PHARMACOLOGIE
Spécificités de l’animal pédiatrique
Auteur(s) : Antoine Rostang*, Jean-Claude Desfontis**, Hervé Pouliquen***
Fonctions :
*Oniris, site de La Chantrerie
Unité de pharmacologie et toxicologie
101, route de Gachet
44300 Nantes
Comprendre les spécificités du jeune animal permet au praticien de construire un schéma posologique individualisé selon les médicaments qu’il utilise chez l’adulte.
Biologiquement, il existe des différences très significatives entre un jeune animal et un animal adulte. Elles affectent le profil pharmacocinétique, pharmacodynamique, voire toxicologique des médicaments employés. Prescrire un médicament pour un chiot ou un chaton représente donc un exercice difficile pour tout praticien. Par ailleurs, la notion de jeune animal peut recouvrir des réalités assez différentes qui engendreront des prescriptions différenciées (encadré 1). Comprendre les spécificités du jeune permet au prescripteur d’exercer son regard critique sur des protocoles prêts à l’emploi, obtenus via divers canaux professionnels, et de construire un schéma posologique individualisé selon les médicaments utilisés. Beaucoup de données sont manquantes sur les jeunes animaux de compagnie et le prescripteur est parfois amené à extrapoler par lui-même un schéma posologique adéquat, en se fondant sur sa compréhension de leurs spécificités et sur les données pharmacologiques disponibles(1). Les contaminations liées au contact avec la mère ne sont pas traitées dans cet article qui se limite aux prescriptions et administrations directes chez le chiot ou le chaton.
Il existe fort peu de données dans les dossiers d’autorisation de mise sur le marché (AMM) sur les jeunes animaux. Pourtant, l’importance de l’âge sur la pharmacocinétique de nombreux médicaments n’est plus à démontrer. Le plus souvent, une majoration des effets secondaires est observée, en lien avec l’atteinte de concentrations toxiques lors de l’utilisation de posologies recommandées chez l’adulte. Plus rarement, des échecs thérapeutiques liés à des concentrations subthérapeutiques sont constatés chez le jeune animal lorsqu’un schéma posologique spécifique n’est pas employé. Enfin, il existe aussi des spécificités pharmacodynamiques, ou liées à la croissance rapide du jeune animal, qu’il importe de connaître. Le praticien doit donc comprendre les mécanismes qui expliquent ces différences, afin d’adapter son schéma thérapeutique. D’autant que les données disponibles sont souvent limitées et que, de ce fait, le praticien est relativement démuni.
Par voie orale, la capacité d’absorption évolue très fortement au cours de la vie du jeune. Au premier jour de vie, la muqueuse digestive est très perméable, permettant le passage des immunoglobulines, mais également de certains médicaments généralement non absorbés par voie orale qui peuvent alors diffuser dans le compartiment sanguin. Toutefois, chez les carnivores domestiques, la fermeture de la barrière intestinale intervient précocement par rapport à d’autres espèces. Cette perméabilité accrue est ainsi considérée comme achevée après 24 heures [6]. Au-delà, une résorption orale généralement moins rapide et moins complète que chez l’adulte est observée chez le chiot ou le chaton. La différence d’absorption entre le jeune et l’adulte serait liée à la combinaison de plusieurs facteurs (encadré 2). Pour autant, cette absorption habituellement plus réduite ne signifie pas nécessairement une sous-exposition de l’organisme. En effet, les concentrations plasmatiques mesurées résultent de l’absorption, mais aussi de la distribution, de la métabolisation et de l’élimination du médicament. Or, les compétences en matière de métabolisation (notamment l’effet du premier passage hépatique par voie orale) sont moindres chez le jeune, de même que les capacités d’élimination : malgré une absorption réduite, une surexposition de l’organisme peut donc être constatée (photo 1).
