STASE OU OCCLUSION DIGESTIVE HAUTE : DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL ET TRAITEMENT - Ma revue n° 020 du 01/01/2020 - Le Point Vétérinaire.fr
Ma revue n° 020 du 01/01/2020

GASTRO-ENTÉROLOGIE

Dominantes pathologiques : démarche diagnostique et traitement

Auteur(s) : Julie Merlin*, Adeline Linsart**

Fonctions :
*Unité NAC
CHV Saint-Martin
275 Route Impériale
74370 Saint-Martin-Bellevue

Lors de ralentissement du transit digestif, il convient de distinguer stase gastrique et occlusion digestive, afin de mettre en place les mesures de gestion appropriées. Seules sont traitées ici la stase et l’occlusion digestives hautes.

Le ralentissement ou l’arrêt du transit, chez le lapin de compagnie, constitue l’un des motifs de consultation les plus fréquents. La stase gastrique correspond à une diminution progressive de la vidange gastrique qui aboutit à une déshydratation du bol alimentaire et se traduit par un ralentissement du transit (diminution du nombre de crottes, qui sont de plus en plus petites et sèches), voire son arrêt brutal. L’occlusion digestive survient lors d’obstruction digestive intraluminale ou extraluminale. Nous nous limiterons aux obstructions hautes, de l’estomac et de l’intestin grêle. Le pronostic vital peut être engagé après quelques heures d’évolution.

PHYSIOPATHOLOGIE

1. Stase gastrique

L’importance d’un régime riche en fibres pour la production de crottes en quantité et qualité normales, et le maintien de la cæcotrophie, est démontrée chez le lapin(1) [19]. Une alimentation pauvre en fibres entraîne un ralentissement du transit [19]. Le bol alimentaire stagne plus longtemps dans l’appareil digestif, l’absorption du glucose est alors altérée, les nutriments et les fluides ne sont plus distribués normalement à la flore cæcale. Le contenu digestif se déshydrate progressivement (réabsorptions le long du tube digestif) et forme ainsi un amas compact dans l’estomac ou le cæcum, qui ne parvient plus à être évacué normalement [27]. Le terme de trichobézoard est parfois employé à tort pour décrire ce processus, l’accumulation de poils étant plus une conséquence de la déshydratation du bol alimentaire que la cause de l’arrêt du transit [27].

La compaction du bol alimentaire, comme un stress ou une douleur en général, stimule le système orthosympathique, provoquant la décharge de catécholamines qui inhibent la motilité digestive et les sécrétions aqueuses digestives, contribuant ainsi à l’anorexie [9, 21, 27].

La diminution de l’apport alimentaire mène à un déficit énergétique et à une mobilisation d’acides gras libres, provoquant une acidocétose et une lipidose hépatique qui peuvent aller jusqu’à la mort de l’animal par insuffisance hépatique et rénale (infiltration adipeuse). De même, l’anorexie entraîne un arrêt progressif du transit. À l’inverse, l’exercice physique favorise le péristaltisme, et la prise de boisson permet l’hydratation du bol alimentaire et son transit dans le tube digestif.

2. Occlusion digestive haute

Elle peut survenir au cours de l’évolution d’une stase. Le contenu gastrique déshydraté crée de petits amas de poils et d’aliments (trichobézoard vrai). L’un d’eux peut provoquer une obstruction digestive intraluminale. L’ingestion d’un corps étranger, de poils, de fibres textiles, de graines de grande taille (maïs), de plastique, ainsi que la compression extraluminale du tube digestif (néoplasie, adhérences, kystes parasitaires, hernie, intussusception, abcès ou organomégalie) génèrent une obstruction digestive [11, 25]. La torsion d’un lobe hépatique, qui provoque une vive douleur, peut s’accompagner d’une dilatation gastrique (iléus paralytique lié à la douleur intense). La salive et le suc gastrique, dont la production est continue, s’accumulent dans le tube digestif en amont de l’obstruction (dans l’estomac et les anses digestives). Puis ce liquide fermente et il s’ensuit une production de gaz, avec dilatation progressive de l’estomac. Le lapin ne peut pas vomir, son sphincter cardial étant très développé. L’augmentation de la pression intragastrique provoque une forte douleur, à l’origine d’une anorexie, d’un iléus et d’une prostration. Le site de l’obstruction est souvent situé au niveau de la partie proximale du duodénum, peu après le pylore, dans la région moyenne de l’intestin grêle, ou encore à la jonction iléocæcocolique. Les obstructions pyloriques sont plus rares [5, 6]. Lorsque ce phénomène perdure, la compression de la veine cave caudale et de l’aorte provoque un choc hypovolémique et un déséquilibre électrolytique et acido-basique qui peuvent entraîner la mort de l’animal en quelques heures. Plus l’obstruction est haute, plus l’évolution est rapide [5, 6]. La mort peut également survenir à la suite d’une péritonite provoquée par une nécrose ischémique du site de l’obstruction ou d’une rupture gastrique [21, 25, 27].

