ÉDUCATION THÉRAPEUTIQUE
Particularités thérapeutiques
Auteur(s) : Yassine Mallem*, Didier Boussarie**
Fonctions :
*Professeur
Oniris
Unité de pharmacologie et toxicologie
101, route de Gachet
44300 Nantes
**Clinique vétérinaire de Fismes
2, rue des Comtes Thibault
51170 Fismes
L’adhésion du propriétaire d’un lapin de compagnie à un traitement ou à une prescription diététique et sa persistance à l’appliquer sont essentielles au respect de l’observance.
En médecine vétérinaire, l’observance thé rapeutique reste globalement peu documentée et peu évaluée à ce jour (encadré 1) [1, 2, 3, 6]. Elle est fortement influencée par le coût des traitements que le propriétaire doit assumer seul. Chez le lapin de compagnie, comme dans les autres espèces animales, elle est généralement considérée comme suboptimale pour les médicaments administrés sur le long terme par voie orale. Cet article passe en revue les facteurs qui influencent l’observance, les conséquences de l’inobservance et les moyens qui permettent d’augmenter l’adhésion à un traitement chez le lapin de compagnie.
Les facteurs qui influent sur l’observance chez le lapin concernent particulièrement les affections chroniques (digestive, dentaire, etc.) et gériatriques. Ils comprennent la survenue d’effets indésirables, le coût et l’accès aux médicaments, le nombre de médicaments administrés, la fréquence et la durée de leur administration, la complexité des régimes alimentaires à suivre, et la capacité du propriétaire à administrer le médicament (des gouttes ophtalmiques ou un comprimé par voie orale, par exemple) [6]. Le mode de vie du propriétaire (horaires décalés, déplacements, etc.) peut également empêcher l’administration de médicaments plus d’une fois rapeutiques sont complexes. Par exemple, un long délai est parfois nécessaire entre l’administration orale de certaines molécules : le sucralfate est à administrer une à deux heures après la doxycycline afin de réduire les effets négatifs sur la biodisponibilité, les antibiotiques par voie orale doivent être administrés à distance des probiotiques en respectant un délai d’au moins deux heures, etc. La palatabilité du médicament administré par voie orale est également un facteur déterminant. Ainsi, chez le lapin de compagnie, la prescription de la suspension orale appétente de méloxicam entraîne une meilleure observance thérapeutique lors de la prise en charge d’une maladie inflammatoire chronique. De plus, l’adhésion à un traitement est meilleure pour les formes liquides de médicaments administrés par voie orale. Ainsi, la forme liquide du fenbendazole permet une administration relativement aisée pendant un mois chez un lapin atteint d’encéphalitozoonose.
Un défaut d’adhésion ou de persistance du propriétaire limite l’efficacité du traitement prescrit, aggrave l’évolution de la maladie traitée et augmente le risque de pharmacorésistance et d’accidents iatrogènes. Le défaut d’observance pour un traitement antibiotique peut aboutir à la prise en charge incomplète d’une infection, favoriser le développement de l’antibiorésistance ou d’une entéropathie, ou encore augmenter le risque d’une toxicité digestive mortelle en cas de surdosage [8]. L’arrêt brutal d’un traitement analgésique peut engendrer des signes hyperalgiques, et toute sous-utilisation chronique d’un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS), par exemple chez un lapin arthrosique, peut conduire à un mauvais contrôle des épisodes douloureux, à l’origine d’anorexie, elle-même source de troubles digestifs secondaires (troubles du transit). Par ailleurs, la faible adhésion à un régime alimentaire, qui nécessite parfois plusieurs semaines pour modifier le microbiote cæcal, peut se révéler néfaste lors de la prise en charge d’une diarrhée chronique ou d’un trouble du transit digestif.
La communication entre le vétérinaire et le propriétaire constitue la pierre angulaire de l’amélioration de l’observance thérapeutique chez le lapin de compagnie (encadré 2) [4, 5, 6].
Conflit d’intérêts : Aucun
En médecine vétérinaire, l’observance thérapeutique (compliance en anglais) décrit l’aptitude du propriétaire à se conformer à la prescription du praticien (figure). Elle concerne à la fois la prise médicamenteuse (posologie, horaires, nombre de prises), l’application des règles hygiéno-diététiques et le suivi médical. L’observance implique un accord mutuel entre le vétérinaire et le propriétaire, à travers lequel ce dernier doit activement exprimer son adhésion (respect des mesures prescrites selon un plan adapté aux besoins de l’animal) et sa persistance (tenue dans la durée et respect des suivis) dans l’applicat ion des recommandations, en vue d’aboutir à un traitement optimal de l’animal.
→ Première règle : prescription adaptée
L’ordonnance ou la prescription diététique doit être parfaitement lisible et les schémas posologiques simplifiés, en limitant le nombre de médicaments prescrits et le nombre de prises. Les formes retard, rares parmi les molécules couramment administrées chez le lapin, concernent surtout certains antibiotiques injectables administrés par le vétérinaire et doivent être favorisées lorsque c’est possible. Les corticoïdes retard injectables sont contreindiqués, ainsi que les antibiotiques à demi-vie d’élimination très longue tels que la céfovécine injectable retard.
Il convient aussi de favoriser la prescription de spécialités pharmaceutiques humaines, dans le cadre de la cascade, en cas d’indisponibilité de formes galéniques vétérinaires adaptées : les suspensions buvables, à privilégier chez le lapin, ne sont pas toujours disponibles parmi les spécialités vétérinaires ou sont destinées à des animaux de grande taille. Les médicaments à usage humain, notamment pédiatriques, sont pour la plupart globalement appétents pour le lapin*.
→ Deuxième règle : éducation thérapeutique par le vétérinaire
Il revient au praticien :
– d’éduquer médicalement le propriétaire en lui donnant les clefs pour comprendre la maladie de son animal et en lui expliquant les enjeux du traitement ;
– de montrer au propriétaire comment administrer le traitement, car la réussite de l’administration orale repose sur une contention adaptée ou l’augmentation de l’appétence si une prise spontanée est souhaitée ;
– d’être accessible, empathique et disponible pour faciliter le dialogue et l’adhésion thérapeutique ;
– de s’employer à maintenir la motivation du propriétaire, notamment pour le suivi des traitements à long terme, en expliquant que le traitement ne doit pas être interrompu, même en cas d’amélioration ou de guérison apparente de l’animal, sous peine de rechute.
→ Troisième règle : éducation thérapeutique par l’équipe soignante
L’équipe soignante doit se rendre disponible pour :
– expliquer avec un vocabulaire aisément compréhensible les modalités du traitement à domicile, au besoin en effectuant une administration du médicament devant le propriétaire ;
– fournir des fiches de consignes et/ou de conseils ;
– prendre des nouvelles (via des appels téléphoniques, courriels ou textos) de l’état de santé du lapin et encadrer les suivis cliniques réguliers.
* Voir article « Prescription et délivrance de médicaments chez le lapin de compagnie » dans ce numéro. D’après [4, 5, 6].
Pour de nombreuses affections, de longues périodes de traitement sur une base ambulatoire sont parfois nécessaires pour la prise en charge d’un lapin de compagnie. La réussite du traitement ne dépend pas que du vétérinaire, mais repose sur une coopération et une entente mutuelle avec le propriétaire.