Par voie injectable, il existe également des différences significatives. Outre la difficulté de la pose d’une voie intraveineuse, notamment lorsqu’une déshydratation importante est observée, de nombreuses précautions sont à prendre chez le jeune animal qui supporte mal des surcharges liquidiennes trop rapides, et reste très sensible à tout déséquilibre électrolytique. Par voie sous-cutanée ou intramusculaire, la résorption des médicaments peut aussi différer de ce qui est mesuré chez l’adulte (photo 2). Ainsi, le développement de la masse musculaire, de son irrigation et de ses capacités vasomotrices au cours de la croissance de l’animal s’accompagne d’une meilleure résorption chez l’adulte par voie intramusculaire par rapport au jeune. Au contraire, par voie sous-cutanée, la faible présence de graisses et un volume d’eau extracellulaire plus élevé s’accompagne généralement d’une résorption plus rapide chez le jeune. Enfin, l’influence de la température corporelle doit être prise en compte chez les jeunes animaux dont la fonction thermorégulatrice n’est pas complètement mature. Ainsi, chez un jeune animal en hypothermie, la résorption par voie sous-cutanée ou intramusculaire est fortement réduite, jusqu’à la normalisation de la température corporelle, ce qui limite fortement la pertinence de cette voie d’administration dans ce cadre [13].
Par voie pulmonaire, les jeunes animaux absorbent très rapidement les anesthésiques volatiles, en raison notamment d’une ventilation alvéolaire plus élevée (avec une consommation en oxygène rapportée au poids doublée par rapport aux adultes, chez l’homme par exemple). Cela nécessite la mise en place de protocoles spécifiques [2, 9].
Des différences sont également rapportées pour les autres voies d’administration. L’absorption transcutanée est liée notamment à l’hydratation de la peau. Celle-ci étant supérieure chez le jeune animal, une application topique de médicaments s’accompagne le plus souvent d’un pic de concentration plasmatique plus élevé et plus rapide. Cela peut être à l’origine d’une toxicité accrue en cas de marge thérapeutique faible [13]. La voie intrarectale peut se révéler pertinente : l’absorption est rapide quel que soit l’âge de l’animal. Elle représente une solution lors de cathétérisation complexe, en cas d’urgence, ou pour éviter la voie orale. D’autres voies moins habituelles peuvent être employées, notamment pour mettre en place une fluidothérapie, comme la voie intrapéritonéale dont la résorption est lente, mais plus complète que chez l’adulte, ou la voie intra-osseuse, malgré un débit liquidien limité [4].
Il existe une différence importante dans la proportion d’eau extracellulaire/intracellulaire entre le jeune animal et l’adulte (tableau). Ainsi, à la naissance, la quantité totale d’eau dans l’organisme représente 84 % du poids du chiot, avec un ratio eau extracellulaire/eau intracellulaire (E/I) de 1,6. À l’âge d’un mois et demi, elle ne représente plus que 70 % du poids total de l’animal, mais toujours avec une répartition majoritairement extracellulaire (ratio E/I = 2), alors que chez l’adulte (plus de 2 ans), la quantité d’eau ne représente plus que la moitié du poids total du corps avec une répartition majoritairement intracellulaire [4]. Ce changement majeur de répartition de l’eau dans l’organisme au cours de la première année de vie est une source de différences pharmacocinétiques notables entre le jeune et l’adulte. Ainsi, la concentration plasmatique de composés hydrosolubles ou de substances ionisées au pH plasmatique (acides faibles) est réduite en raison d’un volume de distribution nettement supérieur, avec un impact sur l’efficacité des molécules sur leur cible.
La faible couverture graisseuse est un autre facteur important chez le jeune animal. Comme les graisses jouent souvent un rôle de réservoir pour les molécules lipophiles (comme les lactones macrocycliques), deux particularités sont classiquement observées : les concentrations plasmatiques initiales sont supérieures chez le jeune par comparaison avec l’adulte (liées à un volume de distribution réduit), mais la rémanence est modifiée.
Enfin, des différences notables quant à l’irrigation locale sont notées chez le jeune. Par exemple, son irrigation cardiaque est plus importante, ce qui le rend plus sensible à un risque toxique. De même, beaucoup de xénobiotiques atteignent des concentrations cérébrales plus élevées pour une exposition systémique donnée chez les nouveau-nés par rapport aux adultes [19]. Si la barrière hémato-méningée est considérée comme pleinement opérationnelle dès la naissance, elle doit pourtant répondre aux besoins spécifiques de croissance cérébrale du jeune animal, en termes d’apports de nutriments et d’autres molécules essentielles au développement neuronal. Ainsi, la susceptibilité accrue du nouveau-né à la neurotoxicité des médicaments serait in fine potentialisée par des systèmes de transport très actifs qui favorisent le passage de certaines molécules, lesquelles ne franchissent que peu la barrière hémato-méningée chez l’adulte [20].