ÉPIDÉMIOLOGIE

Les épisodes de stase digestive affectent généralement de jeunes adultes (1 à 4 ans), sans prédisposition de sexe ni de saisonnalité. Les races à poils longs ne sont pas prédisposées, mais les lapins nains et béliers semblent plus affectés [14]. Une maladie dentaire associée n’est pas systématique [14].

De son côté, l’occlusion digestive haute affecterait plus souvent de jeunes adultes, sans prédisposition de sexe [11]. Les lapins nains semblent également davantage prédisposés [11]. L’intestin grêle est le site d’obstruction le plus fréquent et l’étiologie est variée [11].

SIGNES D’APPEL ET EXAMEN CLINIQUE

1. Stase gastrique

Le signe d’appel est la production de crottes anormalement petites et sèches, voire un arrêt de leur émission (photo 1). Un abattement, une prostration, une diminution des déplacements et de la prise de boisson, du bruxisme, une anorexie apparaissent souvent progressivement, en deux à sept jours [9, 21].

À l’examen clinique, le lapin est normal ou plus ou moins abattu. Souvent il se déplace peu, avec un dos voussé dans certains cas. Une tachypnée et une tachycardie sont parfois observées, de même qu’une déshydratation [9, 27]. La palpation abdominale peut être douloureuse. La consistance du contenu stomacal varie de pâteuse à très indurée, évoquant de la “pâte à modeler”. Le volume gastrique est quelquefois augmenté. Peu de crottes sont palpables dans le côlon, voire aucune. Certaines anses intestinales ont un contenu aérique, et la fréquence des borborygmes est diminuée [21].

2. Occlusion digestive haute

Les signes d’appel sont similaires lors d’occlusion digestive haute, mais l’évolution est brutale, de l’ordre de quelques heures, en raison de l’obstruction.

Un abattement important, avec des signes de douleur plus marqués (absence de déplacement, abdomen aigu, tachycardie, etc.), est noté. Dans les stades avancés, le lapin est aréactif, en décubitus latéral, bradycarde, hypotendu, voire peut convulser et mourir pendant la consultation [9, 21]. Une hypothermie à l’admission péjore le pronostic [10].

L’estomac est de taille augmentée et dépasse du cercle de l’hypochondre. Sa consistance est liquidienne à aérique, évoquant une “vessie souple”. Parfois, il est dur et tendu, tel un “globe vésical”. Un tympanisme peut être présent. En amont de l’obstruction, le contenu des anses intestinales peut être aérique.

EXAMENS COMPLÉMENTAIRES

1. Radiographie

Deux incidences radiographiques de l’abdomen (face et profil) sont indispensables pour distinguer les deux affections [21].

Lors de stase gastrique, l’estomac est de taille variable, rempli d’un contenu alimentaire à la radio-opacité hétérogène dite en “mie de pain”. De l’air peut être observé, qui se détache du contenu gastrique et en souligne le contour. Une distension plus ou moins modérée du cæcum et des anses intestinales est possible (photo 2) [21].

