Physiopathologie de l’hypercalcémie maligne chez le chien et le chat - Le Point Vétérinaire expert canin n° 332 du 01/01/2013
Le Point Vétérinaire expert canin n° 332 du 01/01/2013

BIOCHIMIE CANINE

Fiche

Auteur(s) : David Sayag

Fonctions : Service de médecine, centre hospitalier
universitaire vétérinaire, clinique des
animaux de compagnie,
ENV de Toulouse, 23, chemin des Capelles
31076 Toulouse Cedex 3, BP 87614

L’hypercalcémie maligne se définit comme une élévation significative du calcium sérique, en relation avec l’évolution d’un processus néoplasique. Elle est l’un des syndromes paranéoplasiques les plus rencontrés chez le chien et le chat.

Le calcium est un élément essentiel à l’organisme, intervenant dans de nombreux processus comme la contraction musculaire, la transmission de l’influx nerveux, la coagulation, la constitution du tissu osseux et la catalyse de plusieurs enzymes. Il est retrouvé dans le compartiment sanguin sous trois formes : ionisée (50 %), liée aux protéines (41 %) et complexée à des anions (9 %) [5, 8, 11].

RAPPELS SUR L’HOMÉOSTASIE DU CALCIUM

Seule forme métaboliquement active, le calcium ionisé (Ca2+), correspondant au calcium échangé, nécessite une régulation fine, permettant d’assurer une calcémie stable dans le temps (entre 1,2 et 1,5 mmol/l chez le chien et entre 1,1 et 1,4 mmol/l chez le chat) [11].

L’homéostasie du calcium fait intervenir la parathormone (PTH) et les métabolites de la vitamine D (cholécalciférol), ainsi que plusieurs hormones secondaires : la calcitonine, l’hormone de croissance (GH), les glucocorticoïdes et les hormones thyroïdiennes. En médecine humaine, une action des œstrogènes est également démontrée [5, 6, 8, 11].

Les principaux organes cibles de la PTH et des métabolites de la vitamine D sont les intestins, les reins et les os (figure).

Le calcium, présent soit en solution soit sous forme de sels dans la lumière intestinale, est absorbé de manière passive ou active. L’absorption active est proportionnelle à la quantité de vitamine D présente. La PTH intervient en augmentant l’absorption du calcium par la stimulation de la formation de la vitamine D. Chez le chien et le chat, la source majeure de vitamine D est alimentaire, et non cutanée comme chez l’homme.

Près de 0,3 % du calcium total est filtré chaque jour par les reins. Environ deux tiers du calcium filtré est réabsorbé selon un processus passif, qui s’effectue à 99 % dans le tubule proximal et à 1 % dans l’anse de Henlé. Le tiers restant est réabsorbé de manière active essentiellement dans le tubule distal et la branche ascendante de l’anse de Henlé sous l’influence de la PTH [5].

Les os constituent un réservoir du calcium. Il existe une réserve de calcium facilement échangeable au sein de la membrane ostéocytique et une autre de calcium précipité au sein de l’os lui-même.

La PTH stimule l’activation des ostéoclastes existants et la formation de nouveaux ostéoclastes. Il s’ensuit alors la phase lente de la résorption osseuse, entraînant la libération de phosphate de calcium. Ce mécanisme physiologique peut mettre des jours, voire des semaines, à atteindre son maximum d’activité.

MÉCANISMES DE L’HYPERCALCÉMIE MALIGNE

Hypercalcémie maligne à médiation humorale

L’hypercalcémie maligne à médiation humorale est probablement le type d’hypercalcémie maligne le plus fréquent en médecine vétérinaire, de part son implication dans l’un des cancers les plus couramment diagnostiqués : le lymphome [7]. Ainsi, selon une étude canadienne sur les hypercalcémies, 43,6 % sont liées à un cancer, dont 70 % de lymphome [10]. Elle est la conséquence de la production par les cellules cancéreuses d’un ou de plusieurs facteurs sanguins (hormones, polypeptides) à action hypercalcémiante [2, 6, 8, 11, 13, 14]. Le facteur majeur de ce type d’hypercalcémie est la protéine apparentée à la PTH (PTH-like related peptide [PTHrP]) [1, 9]. Plusieurs facteurs mineurs sont également impliqués dans l’hypercalcémie maligne à médiation humorale comme les interleukines (IL-1, IL-6), le facteur de nécrose tumorale (TNF-α), les facteurs de croissance tumorale (TGF-α et -β), certaines prostaglandines (notamment PGE2) ou le facteur d’activation des ostéoclastes.

La PTHrP est une hormone présente en permanence dans l’organisme. Elle est le principal acteur de la régulation du calcium chez le fœtus. Elle partage 70 % d’homologie avec la PTH, et se fixe au même récepteur (PTHR1). Cependant, elle stimule moins la production de 1,25-dihydroxycholécalciférol et n’augmente pas l’absorption intestinale de calcium [9].

