Maladies congénitales, dégénératives et métaboliques du chiot et du chaton - Ma revue n° 019 du 01/01/2019 - Le Point Vétérinaire.fr
Ma revue n° 019 du 01/01/2019

NEUROLOGIE

Prise en charge des principales affections pédiatriques

Auteur(s) : Maud Debreuque*, Jean-Laurent Thibaud**

Fonctions :
*Service de médecine interne
Urgences et soins intensifs
ENV de Toulouse
23, chemin des Capelles
31000 Toulouse
**Micen Vet
58, rue Auguste Perret
94000 Créteil
***Dipl. ECVN
Micen Vet
58, rue Auguste Perret
94000 Créteil

Face à un chiot ou un chaton qui présente des signes d’atteinte neurologique, le praticien doit connaître (outre les affections inflammatoires) les maladies congénitales, dégénératives et métaboliques à suspecter. Les circonstances d’apparition et d’évolution permettent de hiérarchiser les hypothèses.

Face à un chiot ou un chaton atteint de troubles nerveux, l’examen neurologique permet au praticien de localiser les lésions, puis il doit considérer les principales hypothèses étiologiques en se focalisant sur les circonstances d’apparition et d’évolution, ainsi que sur l’existence de symptômes non nerveux. Cet article aborde les principales affections congénitales, métaboliques et dégénératives auxquelles le vétérinaire peut être confronté chez un chiot ou un chaton. Les modalités diagnostiques et thérapeutiques ne sont évoquées que succinctement.

MALFORMATIONS CONGÉNITALES INTRACRÂNIENNES

1. Hydrocéphalie canine

Définition

L’hydrocéphalie correspond à une augmentation du volume de liquide cérébrospinal contenu dans la boîte crânienne. La forme externe, caractérisée par une dilatation de l’espace sous-arachnoïdien intracrânien, est très rarement rencontrée [2]. L’hydrocéphalie la plus fréquemment décrite est interne et due à une accumulation excessive de liquide cérébrospinal dans le système ventriculaire (photos 1a et 1b).

Une ventriculomégalie, asymptomatique, affecte très souvent les races brachycéphales. Bien qu’aucun consensus clair n’existe sur la nomenclature, nous ne considérerons dans cet article que l’hydrocéphalie en tant que phénomène pathologique à l’origine de signes neurologiques.

Mécanisme en cause

L’hydrocéphalie congénitale ou acquise résulte de mécanismes qui perturbent le flux ou l’absorption du liquide cérébrospinal. Dans sa forme congénitale, elle provient donc de malformations cérébrales et reste le plus souvent secondaire à une sténose de l’aqueduc mésencéphalique (portion du système ventriculaire qui établit la communication entre le 3e et le 4e ventricule), situé dans la fosse caudale cérébrale [2]. Le liquide cérébrospinal contenu dans les ventricules latéraux et le 3e ventricule ne peut donc pas circuler caudalement, empêchant la communication avec l’espace sous-arachnoïdien qui permet, en temps normal, son absorption et ainsi une pression intracrânienne constante et adaptée [2]. La dilatation ventriculaire bloque alors le développement correct des structures cérébrales adjacentes. Les signes cliniques sont secondaires à l’hypogénésie cérébrale, à l’augmentation de la pression intracrânienne ou à l’œdème cérébral périventriculaire associé à la rétention du liquide cérébrospinal.

Prédispositions

Bien que l’hydrocéphalie congénitale puisse affecter sporadiquement toutes les races, celles de petite taille, miniatures et brachycéphales sont particulièrement concernées. Ainsi, le chihuahua, le pékinois, le carlin, le boston terrier, le yorkshire et le bouledogue anglais sont des races dites à risque [2]. L’hydrocéphalie congénitale est également rencontrée chez le chat, mais beaucoup plus rarement.

Signes cliniques

Les premiers signes cliniques ne sont généralement observés qu’à partir de l’âge de 3 mois et rarement après 1 an. Ils résultent principalement d’une atteinte du prosencéphale(1) [2]. Un changement de comportement (défaut ou perte des apprentissages, réactions inhabituelles face aux animaux de son environnement), une altération de la vigilance et des crises convulsives (rares) sont rapportés (photo 2 complémentaire sur www.lepoint­veterinaire.fr). Une marche en cercle et des phases de pousser au mur sont également décrites. Dans de rares cas, seuls des crises convulsives et un changement de comportement sont notés, sans anomalie à l’examen neurologique.