Plusieurs fonctions biologiques sont immatures chez le très jeune animal, comme la néoglucogenèse, la glycogénolyse, la biosynthèse protéique (à l’origine d’une albuminémie et d’une α1-glycoprotéinémie réduite) ou le métabolisme biliaire. De même, le système enzymatique hépatique est immature chez le nouveau-né, avec une réduction des capacités de métabolisation des xénobiotiques, aussi bien de phase I (oxydations) que de phase II (conjugaisons), et sa maturation est lente. Ce système enzymatique n’est souvent considéré comme équivalent à celui de l’adulte qu’à partir de l’âge de 4 mois. Cela peut cependant varier selon les mécanismes enzymatiques et les espèces considérées (données limitées sur les carnivores domestiques). Cette moindre capacité de métabolisation hépatique se traduit généralement par une clairance plasmatique réduite, une demi-vie augmentée et un risque accru d’atteindre une concentration plasmatique toxique. Une réduction des doses d’entretien employées, ou un espacement de l’intervalle entre deux administrations, est recommandée avec certaines molécules chez le jeune animal [17]. Pour certaines prodrogues, au contraire, comme la prednisone ou la cortisone (sans AMM par voie systémique en médecine vétérinaire), l’efficacité peut se révéler minorée en raison d’une réduction hépatique insuffisante de la fonction cétone, à l’origine d’une concentration restreinte en molécule effectrice.
De même, le métabolisme non hépatique est parfois réduit chez le jeune animal. C’est le cas notamment des cholinestérases plasmatiques, en quantité moindre chez le jeune, à l’origine d’une sensibilité accrue aux inhibiteurs des cholinestérases (carbamates, organophosphorés) ou à la procaïne [4].
Les capacités d’élimination rénale et hépatique sont particulièrement limitées au cours des premiers mois de vie. Ainsi, le débit de filtration glomérulaire augmente progressivement au fur et à mesure du temps, et se trouve multiplié par sept après quelques mois. De même, la capacité de sécrétion tubulaire est multipliée par quatre. Ainsi, jusqu’à environ 3 mois d’âge, une clairance rénale réduite est observée, entraînant un risque accru de surexposition de l’organisme, tout particulièrement lorsque le schéma posologique comprend des administrations répétées. Un espacement des administrations reste une recommandation classique chez le très jeune animal. Toutefois, pour certains médicaments, une clairance accrue peut être notée, comme pour l’enrofloxacine chez le chaton [21].
D’autres différences sont décrites chez le chiot ou le chaton, en lien avec l’immaturité de certaines fonctions physiologiques. C’est le cas, par exemple, de l’atropine, de la dopamine, de la dobutamine ou des anticholinergiques, pour lesquels la réponse thérapeutique limitée serait en partie due à une immaturité de l’innervation du jeune animal.
Il existe un risque majoré d’effets indésirables avec certaines molécules chez le jeune, notamment avec certains antibiotiques tels que les tétracyclines, les fluoroquinolones et les aminosides.
Les tétracyclines, en raison de la chélation au calcium des os et des dents, peuvent provoquer une décoloration des dents et inhiber la croissance des os longs chez les jeunes animaux (lors de l’utilisation de doses élevées ou sur de longues périodes de traitement). La véritable incidence de ce phénomène n’est pas connue en médecine vétérinaire, mais en médecine humaine cette famille d’antibiotiques est déconseillée chez l’enfant de moins de 7 ans [16].
Les fluoroquinolones possèdent un potentiel effet délétère sur les cartilages en développement, principalement chez les races de grande taille. Le chien et le rat seraient ainsi les espèces animales les plus sensibles. Ce phénomène est lié à une chélation du magnésium, indispensable à la croissance cartilagineuse, par la molécule. Une contre-indication d’utilisation avant l’âge de 12 à 18 mois figure donc sur les résumés des caractéristiques du produit des spécialités pharmaceutiques concernées. Toutefois, les cas de boiteries ou de gonflements articulaires décrits en médecine vétérinaire à la suite de l’utilisation de doses importantes de fluoroquinolones semblent rétrocéder à l’arrêt des traitements [15].
Les aminosides sont connus pour leur néphrotoxicité et leur ototoxicité. Les facteurs de risque associés à cette toxicité sont, outre les traitements prolongés ou des administrations trop rapprochées, le jeune âge ainsi que les perturbations électrolytiques (hypokaliémie, hyponatrémie), les situations d’hypovolémie ou l’utilisation concomitante d’autres molécules néphrotoxiques, toutes ces situations étant fréquentes chez le jeune animal. Chez le nouveau-né, la toxicité rénale semble paradoxalement réduite, en raison d’un flux sanguin rénal modifié [7].
