EN 10 ÉTAPES
Auteur(s) : Laetitia Piane*, Catherine Trumel**
Fonctions :
*CES hématologie et biochimie clinique animales
**Dipl ECVP
Laboratoire central de biologie médicale,
INP, ENV de Toulouse,
23, chemin des Capelles, 31076 Toulouse
Différencier une lésion tumorale d’une lésion inflammatoire est une tâche difficile, parfois même pour un cytologiste confirmé.
Avant d’interpréter un prélèvement cytologique et après en avoir vérifié la qualité, une des premières choses que le cytologiste débutant doit savoir faire est la distinction entre une lésion inflammatoire et une lésion tumorale. Mais l’exercice n’est pas toujours évident, et peut même se révéler impossible dans plusieurs circonstances, bien que l’observateur soit confirmé : prélèvement hémorragique, inflammation liée à la présence de macrophages ou encore population inflammatoire associée à une population autre.
Les lésions inflammatoires sont classées en fonction du type cellulaire prédominant. La reconnaissance des différents types cellulaires présents et leur proportion relative suggèrent souvent un éventail restreint de causes.
Les lésions suppurées contiennent plus de 85 % de granulocytes neutrophiles (GNN).
Sur un fond de frottis nécrotico-purulent, caractérisé par une trame éosinophilique ponctuée, de nombreux GNN dégénérés au noyau gonflé et rose sont observés. Ils reflètent une mort cellulaire rapide dans un environnement toxique (caryolyse = lyse du noyau) d’origine infectieuse ou hypoxique (centre non vascularisé de processus néoplasique, par exemple) (photo 1a). Dans des conditions septiques (Gram- en particulier), ils sont prédominants, et leur présence doit conduire à rechercher minutieusement des bactéries intracellulaires ou d’autres agents infectieux (photo 1b).
Les GNN non dégénérés sont de morphologie normale, et prédominent dans les environnements non toxiques comme les processus à médiation immune, les lésions néoplasiques ou les lésions stériles dues à des irritants comme l’urine ou la bile.
Des GNN picnotiques peuvent également être retrouvés. Dans ce cas, l’analyse cytologique est simple, en revanche, son interprétation est complexe et cet examen devient décevant car le diagnostic différentiel est très vaste [3].
Les lésions granulomateuses contiennent en majorité des macrophages, témoins d’un processus inflammatoire plutôt chronique et qui peuvent être activés ou phagocytaires. Elles sont généralement dues à un corps étranger, à des infections mycosiques, à une panniculite ou à un traumatisme tissulaire chronique. Lorsque les macrophages sont associés à la présence de GNN, il est question de lésions “pyogranulomateuses” [3].
Les infiltrats éosinophiliques contiennent plus de 10 % de granulocytes éosinophiles (GNE), associés à d’autres types de cellules inflammatoires (mastocytes, notamment). De tels infiltrats sont évocateurs d’un contexte allergique ou d’une hypersensibilité (complexe granulome éosinophilique félin, par exemple), d’une infestation parasitaire, d’une infection fongique ou d’un syndrome paranéoplasique. Dans le cas particulier du complexe granulome éosinophilique félin, les signes cliniques cutanés sont le plus souvent caractéristiques et la cytologie est alors diagnostique [3].
Les infiltrats lymphocytaires ou lymphoplasmocytaires se caractérisent par la présence d’une population lymphoïde hétérogène avec un mélange de petits et de moyens lymphocytes et/ou plasmocytes associés à d’autres types de cellules inflammatoires. Ils sont souvent associés à des réactions allergiques, à des processus immuns ou à d’autres processus inflammatoires [3].
Le cytologiste peut facilement identifier une lésion néoplasique dans le cas où aucune cellule inflammatoire n’est retrouvée dans le prélèvement et où une population de cellules proliférantes, caractérisées par des atypies cytonucléaires sans équivoque, est mise en évidence.
Les lésions néoplasiques donnent des prélèvements le plus souvent hypercellulaires. Un prélèvement riche en cellules mésenchymateuses se regroupant en amas storiformes est anormal car celles-ci desquament peu généralement. En l’absence de contexte inflammatoire, il est fortement évocateur d’un processus néoplasique [1, 2].
La présence d’une population très abondante provenant d’un seul tissu (prolifération de cellules rondes, mésenchymateuses ou épithéliales) est également évocatrice d’une lésion néoplasique (photos 2a et 2b) [1, 2].