Parfois, une syringohydromyélie(2) cervicale y est associée, conséquence de la perturbation globale du flux de liquide cérébrospinal. Cela peut alors participer aux anomalies de la démarche (ataxie et parésie) et être à l’origine d’un prurit compulsif cervical ou d’une déviation vertébrale latéralisée (pleurothotonos), bien que cette présentation clinique reste rare [2].

Outre les signes neurologiques évoqués ci-dessus, les animaux atteints peuvent présenter des anomalies morphologiques de la boîte crânienne, conséquence de la pression intracrânienne excessive exercée sur les os crâniens dans une période où les fontanelles ne sont pas ossifiées. Ainsi, la boîte crânienne apparaît élargie, en forme de dôme, et les fontanelles membraneuses peuvent être palpées. Parfois, l’élargissement du crâne est associé à des orbites de forme anormale, ce qui entraîne une déviation oculaire ventro-latérale donnant un regard dit en “coucher de soleil” (sunset eyes) [2]. Chez certaines races, comme le chihuahua, la présence d’un crâne bombé et la palpation des fontanelles non ossifiées sont possibles en l’absence d’hydrocéphalie. Il n’existe pas de données précises sur l’âge de fermeture des fontanelles. En général, elles ne sont palpables que quelques jours à quelques semaines après la naissance [2].

Diagnostic et traitement

Le diagnostic repose sur l’imagerie intracrânienne, telle qu’un examen tomodensitométrique ou d’imagerie par résonance magnétique (IRM), afin de mettre en évidence la dilatation ventriculaire marquée, associée à des anomalies cérébrales secondaires qui témoignent du caractère pathologique de cette dilatation, en opposition avec une ventriculomégalie asymptomatique. L’examen d’imagerie permet aussi d’exclure tout phénomène pathologique sous-jacent à l’origine d’une hydrocéphalie acquise. Le traitement médical vise à diminuer la production du liquide cérébrospinal et à gérer les éventuelles crises convulsives associées. Aucune preuve scientifique formelle n’a permis d’établir l’action précise des médicaments fréquemment utilisés pour réduire la production de liquide cérébrospinal, comme les corticoïdes, le furosémide, l’acétazolamide ou encore l’oméprazole. En règle générale, une corticothérapie est mise en place dans l’attente du traitement chirurgical visant à placer un shunt ventriculo-péritonéal. Le pronostic dépend de la sévérité de l’atteinte et des signes cliniques résultant de l’atrophie cérébrale ou de l’hypertension intracrânienne secondaire.

2. Malformation kystique de la citerne quadrigéminée

Les kystes de la citerne quadrigéminée, situés rostralement au cervelet et caudalement aux lobes occipitaux, représentent la malformation kystique intracrânienne la plus fréquente chez le chien. Les races brachycéphales de petit format sont les plus touchées. Ces kystes peuvent être découverts fortuitement ou, parfois, être associés à des signes cliniques qui résultent de la compression cérébrale concomitante : crises convulsives ou signes d’atteinte cérébelleuse (ataxie, nystagmus, absence de réflexe oculo-céphalique, etc.) [11]. Les animaux symptomatiques peuvent être âgés de quelques mois à 10 ans, mais les jeunes adultes (âge médian de 4 ans) semblent les plus atteints [11].

D’autres anomalies congénitales cérébrales sont également rencontrées, mais elles sont plus rares (lissencéphalie(3), porencéphalie(4), hypoplasie cérébelleuse).

3. Surdité congénitale

Chez le chien

Les cas de surdité congénitale peuvent avoir deux origines : une atrésie du conduit auditif externe, responsable d’une surdité dite de transmission (ces cas sont anecdotiques), et une anomalie des cellules ciliées cochléaires ou du nerf cochléaire, qui provoque une surdité dite neurosensorielle [18]. Ces cas de surdité représentent la quasi-totalité de ceux observés chez les jeunes chiens et sont généralement héréditaires : une base génétique est suspectée dans de nombreuses races fréquemment concernées, mais elle n’est pas clairement établie. La majorité des cas sont associés à des anomalies pigmentaires touchant la peau et la robe (blanche ou diluée, en particulier lorsque les oreilles sont blanches) ou les yeux (bleus), mais cela n’est pas systématique. Le dalmatien est l’une des races particulièrement touchées et étudiées, certaines sont à considérer en priorité, mais elles peuvent toutes être atteintes (encadré 1 complémentaire sur www.lepointveterinaire.fr et photo 3).