L’objectif, au travers des cas cliniques proposés, est d’illustrer les spécificités de la prise en charge thérapeutique chez le jeune animal par rapport à l’adulte. Une attention particulière est donc portée au raisonnement qui sous-tend certains choix thérapeutiques.
Un chiot de 2 mois est présenté en consultation pour un sepsis, avec un probable point de départ digestif. La prise en charge thérapeutique générale du sepsis étant détaillée dans l’article sur les urgences pédiatriques(2), nous nous concentrerons ici sur le choix et le schéma posologique de l’antibiotique à utiliser. La nature de la bactérie est généralement inconnue lors de sepsis ou de choc septique. Pour mettre en place un traitement antibiotique, une approche probabiliste est nécessaire, fondée sur les données de la littérature, ainsi que sur les données anamnestiques, cliniques et paracliniques du cas. Les agents les plus couramment rencontrés dans ce type d’infection d’origine digestive sont des entérobactéries (E. coli, Klebsiella, Proteus) pour ceux à Gram négatif, et des streptocoques ou entérocoques pour ceux à Gram positif, voire certains anaérobies (Clostridium spp) [3, 8]. Un antibiotique à large spectre, bactéricide et disposant d’une forme pharmaceutique utilisable par voie intraveineuse est à privilégier. Les antibiotiques disponibles par voie intraveineuse chez les carnivores domestiques sont limités à la gentamicine, aux sulfamides associés au triméthoprime, aux fluoroquinolones (enrofloxacine, marbofloxacine), à l’amoxicilline et/ou l’acide clavulanique (pas d’AMM intraveineuse en médecine vétérinaire) et aux tétracyclines. Pour la gestion du sepsis chez le chien, la Federation of European Companion Animal Veterinary Associations (Fecava) recommande l’utilisation par voie intraveineuse d’une combinaison de pénicilline A et de fluoroquinolones, en attente des résultats d’identification et de sensibilité de la souche impliquée. Chez les jeunes animaux, nous préférons l’association d’amoxicilline et d’acide clavulanique par voie intraveineuse, sans adjonction de fluoroquinolones, en raison à la fois de leur effet toxique chez le jeune et de leur criticité réglementaire (photo 3). L’amoxicilline est un acide faible ionisé au pH plasmatique qui va donc se distribuer essentiellement dans le milieu extracellulaire, comme tous les xénobiotiques acides. La dilution de cet antibiotique dans un volume de distribution nettement supérieur chez un jeune animal impose d’augmenter la dose à administrer. Les capacités de clairance rénale étant moindres chez le chiot pour cet antibiotique, éliminé essentiellement par voie rénale, un espacement plus important des administrations reste conseillé. Ainsi, un schéma posologique de 20 à 30 mg/kg/12 heures par voie intraveineuse est recommandé pour ce chiot de 2 mois (versus 10 à 20 mg/kg/6 à 8 heures IV chez l’adulte). La durée du traitement n’est que peu étayée chez l’animal, car elle dépend de la cause sous-jacente à l’origine probable du sepsis. Habituellement, l’antibiothérapie est prolongée a minima jusqu’à la résolution du foyer infectieux [16].
Chez un chaton de 8 semaines, devant subir une intervention chirurgicale, une prise en charge de la douleur peropératoire et postopératoire s’impose. L’analgésie ne doit pas être négligée, tout particulièrement chez le jeune animal, chez lequel une douleur mal gérée peut moduler ses capacités nociceptives et son comportement futur [1, 10]. Il est également noté une mémorisation et une capacité à l’hyperalgésie accrues chez le jeune.
L’analgésie peropératoire fait fréquemment intervenir une anesthésie locale avec de la lidocaïne et/ou de la bupivacaïne. Elle est utile dés lors qu’un acte invasif est réalisé (par exemple, une incision cutanée et/ou musculaire). Comme l’administration de lidocaïne est douloureuse chez le jeune, même avec des aiguilles de petite taille, mieux vaut l’administrer après un tamponnage dans une solution de bicarbonate de sodium (mélange de lidocaïne 20 : 1 avec 1 mEq/ml de bicarbonate de sodium) [14]. La dose maximale d’anesthésique local est la moitié de celle d’un adulte pour les chatons jusqu’à 10 jours. Pour un chaton de 8 semaines, la dose doit également être réduite, mais dans une moindre proportion, pour prendre en compte les particularités des nerfs chez le jeune (finesse et myélinisation incomplète). En revanche, cette analgésie disparaît plus rapidement que chez l’adulte (une à deux heures après l’administration) et nécessite donc un relais postopératoire plus précoce.