En cas d’occlusion digestive haute, l’estomac est de taille augmentée et dépasse du cercle de l’hypochondre sur la vue de profil. Son contenu est liquidien et une bulle d’air, venant se superposer au contenu liquidien, est visualisée (photo 3). De plus, en cas d’obstruction, le diamètre de l’estomac est supérieur à la longueur L1-jonction coxo-fémorale, et sa paroi peut aller jusqu’à être en contact direct avec la paroi abdominale [8]. Du contenu gastrique en “mie de pain” est parfois encore visible malgré cette radio-opacité liquidienne, généralement lors d’obstruction récente. Des images radiographiques similaires à une occlusion digestive haute peuvent être observées en cas de stase gastrique avancée [25]. Le pronostic vital est engagé. De plus, un pneumopéritoine est en faveur d’une rupture gastrique, ce qui assombrit encore le pronostic [21]. Le diagnostic différentiel doit inclure l’entéropathie mucoïde, qui montre une dilatation gastrique dans les stades avancés, mais celle-ci est associée à une impaction du cæcum [27].

L’échographie abdominale complète la radiographie si une dilatation gastrique est confirmée (photo 4). Elle est généralement réalisée après une première phase de stabilisation médicale, afin d’apporter du confort et de stabiliser l’animal.

2. Analyses biochimiques

Un bilan biochimique est pertinent dans la prise en charge d’un lapin anorexique ou très abattu. Il se révèle indispensable lors de la prise en charge d’une dilatation gastrique : urémie, glycémie et alanine aminotransférase (Alat) sont les paramètres les plus intéressants. Lors d’obstruction digestive haute, des valeurs élevées de glycémie (> 3,6 g/l) et d’urémie (> 0,25 g/l) sont corrélées à un pronostic sombre et la prise en charge de tels cas relève des soins intensifs d’un animal en état critique [12, 28]. L’utilisation d’un analyseur de biochimie est préférable à un glucomètre portable qui sous-estime la glycémie et diminue la précision lors d’hématocrite élevé [26]. La glycémie permet également d’orienter le diagnostic vers une occlusion digestive lorsque sa valeur dépasse 4,45 g/l, contrairement à la stase digestive (glycémie à 1,53 g/l en moyenne) [11]. Lorsqu’une hyponatrémie parfois sévère (< 129 meq/l) est également décelée, elle assombrit le pronostic (risque de mortalité 2,3 fois plus élevé que chez un lapin normonatrémique), avec un risque d’œdème cérébral associé [4]. La mesure des Alat permet de ne pas négliger l’hypothèse de torsion d’un lobe hépatique.

La valeur seuil de l’urémie est indicative, car il convient d’associer d’autres critères pour obtenir une réelle valeur pronostique [28]. L’urémie élevée pourrait être liée à une anorexie prolongée et à une insuffisance rénale prérénale, mais le mécanisme exact reste inconnu [24, 28].

La physiopathologie de l’hyperglycémie n’est pas encore élucidée chez le lapin.

Les lactates ne sont pas mesurés en pratique pour cette affection, car la lactatémie dans cette espèce est plus élevée que chez les carnivores domestiques (0,9 +/- 0,4 g/l). Une diminution des lactates est associée à une morbidité et une mortalité plus élevées [1].

PRISE EN CHARGE

Ces deux affections nécessitent une hospitalisation en cas d’arrêt du transit, dans un endroit calme et tempéré, à l’abri des courants d’air et des prédateurs (réduction du stress).

En cas d’hypothermie, des mesures de réchauffement sont mises en œuvre, car elle peut être rapidement fatale chez le lapin (couveuse, bouillotte, fluidothérapie, gavages tiédis et surveillance de la température toutes les deux heures) [10].

L’analgésie doit être adaptée, et plus forte pour l’obstruction digestive haute(2). La douleur lors de stase digestive est chronique, modérée à sévère, et d’origine digestive ou extradigestive. Elle peut être évaluée et suivie à l’aide d’une grille d’évaluation de la douleur, comme la rabbit grimace scale (RbtCS) [3]. Le recours aux anti-inflammatoires non stéroïdiens est déconseillé en raison du risque d’ulcérations digestives. Des dérivés opiacés sont préférés en première intention [2, 3, 17, 18, 21, 27]. La douleur engendrée par la dilatation gastrique est aiguë : dans les cas où la morphine ou la méthadone se révèle insuffisante en administration unique (ou en bolus), une perfusion continue, ou constant rate infusion (CRI), peut être mise en place [7, 16, 17, 18].

Certains auteurs recommandent le recours, hors autorisation de mise sur le marché (AMM), au métamizole (Calmagine®, à raison de 50 mg/kg par voie sous-cutanée toutes les 8 heures), mais aucune donnée n’existe sur son effet analgésique et potentiellement ulcérogène [25].