Chez le chat

Tout comme chez le chien, la majorité des cas de surdité sont dus à une atteinte neurosensorielle résultant d’une anomalie héréditaire des cellules ciliées cochléaires ou du nerf cochléaire. Le pelage blanc est probablement un facteur de risque. Le risque est d’autant plus important lorsqu’un chat blanc a un et surtout deux yeux bleus. Cela résulte d’une particularité génétique responsable de l’absence de mélanocytes au niveau de la peau, des iris et de l’oreille interne, qui entraîne alors une dégénérescence des cellules ciliées cochléaires.

Symptomatologie commune

Une surdité bilatérale complète peut être suspectée par les propriétaires lorsqu’une absence de réponse aux appels, un défaut d’apprentissage ou des réactions exacerbées à certains stimuli visuels ou tactiles sont observés, généralement dès les premières semaines de vie. Néanmoins, seuls les tests de potentiels évoqués auditifs permettront un diagnostic de certitude, notamment dans les cas de surdité unilatérale ou partielle. Aucun traitement n’existe à l’heure actuelle.

ANOMALIES VERTÉBRALES ET MÉDULLAIRES

1. Syringomyélie et anomalies de la jonction cranio-cervicale

Le syndrome de malformation occipitale caudale correspond, sur certains points, à la malformation de Chiari de type 1 définie en médecine humaine. Il est initialement décrit comme une anomalie congénitale de l’os occipital caudal qui réduit le volume de la fosse caudale en rapport avec le parenchyme cérébelleux. Cela peut alors entraîner une hernie cérébelleuse et du tronc cérébral à travers le foramen magnum. D’autres anomalies, fréquemment associées à cette malformation osseuse, sont regroupées sous le terme “anomalies de la jonction cranio-cervicale” : bandes durales atlanto-axiales dorsales(5), pincement ou compression médullaire ventrale atlanto-occipitale, chevauchement atlanto-occipital(6), instabilité atlanto-axiale(7) (photo 4) [7, 10, 12]. Le cavalier king charles, le chihuahua et le griffon bruxellois sont des races à risque pour le syndrome de malformation occipitale caudale, et plus largement pour ces anomalies de la jonction cranio-cervicale [7, 12]. De manière plus globale, les races miniatures ou de petit format sont particulièrement touchées. Ces anomalies osseuses et des tissus mous peuvent entraîner une perturbation du flux de liquide cérébrospinal à l’origine d’une syringohydromyélie. Les signes neurologiques associés, généralement décrits entre l’âge de 6 mois et 3 ans, sont [10, 13] :

– soit la conséquence directe de ces anomalies (signes associés à une myélopathie compressive cervicale craniale de type tétra-ataxie ou tétraparésie et douleur) ;

– soit la conséquence de la syringohydromyélie secondaire : douleur ou paresthésies(8)/hyperesthésies caractérisées par un prurit cervical compulsif parfois appelé “prurit fantôme” (mouvements dans le vide), des frottements de la face, des gémissements spontanés ou associés à des manipulations (toucher, collier, harnais, etc.), une scoliose, une tétraparésie ou une parésie des membres thoraciques de type motoneurone périphérique.

Le diagnostic repose sur l’IRM, qui est l’examen le plus sensible pouvant mettre en évidence l’ensemble de ces anomalies, souvent associées. Un traitement médical visant à agir sur la production de liquide cérébrospinal, donc sur l’expansion du syrinx, peut être envisagé, complété par un traitement antalgique ciblant la douleur neurogène secondaire. Dans un second temps, en cas d’échec de gestion de la douleur liée à des déficits neurologiques évolutifs, la prise en charge peut être chirurgicale. La chirurgie sert à rétablir un flux de liquide cérébrospinal optimal en décomprimant le foramen magnum. Le pronostic à court terme est généralement favorable, permettant à la majorité des animaux d’avoir une qualité de vie acceptable.

