pondéral décroissant, dans l’ordre de leur poids avant extrusion, compliquent le déchiffrage : les viandes fraîches se trouvent classées en “premier ingrédient” alors que ce ne sont que des ingrédients mineurs dans un aliment sec.

Le terme “viande” est réservé à l’utilisation de muscles squelettiques uniquement depuis juillet 2017, il ne devrait donc plus être employé, sauf si de la viande est effectivement utilisée. Comme l’utilisation de viande fraîche dans les aliments extrudés secs est une pratique existante, l’emploi du terme “viande” est permis, même si finalement le produit sec n’en contient que très peu. En effet, la viande étant extrudée, même si une proportion de 20 % de viande fraîche est utilisée, dans le produit sec, il n’en reste au plus que 5 %.

ENCADRÉ 4 : Comment limiter la distribution de friandises chez le jeune

Si la récompense a bien entendu sa place dans le processus d’apprentissage, elle ne doit pas forcément être alimentaire : la voix et la caresse ou le jeu ont aussi leur importance. Il convient d’éduquer les clients à l’utilisation raisonnée de friandises et de l’encadrer. L’objectif est d’éviter la distribution de friandises qui ne soient pas saines et de limiter leur utilisation à 10 % au maximum de la ration énergétique journalière. Au-delà, le risque de déséquilibre énergétique et/ou nutritionnel est réel, sauf si un aliment complet est choisi comme friandise. Ce point fait donc partie des recommandations écrites que le vétérinaire fournit à son client.

Points forts

→ La prise en charge alimentaire inclut la mise en place systématique d’un plan de rationnement en quatre points qui comprend l’estimation des besoins énergétiques journaliers, le choix d’un aliment complet et équilibré, le calcul des quantités journalières, les modalités alimentaires (et d’exercice si nécessaire).

→ La mise en œuvre de bonnes habitudes alimentaires dès le sevrage permet de prévenir les nombreux troubles associés à une alimentation non adaptée (maigreur ou note d’état corporel excessive, dilatation de l’estomac lors de fractionnement insuffisant des repas, etc.).

→ L’abus de récompenses alimentaires lors des processus d’apprentissage est à proscrire ; celles-ci doivent être incluses dans le calcul de la ration journalière.

→ Les transitions alimentaires et énergétiques sont à opérer soigneusement pour prévenir des problèmes tels que les dysorexies ou les refus, les diarrhées et les troubles de la croissance.

→ Pour les races de taille moyenne à géante, l’établissement d’une courbe de croissance est utile pour contrôler si les apports énergétiques sont correctement estimés et respectés. Cet article propose des courbes de référence à comparer avec celle établie pour chaque chiot suivi.