1. Prise en charge médicale de la stase gastrique

Les objectifs sont de restaurer l’appétit, de corriger les déséquilibres électrolytiques et la déshydratation, de réduire la douleur, de stimuler la vidange gastrique et la motilité digestive et de réhydrater le contenu digestif [27].

Il est aussi important de favoriser la mobilité du lapin (sorties en parc) afin d’augmenter la motilité digestive et de le placer dans un environnement calme, en hospitalisation, afin de réduire tout risque de stress.

Réhydratation

La réhydratation est effectuée à la fois per os via le gavage et par voie sous-cutanée (10 à 20 ml/kg toutes les 4 heures), voire intraveineuse (4 à 6 ml/kg/h avec surveillance régulière des signes de surcharge) ou intraosseuse si la déshydratation est plus sévère, avec un cristalloïde isotonique (NaCl à 0,9 %) [3, 9, 23, 27]. Elle est d’autant plus importante qu’elle permet de rétablir les équilibres acido-basiques et électrolytiques, les reins du lapin ayant une capacité limitée à effectuer ces régulations.

Support nutritionnel

La réalimentation est importante, tant pour réhydrater le contenu digestif et favoriser la motilité digestive que pour prévenir la lipidose hépatique et rétablir certains équilibres électrolytiques [21, 27]. Un support nutritionnel est essentiel. Un aliment de soins intensifs pour herbivore (Oxbow Critical Care®, Supreme Recovery®, Supreme Recovery Plus®, Emeraid herbivore®) est administré via une seringue de gavage, ou une sonde nasogastrique si le gavage est mal toléré, à raison de 10 à 20 ml/kg per os toutes les 4 à 8 heures (en moyenne 10 ml/ kg par 4 heures, soit 60 ml/kg/j) [3, 9, 23, 27]. Il est recommandé d’administrer l’aliment de gavage tiède, suivi d’un massage abdominal doux, afin de stimuler la motilité digestive. Les volumes à administrer doivent être augmentés progressivement si l’anorexie a été longue. Le gavage peut aussi être laissé à disposition si le lapin manifeste une prise alimentaire spontanée, ainsi que du foin et de l’eau pour assurer son bien-être durant l’hospitalisation.

Protection digestive et prokinétiques

Le risque d’ulcère gastrique étant très important dans cette espèce, la mise en place d’une protection digestive est indispensable. En outre, l’utilisation de prokinétiques est intéressante lors de stase, afin de stimuler le péristaltisme gastro-intestinal (tableau 1) [17].

2. Prise en charge de l’occlusion digestive haute

Chirurgicale versus médicale

La première publication concernant cette affection recommande une prise en charge chirurgicale, après la stabilisation médicale de l’animal [12]. Cependant, il est courant d’observer des récupérations avec une gestion strictement médicale (vidange gastrique en premier lieu, avec maintien de la pression artérielle, résolution des déséquilibres acido-basiques, réhydratation et gestion agressive de la douleur). Cela permet d’augmenter les chances de survie de l’animal en favorisant la reprise du transit et le passage du corps étranger, s’il est intraluminal, dans le reste du tube digestif, ou encore de lever un spasme pylorique. Le taux de survie de 145 cas d’obstruction digestive haute serait de 85 % avec une prise en charge médicale, alors que le taux de mortalité consécutif à la chirurgie est d’environ 50 %, en raison des nombreuses complications décrites (paroi gastrique fine, adhérences postopératoires, etc.) [25]. De plus, plusieurs épisodes d’occlusion digestive successifs sont parfois observés (jusqu’à six) et une prise en charge chirurgicale systématique apparaît délétère en raison des complications potentielles [25]. Enfin, une prise en charge chirurgicale n’est pas toujours possible pour des raisons financières, un risque anesthésique trop important ou l’existence d’une maladie concomitante [25].

En revanche, une intervention est envisagée en cas d’échec du traitement médical seul. Si l’obstruction persiste au-delà de quelques heures et que la glycémie ne se normalise pas, une gastrotomie doit être entreprise (photo 5). En cas d’obstruction proximale, il est préférable de repousser le corps étranger dans l’estomac, car la gastrotomie présente moins de complications que l’entérotomie.