2. Malformations vertébrales

De nombreuses malformations vertébrales sont décrites chez le chien, particulièrement dans les races dites à queue “en tire-bouchon” comme le bouledogue (anglais ou français), le carlin ou le boston terrier (encadré 2).

Ces anomalies congénitales, le plus souvent localisées dans la jonction thoraco-lombaire, peuvent entraîner une cyphose ou une lordose vertébrales. Lors de déviation vertébrale majeure, une compression ou un étirement médullaire secondaire sont décrits, à l’origine de déficits neurologiques et n’apparaissant que plusieurs mois après la naissance, mais généralement avant l’âge d’un an [2]. Néanmoins, ces cas restent rares et ces malformations vertébrales sont très souvent asymptomatiques. Si des malformations vertébrales seules ne sont pas corrélées à une plus grande prévalence de hernies discales adjacentes, la présence d’une cyphose associée semble multiplier par deux le risque de hernie discale (cervicale et thoraco-lombaire) [6]. Enfin, certaines malformations vertébrales peuvent être reliées à des adhérences leptoméningées et le développement secondaire d’un diverticule arachnoïdien, au niveau du même site. Toutefois, un lien d’association directe n’est pas clairement défini.

Ces anomalies sont en général asymptomatiques et ne nécessitent pas de prise en charge spécifique. Lorsqu’un diverticule arachnoïdien ou une compression médullaire sont observés en lien avec des déficits neurologiques, une prise en charge médicale ou chirurgicale peut être envisagée.

3. Défaut de fermeture du tube neural

Les défauts de fermeture du tube neural comprennent le dysraphisme, les malformations médullaires congénitales et le sinus dermoïde, une affection très rare (encadré 3 et photos 5a et 5b complémentaires sur wwww.lepointveterinaire.fr)

MALADIES NEUROMUSCULAIRES CONGÉNITALES ET DÉGÉNÉRATIVES

1. Myasthénie congénitale féline

Un syndrome myasthénique congénital affecte les races devon rex et sphynx. Il s’agit d’une anomalie de la jonction neuromusculaire, secondaire à une mutation génétique maintenant clairement identifiée et détectable à l’aide d’un test génétique disponible. Généralement visibles entre l’âge de 10 à 16 semaines, les signes d’atteinte neuromusculaire les plus souvent rapportés sont une faiblesse généralisée, une incapacité à sauter, une ventroflexion cervicale et des protrusions dorsales des scapulas [15].

2. Maladies neuromusculaires dégénératives

Chez le chiot

Comme chez l’adulte, une maladie neuromusculaire est suspectée chez le chiot, face à des signes comme une faiblesse généralisée, une fatigabilité à l’effort, une amyotrophie/hypertrophie musculaire ou des tremblements. Parfois, des signes focaux, tels qu’une paralysie laryngée, une dysphonie, une dysphagie, des régurgitations associées à un mégaœsophage, sont rapportés. Une hypotonie généralisée et l’absence de réflexes médullaires permettent d’orienter le diagnostic. Cependant, la présence de réflexes médullaires normaux ne doit pas écarter ces affections, en particulier lors de myopathies. La suspicion d’une atteinte neuromusculaire chez le jeune s’oriente alors possiblement vers des maladies héréditaires, bien que les maladies inflammatoires ne doivent pas être négligées(10) (tableau 1) :

– une polyneuropathie motrice, ou plus rarement sensitive, souvent apparentée à la maladie de Charcot décrite en médecine humaine (photo 6) [5] ;

– un syndrome myasthénique congénital, affectant les races jack russell, golden ou labrador retriever [15] ;

– une polymyopathie (myopathie dystrophique(9), myo­pathie mitochondriale, myopathie centronucléaire) [14].

Ces maladies sont rares et plutôt à suspecter chez certaines races connues. La suspicion est donc initialement épidémiologique et clinique. L’atteinte neuromusculaire est ensuite confirmée grâce à un examen électromyographique et électroneurographique et le diagnostic de certitude obtenu à l’aide de biopsies musculaires ou nerveuses, voire du test génétique existant. Le pronostic est généralement réservé en l’absence de traitement curatif.