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont contre-indiqués chez les animaux âgés de moins de 6 semaines et doivent être évités tant que la maturité des organes n’est pas atteinte, en raison du rôle des prostaglandines dans la maturation rénale et l’équilibre hydro-électrolytique [18]. L’emploi des morphiniques est envisageable, en privilégiant la buprénorphine qui produit un minimum de dépression respiratoire et présente une durée d’action de l’ordre de six à huit heures. La méthadone et la morphine peuvent également être administrées, mais entraînent un risque plus élevé de dépression respiratoire dose dépendante et leur durée d’action est plus courte (de l’ordre de deux à trois heures). Lors de l’utilisation d’un morphinique, il convient de débuter avec une dose plus faible que chez l’adulte (morphine à 0,2 mg/kg, méthadone à 0,3 mg/kg, buprénorphine à 0,02 mg/kg) puis d’adapter le schéma posologique à la fois selon le besoin analgésique de l’animal et sa réponse clinique au traitement (incluant les effets indésirables observés) [14]. La buprénorphine peut être administrée par voie transmuqueuse orale chez le chat, à la même dose. Un surdosage des morphiniques peut être combattu en administrant un antagoniste comme la naloxone, qui n’est que rarement disponible dans la clinique. Lorsqu’il s’agit d’un surdosage à la morphine, à la méthadone ou au fentanyl, une action antagoniste peut être obtenue en administrant de la buprénorphine, un agoniste partiel des récepteurs morphiniques.
L’évaluation du risque parasitaire spécifique du chiot reçu en consultation doit être conduite par le praticien. Elle doit impérativement prendre en compte la proximité de l’animal avec l’homme, en considérant aussi bien le risque zoonotique que le risque majoré de contact entre la spécialité pharmaceutique prescrite et le propriétaire (par exemple avec les spot on ou les bains).
Habituellement, le traitement antiparasitaire interne requis cible principalement les nématodes. Il convient donc de privilégier une molécule, ou une association de molécules, à action nématodicide, dépourvue d’action cestodicide ou coccicide, principalement pour ne pas favoriser le développement éventuel de résistances. Chez un chiot de 10 semaines, les principaux nématodicides qui peuvent être prescrits sont les avermectines et apparentées (sélamectine et milbémycine), l’association de fébantel et de pyrantel, les benzimidazoles (mébendazole, fenbendazole, flubendazole et oxfendazole) et la pipérazine. L’inconvénient majeur des benzimidazoles et de la pipérazine tient à leur schéma posologique qui impose une à deux administrations par jour, pendant deux à cinq jours, ce qui ne favorise pas l’observance du traitement. L’inconvénient de la milbémycine est qu’elle est systématiquement associée à une autre molécule, essentiellement le praziquantel, un cestocide. L’utilisation de la forme en spot on impose une information approfondie des propriétaires, notamment en cas de présence de jeunes enfants, avec interdiction de contact entre eux et la zone traitée sur le chiot jusqu’au séchage complet du pelage. La forme orale permet de s’affranchir de ce type de contrainte.
Concernant les parasites externes, il s’agit pour le praticien d’évaluer le risque d’infestation par les puces et les tiques, et plus accessoirement par les poux ou les agents des gales. En termes de traitement, chez un chiot de 10 semaines et pour des raisons de toxicité potentielle, il est conseillé d’éviter les organophosphorés et les carbamates, les pyréthrinoïdes et l’amitraz [5, 11]. Les principaux insecticides et/ou acaricides à prescrire sont le fipronil, l’imidaclopride, le dinotéfurane, l’indoxacarbe, les isoxazolines (afoxolaner, fluralaner, lotilaner et sarolaner), la sélamectine, ainsi que le lufénuron et le méthoprène. Le choix de la molécule et de la spécialité pharmaceutique repose sur l’évaluation du risque parasitaire, mais aussi sur des critères galéniques (spot on, spray, comprimé) et financiers essentiellement. Là encore, la prise en compte de la proximité de l’animal avec l’homme peut influer sur la forme galénique retenue. De plus, il est essentiel de prendre le temps de former le propriétaire à l’administration correcte du médicament, à sa conservation adéquate, ainsi qu’à la procédure à suivre en cas d’effets secondaires, tout particulièrement chez le jeune chiot.