Fluidothérapie

Lors d’état de choc, une voie veineuse est mise en place dans la partie antérieure, car la veine cave caudale est comprimée. Les protocoles sont adaptés et complémentés selon les déséquilibres acido-basiques existants et la déshydratation de l’animal (figure) [3].

Vidange gastrique

La décompression de l’estomac est effectuée par une vidange gastrique via un sondage orogastrique, car la dilatation compromet les fonctions respiratoire et circulatoire. Elle est réalisée sous sédation (midazolam à la dose de 0,5 à 1 mg/kg par voie intraveineuse ou intramusculaire et/ou anesthésie gazeuse à l’isoflurane ou sévoflurane), à l’aide d’une sonde orogastrique ou trachéale (16 à 18 Fr) suffisamment longue, lubrifiée, du plus gros diamètre possible [21]. Après avoir mesuré la distance entre le nez et la dernière côte, un repère est placé sur la sonde avant son introduction dans l’œsophage jusqu’à l’estomac. La sonde est souvent bouchée par les poils et le manipulateur doit parfois la rincer et sonder l’animal à plusieurs reprises, afin de diminuer le contenu stomacal (une vidange complète est illusoire et risque de prolonger l’anesthésie de manière délétère). En cas d’abrasion importante de la muqueuse gastrique, le contenu gastrique est souillé par du sang. Il est recommandé, dans ce cas, d’arrêter la vidange. Un contrôle radiographique est réalisé à la fin du sondage, permettant un suivi. Comme il est parfois nécessaire de pratiquer plusieurs sondages au cours des jours qui suivent l’admission, une sonde nasogastrique peut être mise en place. Il est déconseillé d’effectuer une trocardisation de l’estomac, car cela favorise sa rupture [21].

Autres traitements

Après la stabilisation et la confirmation de la levée de l’obstruction, une reprise progressive de l’alimentation est mise en place, via des gavages réguliers et de petits volumes.

Il est déconseillé d’administrer un traitement prokinétique lorsqu’une obstruction vraie est suspectée. Cependant, l’obstruction n’est pas toujours complète, vraie ou permanente et l’utilisation d’un prokinétique avec le gavage permettrait, d’après certains auteurs, la vidange gastrique et l’avancement du corps étranger dans le tube digestif, ou aiderait à la levée de l’obstruction après une vidange gastrique [25]. Selon notre expérience, c’est le suivi radiographique et glycémique qui permet de s’assurer assez rapidement de la reprise du transit, et autorise alors à prescrire un prokinétique.

Le maropitant (à la dose de 1 mg/kg par voie sous-cutanée ou intraveineuse toutes les 24 heures) pourrait également être utilisé afin de favoriser la motilité digestive, mais son utilité dans cette indication n’est pas encore démontrée [20].

L’huile de paraffine est déconseillée, aucune étude n’ayant prouvé un réel bénéfice à son utilisation. Elle est également à proscrire en cas de prise en charge chirurgicale.

Suivi

Suivi immédiat

Des palpations abdominales et contrôles radiographiques répétés sont importants durant l’hospitalisation pour déterminer l’évolution de la motricité digestive. La prise en compte d’une récente prise alimentaire est nécessaire, afin d’avoir une interprétation correcte [27]. Le déplacement de bulles de gaz, confirmé par la radiographie, indique la reprise d’un transit.

Lors d’occlusion, un suivi de la glycémie au cours des heures qui suivent la prise en charge permet d’évaluer l’efficacité de celle-ci : si la valeur est stable ou augmentée, le traitement ne semble pas efficace et il convient de le rediscuter et d’envisager d’autres modalités thérapeutiques (intervention chirurgicale, par exemple). Cependant, le résultat doit être interprété selon l’état de l’animal et les autres paramètres sanguins. Le pronostic est parfois réservé lors de stase digestive, ainsi qu’en cas d’occlusion, au cours des 48 heures qui suivent la prise en charge.

Suivi à long terme

En général, lors de stase gastrique, la reprise de l’appétit et du transit a lieu 24 à 48 heures après le début de la prise en charge [21]. En moyenne, trois jours d’hospitalisation sont nécessaires en cas d’occlusion digestive haute [25]. Les crottes de reprise de transit sont de petite taille, déshydratées et assez peu nombreuses. Le traitement est poursuivi chez le propriétaire jusqu’à la reprise normale du transit et de l’appétit [21]. Les animaux ne répondant pas au traitement, surtout lors de stase, doivent être réévalués afin d’identifier une cause sous-jacente.