Chez le chaton

Des neuropathies ou myopathies héréditaires, décrites dans certaines races félines, sont généralement diagnostiquées chez des jeunes de moins d’un an. Les signes cliniques qui orientent vers ces affections sont identiques à ceux décrits chez le chien. Un déplacement dorsal des scapulas et une ventroflexion cervicale sont des signes typiques chez le chat. Ils résultent de la faiblesse de la musculature paravertébrale cervicale dorsale, unique système permettant un port de tête correct en l’absence de ligament nuchal dans cette espèce (photo 7). Parmi ces maladies, la polyneuropathie du bengal présente quelques particularités. Bien qu’elle soit classée parmi les maladies dégénératives, une origine inflammatoire dysimmunitaire est également suspectée et une amélioration ou une évolution fluctuante spontanées sont fréquemment décrites [21].

MALADIES MÉTABOLIQUES

1. Hypoglycémie du chiot

Les chiots de race miniature ou de petit format présentent un risque de développer des hypoglycémies susceptibles d’entraîner des signes neurologiques fluctuants : troubles de la vigilance ou du comportement, fasciculations musculaires, fatigabilité à l’effort, syncopes ou encore crises convulsives. Des signes généraux concomitants sont parfois observés, reflétant une activation réflexe du système nerveux sympathique en réponse à l’hypoglycémie (tachypnée, tachycardie, troubles digestifs, polyphagie, ptyalisme, etc.). L’hypoglycémie est la cause principale d’une crise convulsive chez le chiot ou le chaton nouveau-né et résulte le plus souvent, en dehors de troubles métaboliques tels que le shunt portosystémique, d’un mauvais apport alimentaire. En dehors de conditions pouvant favoriser une hypoglycémie (froid, jeûne, etc.), des formes d’origine inconnue sont décrites chez des chiots de races miniatures âgés de 6 à 12 semaines. Pour certaines, un déficit enzymatique à l’origine d’une maladie de surcharge du glycogène peut être suspectée [2].

Chez le chien, une hypoglycémie est définie par une concentration sanguine en glucose inférieure à 0,6 g/l, soit 3,3 mmol/l.

2. Shunt porto-systémique congénital

Chez le chiot

Le shunt porto-systémique congénital est une anomalie vasculaire secondaire à un défaut de fermeture de différentes portions veineuses issues de la vascularisation fœtale. Il peut être extrahépatique ou intrahépatique et entraîne une déviation du sang portal vers la circulation systémique. Le sang dévié contient des taux anormalement élevés de composés absorbés par le tractus intestinal et destinés à être éliminés ou métabolisés par le foie.

Cette anomalie est particulièrement rencontrée chez les chiens de races de petite taille comme le yorkshire terrier ou le bichon maltais, pour lesquels le diagnostic est généralement établi dès l’âge de 2 mois [3]. Une origine héréditaire est fortement suspectée, même si la base génétique de ces anomalies n’est pas encore clairement déterminée.

Chez le chien, environ 80 % des animaux atteints présentent des signes neurologiques illustrés par des phases d’encéphalopathie, potentiellement associées au repas dans 30 à 50 % des cas. Les signes les plus fréquents sont associés à une atteinte prosencéphalique comme une altération de la vigilance, un changement de comportement (vocalises), un pousser au mur, une cécité, de l’ataxie ou encore des crises convulsives [9]. Les crises convulsives, lorsqu’elles sont présentes, font souvent partie d’un tableau clinique neurologique varié [3, 4]. Les signes peuvent aller jusqu’au coma.

Des signes d’atteinte digestive (vomissements), urinaire (reflétant la présence de calculs d’urate d’ammonium : dysurie, hématurie, pollakiurie) ou générale (mauvais état général, retard de croissance, anorexie, perte de poids), secondaires à l’insuffisance hépatique, sont généralement corrélés aux symptômes neurologiques.

Chez le chaton

Le shunt porto-systémique congénital est beaucoup plus rare dans l’espèce féline que dans l’espèce canine. La majorité des animaux atteints présentent un shunt extrahépatique et sont âgés de moins d’un an (fourchette de 6 semaines à 10 ans). Le type européen est le plus représenté, mais d’autres races sont aussi concernées comme le persan ou le siamois [19, 20]. Un retard de croissance peut être noté, mais il n’est pas systématique [19]. Entre 13 et 64 % des chats atteints présentent des iris dits cuivrés, dont l’origine n’est pas clairement définie.