Les nombreuses spécificités qui distinguent chiots et chatons de l’animal adulte imposent au praticien une approche tout à fait particulière et différente de sa pratique habituelle lors de la mise en place d’un traitement. La pharmacocinétique, la pharmacodynamie ou le profil toxicologique de nombreux médicaments sont en effet modifiés chez le jeune animal. Ceci impose une évaluation attentive de la balance bénéfice/risque et un choix judicieux des thérapeutiques à employer, mais aussi, bien souvent, une redéfinition du schéma posologique. Malheureusement, peu de données sont disponibles chez le chiot ou le chaton. De plus, celles disponibles sont souvent extrapolées à partir d’autres espèces, notamment l’homme ou les animaux de production. Enfin, la plupart des données sont concentrées sur la première semaine, voire sur les quelques semaines qui suivent la naissance (néonatalogie). Les données plus tardives (trois à douze mois) sont encore plus limitées, alors que de nombreuses différences avec l’animal adulte persistent. Le praticien doit donc être particulièrement vigilant quant à ses prescriptions pour les animaux de moins d’un an. Une bonne compréhension des mécanismes sous-jacents peut apporter une aide significative à son exercice quotidien.
(1) Voir l’article « Penser une prescription pertinente chez le jeune animal » d’A. Rostang dans ce numéro.
(2) Voir l’article « Les urgences pédiatriques chez le chiot et le chaton » d’A. Nectoux dans ce numéro.
Aucun.
D’un point de vue pharmacologique, il est classique de différencier plusieurs périodes dans la vie du jeune animal, bien que ce découpage soit artificiel et que les fonctions biologiques aient une évolution propre qui ne respecte pas de calendrier précis.
→ La vie in utero, soumise au risque du passage transplacentaire de certaines molécules.
→ La période néonatale (3 à 4 semaines de vie), caractérisée par une alimentation lactée et une dépendance totale à la mère, suivie d’une période pédiatrique précoce qui couvre les 4 premiers mois de vie. C’est durant ces deux étapes que les différences avec un organisme adulte sont les plus criantes (formation des flores microbiennes, alimentation lactée et résidus médicamenteux, immaturité de nombreuses fonctions biologiques, etc.).
→ La phase “transitionnelle” jusqu’à l’âge adulte, pendant laquelle les différences entre adultes et jeunes s’atténuent progressivement, mais peuvent rester significatives. Les données en néonatalogie sont importantes (bien que majoritairement fondées sur des modèles murins ou humains), mais plus l’animal grandit, moins il existe d’études disponibles. Pour autant, cela ne fait pas du jeune de 6 mois un animal adulte.
→ Le pH gastrique est moins acide, ce qui entraîne :
– une absorption réduite des acides faibles, comme les anti-inflammatoires non stéroïdiens ou les b-lactamines, en lien avec une ionisation gastrique amplifiée et une dissolution réduite ;
– une absorption augmentée des bases faibles comme les aminosides [4, 12].
Le temps de vidange gastrique est moindre chez le très jeune animal, mais il peut fortement varier au cours de la croissance [13, 22].
→ La sécrétion biliaire ne se met en place que progressivement, limitant l’absorption des substances liposolubles [4, 13].
→ Le péristaltisme est plus lent et plus irrégulier [4, 13].
4, 13 La flore microbienne est en cours d’acquisition, ce qui peut avoir des conséquences sur le métabolisme digestif et pariétal [4].
→ Plus l’animal est jeune, plus les caractéristiques pharmacocinétiques (absorption, distribution, élimination, métabolisation) et pharmacodynamiques (en lien avec l’immaturité de certaines fonctions biologiques) peuvent être fortement modifiées par rapport à celles de l’animal adulte.
→ Il existe diverses contre-indications d’emploi de certains médicaments chez le jeune animal, ce qui impose au praticien une vérification attentive avant toute prescription.
→ Malgré la carence de données d’autorisation de mise sur le marché spécifiques, le schéma posologique adapté au jeune diffère souvent de celui utilisé chez l’adulte.
→ Le schéma posologique doit impérativement être raisonné par le praticien, aussi bien au niveau de la dose à administrer que de l’intervalle entre deux traitements.