Un suivi de l’urémie dans les jours suivants permet de réévaluer la fonction rénale et d’ajuster le pronostic [28].

Lors de stase, il est important de corriger l’alimentation le cas échéant et d’identifier la cause de cet arrêt du transit en questionnant le propriétaire sur la survenue d’un événement stressant, un manque d’exercice physique, ou en explorant une maladie sous-jacente dentaire, respiratoire, nerveuse, urinaire ou hépatique [21].

  • (1) Voir l’article « Alimentation du lapin de compagnie : recommandations pratiques pour les propriétaires » dans ce numéro.

  • (2) Voir l’article « Prise en charge de la douleur chez le lapin de compagnie » dans ce numéro.

Références

  • 8. Debenham JJ, Brinchmann T, Sheen J et coll. Radiographic diagnosis of small intestinal obstruction in pet rabbits (Oryctolagus cuniculus) : 63 cases. J. Small Anim. Pract. 2019;60 (11):691-696.
  • 9. DeCubellis J, Graham J. Gastrointestinal disease in guinea pigs and rabbits. Vet. Clin. Exot. Anim. Pract. 2013;16:421-435.
  • 10. Di Girolamo N, Toth G, Selleri P. Prognostic value of rectal temperature at hospital admission in client-owned rabbits. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2016;248 (3):288-297.
  • 11. Harcourt-Brown FM. Gastric dilation and intestinal obstruction in 76 rabbits. Vet. Rec. 2007;161:409-414.
  • 12. Harcourt-Brown FM, Harcourt-Brown S. Clinical value of blood glucose measurement in pet rabbits. Vet. Rec. 2012;170 (26):674.
  • 13. Huynh M, Pignon C. Gastrointestinal disease in exotic small mammals. J. Exot. Pet. Med. 2013;22:118-131.
  • 14. Huynh M, Vilmouth S, Gonzalez MS et coll. Retrospective cohort study of gastrointestinal stasis in pet rabbits. Vet. Rec. 2014;175 (9):225.
  • 16. Lichtenberger M. Anaesthesia, analgesia and monitoring of the critical rabbit patient. British Small Animal Veterinary Association congress. 2008.
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  • 19. Meredith AL, Prebble JL. Impact of diet on faecal output and caecotroph consumption in rabbits. J. Small Anim. Pract. 2017;58:139-145.
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Conflit d’intérêts : Aucun

Points clés

• La stase et l’occlusion digestives hautes justifient une prise en charge rapide, car l’état général du lapin peut se dégrader rapidement.

• Lors de stase gastrique liée à un ralentissement ou à un arrêt du transit, il est important d’identifier les causes sous-jacentes préalablement à la prise en charge médicale, qui comprend un soutien digestif, une réhydratation et une analgésie adéquate.

• Une occlusion digestive haute survient lors d’obstruction digestive intraluminale ou extraluminale, dont l’évolution est d’autant plus rapide que l’obstruction digestive est haute, et parfois lors de torsion hépatique.

• L’occlusion digestive haute peut être traitée médicalement avec succès dans de nombreux cas. La chirurgie doit être envisagée en cas d’échec du traitement médical.

CONCLUSION

Stase gastrique et occlusion digestives hautes sont assez rarement distinguées, car elles sont considérées comme deux présentations de l’arrêt de transit (tableaux 2 et 3 en complément sur Internet). Cependant, la distinction de ces deux affections, à la pathogénie très différente, permet d’adapter la prise en charge immédiate afin d’améliorer le pronostic. L’exploration de l’étiologie, complexe étant donné la multiplicité des causes d’un arrêt du transit, apparaît essentielle pour prévenir les récidives. Il est primordial d’informer le propriétaire du risque de récidive de l’occlusion digestive, dans les jours, voire les mois qui suivent la prise en charge. Il ne faut pas oublier de rappeler l’importance de l’apport de fibres dans l’alimentation pour éviter la survenue d’un arrêt du transit, et bien revoir l’ensemble des conditions de vie du lapin, partie incontournable de toute consultation des nouveaux animaux de compagnie.