Les signes cliniques associés sont soit neurologiques, soit digestifs, soit urinaires et il n’est pas rare qu’ils évoluent pendant plusieurs mois avant le diagnostic de certitude. Tout comme chez le chien, les signes neurologiques sont très fréquents (entre 93 et 100 % des cas) et reflètent l’encéphalose hépatique [20]. Ils combinent des phases d’altération de la vigilance, des changements de comportement, des déficits visuels, des crises convulsives, une marche en cercle, des tremblements (photo 8 complémentaire sur www.lepointveterinaire.fr). Outre les signes digestifs communs aux chiens, le ptyalisme intermittent est un signe très souvent rapporté chez le chat (70 % des cas environ) et sa présence doit orienter la suspicion [20]. Une sensibilité accrue aux agents anesthésiques, prenant la forme d’un réveil long jusqu’à la précipitation d’une crise d’encéphalose hépatique, peut éveiller les soupçons chez un jeune animal [20].

Le diagnostic repose sur l’association d’anomalies sanguines compatibles (particulièrement l’augmentation en périodes préprandiale et postprandiale des acides biliaires) et la mise en évidence du shunt à l’aide d’une échographie abdominale ou d’un examen tomodensitométrique adapté (angioscanner avec acquisition précoce). Le traitement est initialement médical, visant à stabiliser les signes secondaires, dans l’attente d’une prise en charge chirurgicale permettant l’oblitération idéalement progressive du vaisseau anormal, sous réserve de la persistance d’un système porte.

3. Maladies de surcharge ou lysosomales

Chez le chiot

Les maladies de surcharge sont rares, principalement héréditaires, et résultent d’un déficit enzymatique à l’origine d’une accumulation cellulaire de substrats variés.

Dans la plupart des cas, les animaux naissent sans anomalie, puis développent progressivement des signes cliniques au cours des premières semaines à premiers mois de vie. Ces maladies doivent être suspectées dans un contexte de lésions neurologiques multifocales touchant principalement le système nerveux central, mais aussi le système neuromusculaire, associées ou non à des signes d’atteinte multisystémique [8]. Néanmoins, une atteinte focale et notamment cérébelleuse doit également orienter vers ces hypothèses. En effet, fréquemment, comme lors de gangliosidoses, le tableau clinique débute par des signes cérébello-vestibulaires suivis d’une atteinte multifocale (prosencéphalique, du tronc cérébral ou médullaire).

Les maladies lysosomales sont le plus souvent des affections chroniques, d’évolution lente. Les animaux atteints peuvent montrer des anomalies de croissance, des modifications oculaires (cornéennes et rétiniennes) ou encore des déformations osseuses (de la face et du corps), particulièrement en cas de gangliosidose et de mucopolysaccharidose.

Les maladies de surcharge représentent un groupe d’une dizaine d’affections auxquelles il convient de se référer principalement sur la base d’une race concernée, bien que tous les chiens puissent être théoriquement touchés.

4. Chez le chaton

Comme chez le chien, la présentation clinique est variée, aussi bien associée à des signes d’atteinte du système nerveux central que du système neuromusculaire. Les symptômes initiaux sont le plus souvent frustes et non spécifiques [16]. Une dégradation progressive lente est généralement notée, contrairement aux maladies inflammatoires ou infectieuses qui sont plus communément corrélées à une aggravation rapide. La plupart de ces maladies sont diagnostiquées chez des jeunes animaux âgés de quelques mois. Les signes neurologiques peuvent être principalement cérébelleux, prosencéphaliques, ou diffus. Si les maladies de surcharge touchent en théorie toutes les races, certaines sont plus fréquemment atteintes, comme le persan pour l’alpha-mannosidose (tableaux 2 et 3 complémentaires sur www.lepointveterinaire.fr). Des déformations de la face sont également rapportées, à l’origine d’un dysmorphisme original donnant aux animaux un air “bouffi” aux traits grossiers caractéristiques (photo 9).

