LES GESTES
Généralités, connaissances et gestes de base
Auteur(s) : Laetitia Garbay*, Emmanuel Risi**
Fonctions :
*Unité NAC
CHV Saint-Martin
74370 Saint-Martin-Bellevue
**FauneVet
CHV Atlantia
22, rue René Viviani
44200 Nantes
Deux techniques d’intubation sont possibles chez le lapin, par sonde endotrachéale ou par dispositif supraglottique.
Outre les précautions à prendre, chacune présente des avantages et des inconvénients.
La plupart des vétérinaires utilisent un masque lors de l’anesthésie du lapin, ce qui limite largement le contrôle de la ventilation et réduit alors la sécurité de l’anesthésie. Il est pourtant possible de recourir à d’autres dispositifs, tels que l’intubation supraglottique récemment mise au point et commercialisée pour cette espèce. Par ailleurs, si l’intubation peut être perçue comme un acte intimidant, elle demeure la meilleure technique de maintien de la perméabilité des voies respiratoires.
Des sondes trachéales de 2 à 2,5 mm de diamètre sans ballonnet sont le plus souvent utilisées (tableau 1 et photo 1) [1]. Cela limite les lésions de la muqueuse et la diminution du diamètre interne de la sonde. En effet, avec un trop faible diamètre, les sondes risquent de se boucher.
Le lapin étant sujet au laryngospasme, l’application locale d’un spray de lidocaïne ou d’un gel anesthésique (Tronothane ®) est recommandée, en prenant soin de ne pas obstruer la trachée. L’anesthésie est induite par voie injectable ou maintenue à l’aide d’un petit masque placé sur les narines de l’animal.
Le larynx forme un angle très marqué et l’ouverture buccale du lapin est assez limitée. De plus, le voile du palais est long et masque l’épiglotte, positionnée physiologiquement vers le nasopharynx et non en position intraorale. La position de l’animal est donc primordiale. La tête et le cou doivent être en hyperextension pour aligner le larynx et la trachée avec l’oropharynx, avec une légère traction de la tête vers l’avant, et la langue doit être extériorisée à la pince et réclinée ventralement (photo 2). Il est utile, pour cela, de fixer l’animal par les incisives sur une table de dentisterie ou d’utiliser un pas d’âne pour lapins et rongeurs. Le voile du palais doit d’abord être relevé délicatement à l’aide de la pointe de la sonde trachéale pour dégager la glotte. La rigidité de la sonde doit pour cela être renforcée par un mandrin métallique courbé à 30°, glissé dans sa lumière.
Deux techniques d’intubation sont classiquement décrites (tableau 2, photos 3 et 4). Dans les deux cas, l’introduction de la sonde déclenche souvent de petits réflexes de toux, signe d’un bon positionnement.
Il convient de ne pas forcer l’introduction de la sonde, surtout si des signes d’œdème laryngé ou d’hémorragie apparaissent. De plus, elle ne doit pas être enfoncée trop profondément (risque d’intubation bronchique). Elle est ensuite maintenue en place à l’aide d’un adhésif et d’un petit lien élastique. Il convient de veiller aux mouvements de l’animal lorsque la sonde est accrochée, car l’absence de ballonnet adhérent à la muqueuse augmente les risques d’extubation. De plus, manipuler la tête ou le cou du lapin entraîne un risque de rupture trachéale ou de sténose. Le bon positionnement de la sonde peut être évalué en visualisant la condensation à l’intérieur ou sur une surface métallique, la détection du CO2 expiré par capnométrie (méthode la plus fiable) ou la détection de l’expiration par un détecteur d’apnée si le volume expiré est suffisant (attention aux faux négatifs chez les individus de petite taille). En revanche, le déplacement de poils placés à la sortie de la sonde n’est pas un indicateur, car le débit de ventilation du lapin peut être faible, rendant les mouvements non visibles. Si l’opérateur appuie sur le thorax, il peut évacuer l’air contenu dans les voies digestives, notamment si une préoxygénation au masque a été effectuée, faussant la vérification du positionnement.
Le V-Gel® est un masque supraglottique adapté à l’anatomie du lapin, qui vient se placer à l’entrée du pharynx (photos 5 et 6). Six tailles permettent une adaptation au gabarit de l’animal. Le dispositif est assez coûteux (environ 140 € HT) et le nombre d’utilisations est en théorie limité. La stérilisation à l’autoclave est possible.
La mise en place du V-Gel® est simple. Cependant, comme pour une intubation classique, le lapin doit être maintenu fermement, en décubitus sternal et bien droit. La tête est soulevée et inclinée vers l’arrière afin de libérer l’entrée de l’oropharynx. Une inspection visuelle de la cavité buccale permet de vérifier l’absence de débris alimentaires, pour éviter une fausse déglutition par l’enfoncement des aliments jusqu’à l’entrée de l’oropharynx. Le V-Gel® est alors lubrifié, puis il est introduit en douceur jusqu’à ce qu’une résistance au retrait soit ressentie. Celle-ci est due au blocage d’une partie du V-Gel® par la base de la langue. La capnométrie est indispensable afin de s’assurer de son bon positionnement, au moment de l’intubation, mais également tout au long de l’anesthésie.
La mise en place et l’emploi de ce dispositif simple et rapide présentent de nombreux avantages par rapport à l’intubation endotrachéale. Toutefois, il existe des contre-indications et des complications liées à son usage. En pratique, malgré son système de blocage, le V-Gel® peut facilement bouger et engendrer ainsi une obstruction partielle ou totale des voies respiratoires [4]. L’animal n’est alors plus correctement ventilé, par perte d’étanchéité. Toute intervention au niveau de la tête ou du cou du lapin, telle que la dentisterie, tend donc à contre-indiquer l’utilisation d’un V-Gel®. De plus, un mauvais positionnement peut induire un tympanisme gastrique douloureux et limiter la ventilation pulmonaire durant l’anesthésie et au réveil de l’animal.
Le choix de la taille du V-Gel® et sa bonne mise en place sont également importants. Un V-Gel® trop grand et/ou une mauvaise technique de pose peuvent induire une cyanose de la langue, voire une obstruction des voies respiratoires. Nous nous interrogeons enfin sur les risques liés à l’utilisation du V-Gel® lors d’une intervention prolongée : cela pourrait, à terme, engendrer un œdème laryngé, donc un défaut de ventilation de l’animal.
Conflit d’intérêts : Aucun
L’intubation endotrachéale chez le lapin est plus difficile, moins rapide et plus traumatisante pour la muqueuse trachéale que le dispositif V-Gel®. En outre, elle nécessite une certaine expérience pratique [1, 2, 3]. Cependant, cet acte permet une bonne ventilation et est donc plus sûr pour l’animal. Une fois la sonde correctement mise en place, les risques liés à son utilisation sont bien moins élevés qu’avec un V-Gel®. Quant à l’intubation suppraglottique, elle se révèle très pratique en situation d’urgence et doit être utilisée en priorité dans cette indication, car le gain de temps en réanimation cardiorespiratoire est incomparable. Son emploi lors de procédures anesthésiques mérite d’être réfléchi et nécessite impérativement le recours à la capnométrie.