LES FONDAMENTAUX
Généralités, connaissances et gestes de base
Auteur(s) : Jean-Claude Desfontis
Fonctions : Professeur
Unité de pharmacologie et toxicologie
Oniris
101, route de Gachet
44300 Nantes
Dans sa pratique quotidienne, le vétérinaire doit tenir compte des caractéristiques anatomo-physiologiques et comportementales du lapin de compagnie.
Le lapin est un animal sociable et attachant dont les particularités anatomo-physiologiques doivent être connues pour ne pas faire d’erreurs qui pourraient lui être fatales. Seules les spécificités de l’espèce sont abordées dans cette fiche, pour les diff érentes fonctions physiologiques.
Le lapin de compagnie présente des données physiologiques et des constantes hématologiques et biochimiques spécifiques, que le vétérinaire doit prendre en compte (tableaux 1 à 3).
Le lapin est un herbivore, qui possède un tube digestif fragile en raison du développement important de son cæcum qui héberge une activité fermentaire microbienne intense (figure). Ce cæcum est à l’origine de la production de crottes molles que le lapin ingère dès leur sortie au niveau anal (cæcotrophie)(1) [3, 5]. Toute perturbation physiologique de l’animal, liée à un stress ou une douleur, peut engendrer l’arrêt du transit digestif avec une stase gastro-intestinale, par activation orthosympathique, à l’origine d’un risque d’entérotoxémie mortelle. La meilleure prévention est d’assurer une alimentation très riche en fibres non digestibles, telle que le foin et l’herbe. Les crottes issues de la cæcotrophie contiennent des microorganismes et des produits de la fermentation microbienne, dont des acides aminés, des acides gras volatils et des vitamines. Après ingestion, une couche de mucus gélatineux protège ces crottes de l’acidité gastrique avant leur digestion puis leur absorption dans l’intestin grêle. Grâce à cette étape de fermentation cæcale, le lapin reçoit les nutriments nécessaires à ses besoins malgré une alimentation herbivore à base de fibres non digestibles [3, 5].
Le lapin possède des dents à croissance continue, qui nécessitent une usure régulière et constante, sans laquelle se produit une malocclusion dentaire.
Enfin, le lapin n’a pas la capacité de vomir. Ainsi, le jeûne préanesthésique ne se justifie que pendant une période d’une à deux heures afin de s’assurer de l’absence de nourriture dans la cavité buccale et de diminuer le contenu stomacal capable de peser sur le diaphragme. De plus, et compte tenu de la rapidité de son métabolisme, un jeûne prolongé risque d’induire une hypoglycémie.
Le lapin dispose d’organes lymphoïdes primaires tels que la mœlle osseuse, le thymus (et l’appendice vermiforme chez le lapereau), et d’organes lymphoïdes secondaires comme la rate, les ganglions lymphatiques et les tissus lymphoïdes associés aux muqueuses, dont l’appendice vermiforme et les plaques de Peyer dans l’intestin. Au niveau du tube digestif, le sacculus rotondus (à la jonction iléo-cæcale) et l’appendice vermiforme (partie finale du cæcum) constituent deux organes lymphoïdes caractéristiques chez le lapin, impliqués dans la réponse immunitaire spécifique.
La respiration s’effectue par le nez uniquement (cavité buccale longue, étroite, à faible amplitude d’ouverture ne permettant pas le passage de l’air). En cas de congestion ou d’infection du nez, des fosses nasales, des sinus ou des cornets nasaux, l’animal peut mourir d’une insuffisance respiratoire.
La cavité thoracique est de petite taille, comparativement à celle de la cavité abdominale, avec un risque d’altération de la mécanique ventilatoire lorsque l’animal est placé en décubitus dorsal (compression du diaphragme par les viscères abdominaux).
La capacité pulmonaire est faible (27 ml/ kg ) et le volume d’air résiduel élevé, ce qui rend le risque d’hypoxie plus fréquent lors d’affection respiratoire et en cas d’anesthésie générale.
La thermorégulation se révèle peu efficace, rendant le lapin très sensible aux variations de température. Il ne possède pas de glandes sudoripares. Les pertes de chaleur s’effectuent par les oreilles (vascularisation importante) et via l’élimination de la vapeur d’eau à chaque expiration. Lors d’anesthésie, un apport de chaleur (tapis chauffant, bouillotte, couverture, recouvrement des oreilles, etc.) est indispensable.