Conclusion

Face à un chiot ou un chaton qui présente des signes d’atteinte neurologique, le praticien doit connaître les principales hypothèses diagnostiques. Bien que les maladies inflammatoires et les malformations soient les premières à être suspectées, il convient de ne pas exclure d’autres causes, métaboliques, voire dégénératives. Les circonstances d’apparition et d’évolution, ainsi que le contexte vaccinal et l’environnement de l’animal, sont des éléments indispensables qui permettent de hiérarchiser les suspicions et d’envisager la prise en charge thérapeutique la plus adaptée.

  • (1) Prosencéphale : partie du cerveau comprenant le cortex cérébral (télencéphale) et le diencéphale.

  • (2) Syringohydromyélie : lésion correspondant à la formation de cavités liquidiennes (syrinx) au sein de la moelle épinière ou à une dilatation du canal central.

  • (3) Lissencéphalie : malformation cérébrale congé­nitale correspondant à l’absence de circonvolutions du cortex cérébral, associée à un épaississement et à un défaut fonctionnel cortical cérébral. Cette maladie est particulièrement décrite dans la race lhassa apso.

  • (4) Porencéphalie : malformation cérébrale caractérisée par la présence de cavités liquidiennes dans le parenchyme cérébral résultant d’un défaut de développement du parenchyme cérébral ou d’une lésion séquellaire consécutive à un foyer d’encéphalomalacie (nécrose cérébrale).

  • (5) Bandes durales atlanto-axiales dorsales : anomalies de la dure-mère dorsale résultant d’une association de lésions inflammatoires, fibrosantes et ossifiantes. Elles sont à l’origine d’une compression médullaire dorsale.

  • (6) Chevauchement atlanto-occipital : déplacement cranial de l’atlas à travers le foramen magnum.

  • (7) Instabilité atlanto-axiale : elle peut résulter de différentes anomalies congénitales à l’origine d’une subluxation atlanto-axiale (anomalies de la dent de l’axis, ligamentaires, de l’ossification de l’atlas, etc.).

  • (8) Paresthésies : trouble de la sensibilité se traduisant par des sensations de fourmillement ou de chaleur sans stimulus précis.

  • (9) Myopathies dystrophiques : groupe hétérogènes de myopathies primitives héréditaires dégénératives, généralement non inflammatoires, résultant d’un défaut quantitatif ou qualitatif d’une protéine musculaire. La forme la plus fréquente de myopathie dystrophique, en médecine humaine et vétérinaire, résulte d’un déficit (partiel ou total) en dystrophine.

  • (10) Voir l’article « Maladies inflammatoires du chiot et du chaton » de M. Debreuque, dans ce numéro.

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Conflit d’intérêts

Aucun.

Points forts

→ Le shunt porto-systémique est la principale cause d’encéphalopathie d’origine extracrânienne chez le chiot et le chaton, bien qu’il soit beaucoup plus rare dans l’espèce féline.

→ L’hydrocéphalie est la malformation intracrânienne la plus courante. Elle est particulièrement décrite chez le chien, dans les races toy ou de petite taille, et brachycéphales.

→ Les malformations vertébrales sont fréquentes chez les chiens de race à queue dite “en tire-bouchon”, mais très rarement associées à des déficits neurologiques ou à un risque accru de hernie discale.

→ Une ventroflexion cervicale est l’un des signes les plus typiques d’une atteinte neuromusculaire chez le chat. Elle résulte de la faiblesse de la musculature cervicale dorsale.

ENCADRÉ 2 : Types de malformations vertébrales chez le chien et le chat

→ Hémivertèbre : déficit de formation de la moitié d’une vertèbre.

→ Vertèbre cunéiforme : raccourcissement du corps vertébral donnant un aspect en coin.

→ Vertèbre “papillon” : défaut de fusion du corps vertébral donnant aux deux hémivertèbres l’aspect d’un papillon.

→ Bloc vertébral : fusion de deux vertèbres contiguës, une anomalie plus fréquente dans la portion cervicale craniale.

→ Vertèbre de transition : vertèbre présentant les caractéristiques de deux régions vertébrales adjacentes, plus fréquemment rencontrée dans les zones de transition thoraco-lombaire ou lombo-sacrée où elle peut être surnuméraire.