L’augmentation de la PTHrP peut être associée à une hypercalcémie bénigne. Elle est notamment rapportée chez un chien présentant un angiomyxome rénal [4].

Hypercalcémie paranéoplasique par ostéolyse locale

L’hypercalcémie paranéoplasique par ostéolyse locale est la conséquence de la destruction péritumorale de l’os, notamment lors de myélome multiple ou lors de métastases osseuses (carcinome mammaire, carcinome prostatique, etc.). Cette voie pathologique est liée à la production dans le micro-environnement tumoral d’interleukine (IL-1, IL-6), de facteurs de nécrose tumorale (TNF-α et -β), de prostaglandines (PGE2) et du ligand du récepteur activant la voie NF-κB (RANKL). Le cancer le plus fréquemment rapporté à ce type d’hypercalcémie maligne est le myélome multiple (dans 10 à 15 % des cas) [12]. À la différence de l’hypercalcémie à médiation humorale, la sécrétion des différents facteurs reste paracrine, c’est-à-dire focalisée dans le micro-environnement tumoral.

Hypercalcémie par perturbation de la voie métabolique de la vitamine D

L’hypercalcémie par perturbation de la voie métabolique de la vitamine D est la conséquence d’une suractivation de l’enzyme 1α-hydroxilase, favorisant l’absorption intestinale du calcium. Cette dernière voie pathologique est décrite en médecine humaine, mais n’est pas encore clairement établie en médecine vétérinaire [3].

Conclusion

Les mécanismes physiopathologiques à l’origine de l’hypercalcémie maligne sont multiples.

Leur compréhension est indispensable à l’application d’une démarche clinique adaptée.

Références

  • 1. Bolliger AP, Graham PA, Richard V et coll. Detection of parathyroid hormone-related protein in cats with humoral hypercalcemia of malignancy. Vet. Clin. Pathol. 2002;31(1):3-8.
  • 2. Clines GA, Guise TA. Hypercalcaemia of malignancy and basic research on mechanisms responsible for osteolytic and osteoblastic metastasis to bone. Endocr. Relat. Cancer. 2005;12(3):549-583.
  • 3. Davies M, Hayes ME, Yin JA et coll. Abnormal synthesis of 1,25-dihydroxyvitamin D in patients with malignant lymphoma. J. Clin. Endocrinol. Metab. 1994;78(5):1202-1207.
  • 4. Gajanayake I, Priestnall SL, Benigni L et coll. Paraneoplastic hypercalcemia in a dog with benign renal angiomyxoma. J. Vet. Diag. Invest. 2010;22(5):775-780.
  • 5. Guyton AC, Hall JE. Parathyroid hormone, calcitonin, calcium and phosphate metabolism, vitamin D, bone and teeth. In: Guyton AC, Hall JE. Textbook of medical physiology. Ed. Saunders, Philadelphie. 2011:955-972.
  • 6. Lee DBN, Zawada ET, Kleeman CR. The pathophysiology and clinical aspects of hypercalcemic disorders. West J. Med. 1978;129(4):278-320.
  • 7. Morrison WB. Paraneoplastic syndromes and the tumors that cause them. In: Morrison WB. Cancer in dogs and cats, medical and surgical management. Ed. Williams & Wilkins, Baltimore. 2002:731-735.
  • 8. Rosol TJ, Capen CC. Pathophysiology of calcium, phosphorus and magnesium metabolism in animals. Vet. Clin. North Am. Small Anim. Pract. 1996;26(5):1155-1184.
  • 9. Rosol TJ, Nagode LA, Couto CG et coll. Parathyroid hormone (PTH)-related protein, PTH, and 1,25-dihydroxyvitamin D in dogs with cancer-associated hypercalcemia. Endocrinol. 1992;131(3):1157-1164.
  • 10. Sakals S, Peta HGR, Fernandez NJ et coll. Determining the cause of hypercalcemia in a dog. Can. Vet. J. 2006;47(8):819-821.
  • 11. Schenck PA. Electrolyte disorders : Ca-P and Mg. In: Ettinger SJ, Feldman EC. Textbook of veterinary internal medicine 7th. Ed. Saunders, Saint-Louis. 2010:308-314.
  • 12. Terpos E, Dimopoulos MA. Myeloma bone disease: pathophysiology and management. Ann. Oncol. 2005;16(8):1223-1231.
  • 13. Vail DM. Paraneoplastic hypercalcemia. In: Kirk’s Current veterinary therapy XIV. Ed. Saunders, Saint-Louis. 2009:343-347.
  • 14. Vasilopoulos RJ, Mackin A. Humoral hypercalcemia of malignancy: pathophysiology and clinical signs. Compend. 2003;25(2):122-128.
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