L’urine, naturellement épaisse et trouble, présente une couleur allant du jaune au brun rouge, due aux porphyrines (pigment physiologique) et un aspect variable selon la charge en minéraux et en matière azotée. Le pH est alcalin et la densité varie entre 1,015 et 1,025. La majeure partie du calcium alimentaire est excrétée (50 à 75 % selon l’aliment, absorbée par diffusion passive indépendante de la vitamine D) et forme dans l’urine un précipité blanc crémeux de carbonate de calcium [2].
En l’absence de circulation collatérale à la vascularisation coronaire, le lapin est davantage sujet à l’hypoxie myocardique et aux troubles du rythme.
Le tonus orthosympathique est prédominant, ce qui entraîne une activation cardiaque continuelle. Une suractivation orthosympathique peut se produire en situation de danger ou de contrainte (transport, douleur, mauvaise manipulation, environnement inadapté, etc.) et aboutir à de graves troubles du rythme, voire à un arrêt cardiaque.
Les yeux du lapin, de chaque côté de la tête, assurent une vision panoramique, mais empêchent la vision frontale à moins d’un mètre, avec un angle mort d’une dizaine de centimètres devant le nez de l’animal. À cet endroit, le lapin se sert de ses vibrisses pour détecter les éléments présents. Le champ de vision de chaque œil couvre un peu plus qu’un demi-cercle, mais les longues oreilles peuvent constituer une gêne. Avec cette vision latérale, le lapin a du mal à apprécier les distances. De plus, en raison de la faible densité des cellules sensibles à la lumière sur la rétine, sa vision est plutôt floue, peu précise, et il est plus sensible aux mouvements des objets qu’à leur forme.
Le lapin n’entend pas les sons très graves, mais il perçoit bien les ultrasons. L’ouïe est de bonne qualité grâce aux grands pavillons orientables qui permettent une localisation spatiale précise. Les lapins béliers entendent bien également, malgré leurs oreilles baissées.
L’odorat est le sens le plus développé chez le lapin, car il dispose d’une grande quantité de récepteurs olfactifs sur l’importante surface de la muqueuse des cornets nasaux. Cette aptitude est primordiale pour la communication sociale et le repérage à distance des prédateurs. Le lapin peut distinguer un vaste registre d’odeurs, ce qui explique ses préférences alimentaires. Les affections respiratoires altèrent fortement ses capacités olfactives et diminuent son appétit.
Le lapin est équipé de nombreux poils spécialisés, longs, épais et rigides appelés vibrisses, situés sur la lèvre supérieure, les joues, autour des yeux et dans la région temporale. Ces vibrisses informent l’animal sur l’environnement proche et sur sa nourriture [2]. Les muscles peauciers peuvent percevoir des courants d’air infimes, traduisant l’arrivée d’un prédateur par exemple [2].
Le lapin possède un squelette relativement léger (7 à 8 % de son poids corporel) par rapport au chat (12 à 13 % de son poids), ce qui l’aide à courir vite. Ses longs membres postérieurs, avec leurs muscles puissants, l’aident également à fuir devant un prédateur. Toutefois, ce squelette est fragile et la survenue de fractures est assez fréquente, au niveau vertébral ou fémoral. La contention du lapin doit notamment être réalisée dans les règles, afin d’éviter que l’animal se débatte énergiquement, source de fracture ou de luxation vertébrale aboutissant à une paraplégie.
Le lapin est un animal social qui apprécie la compagnie d’un congénère (stérilisé si possible pour un mâle) ou les contacts surveillés avec un animal d’une autre espèce (cobaye déconseillé pour le risque de bordetellose) et de l’homme. Il se déplace en marchant, en courant ou en bondissant. Il se sert de ses glandes odoriférantes sous le menton et en région ano-génitale pour marquer son territoire. Le mâle adulte non castré peut également effectuer un marquage en laissant des traces d’urine. Le lapin est plutôt actif le matin et en fin d’après-midi, et en profite pour s’alimenter. Sa communication tactile passe par un toilettage et un léchage entre animaux. Le langage corporel est très développé et les oreilles sont un baromètre de l’humeur de l’animal. Face à un danger, le lapin grogne, place ses oreilles en arrière et peut taper de la patte en guise d’avertissement.
(1) Voir les articles « Alimentation du lapin de compagnie : recommandations pratiques pour les propriétaires » et « Microbiote digestif chez le lapin : rôle des prébiotiques et probiotiques » dans ce numéro.
Conflit d’intérêts : Aucun
Le lapin présente de nombreuses spécificités anatomo-physiologiques qui doivent être prises en compte dans la démarche diagnostique et préalablement à la mise en place des traitements.