Les cellules tumorales sont caractérisées par la présence d’atypies cytonucléaires parfois marquées : anisocytose, anisocaryose, gigantisme, macrocaryose, plurinucléation avec ou sans anisocaryose intracellulaire, macro- ou plurinucléolation, anomalies chromatiniennes, mitoses anormales, etc. [1, 2]. Le pléomorphisme cellulaire comprend :
– une anisocytose, ou une variation de la taille cellulaire ;
– une anisocaryose, ou une variation de la taille du noyau ;
– un changement de forme des cellules
Il représente un critère de malignité pour la plupart des populations cellulaires, à l’exception des lymphomes caractérisés par une population monomorphe de cellules lymphoïdes. Les cellules tumorales peuvent être de très grande taille (tumeurs épithéliales, notamment). Dans ce cas, le terme de “gigantisme” est utilisé (photo 3a).
Ces cellules peuvent posséder un macronoyau, ce qui entraîne une augmentation du rapport nucléocytoplasmique. La plurinucléation est considérée comme un critère de malignité. Il convient de faire particulièrement attention car certaines cellules (hépatocytes, notamment) sont parfois normalement binucléées. Une bi- ou plurinucléation peut également être retrouvée dans des tumeurs bénignes (plasmocytome cutané, par exemple) ou des lésions hyperplasiques. Ainsi, la plurinucléation ne suffit pas à elle seule comme critère de malignité, en particulier lors de population cellulaire mixte (inflammatoire et autre) (photo 3b).
Les noyaux peuvent être de forme parfois irrégulière et de taille variable au sein d’une même cellule (anisocaryose intracellulaire).
Une chromatine poussiéreuse, léopard ou hyperchromatique, et la présence de nombreux nucléoles, de macronucléoles ou de nucléoles de forme irrégulière (dits en carte de géographie) sont d’autres critères de malignité (photo 3c) [1, 2].
Un index mitotique élevé associé à des mitoses atypiques accompagne le plus souvent les processus néoplasiques (photo 3d) [1, 2].
Si le prélèvement est fortement hémodilué et, a fortiori, si l’animal est atteint d’une leucocytose neutrophilique, il est parfois difficile de déterminer si les GNN, les GNE et les lymphocytes présents sont réellement d’origine inflammatoire ou s’ils proviennent de la contamination sanguine.
Les macrophages activés dans les processus inflammatoires granulomateux ou pyogranulomateux peuvent être de tailles très variables et d’autres critères de malignité (plurinucléation, nucléolation, anisocytose, anisocaryose, etc.) sont parfois observés (photo 4a). Un cytologiste débutant peut rencontrer des difficultés pour établir un diagnostic de certitude et un œil avisé est alors requis pour prévenir le surdiagnostic de tumeur.
Dans un contexte inflammatoire, associé à la présence d’une population d’une autre origine (cellules rondes, mésenchymateuses ou épithéliales), des précautions doivent être prises avant de conclure à une tumeur. En effet, l’inflammation peut induire des modifications des cellules natives potentiellement présentes, mimant un processus néoplasique (photo 4b). Dans un liquide de lavage broncho-alvéolaire, par exemple, lors de processus inflammatoire chronique intense, les cellules de l’épithélium respiratoire sont parfois tellement modifiées par l’inflammation (il est alors question de dysplasie) qu’il est possible de les confondre avec des cellules cancéreuses.
De plus, l’infiltrat inflammatoire peut être secondaire au processus tumoral (panniculite lors de fibrosarcome, infiltrat suppuré lors de carcinome épidermoïde, etc.) ou l’accompagner (infiltrat éosinophilique lors de mastocytome).
L’interprétation cytologique peut être facile ou difficile, diagnostique ou sans intérêt. En effet, lors de lésion purement inflammatoire due à des agents infectieux ou de prolifération néoplasique maligne sans équivoque, le diagnostic est aisé à établir. Mais dans de nombreux cas, en présence de plusieurs populations cellulaires, l’analyse cytologique est délicate, et requiert une expertise acquise avec le temps et une formation adéquate. Il convient donc pour le praticien, dans un premier temps, de connaître et de reconnaître ses limites.
Aucun.
→ Les lésions inflammatoires sont classées selon le type cellulaire prédominant. La reconnaissance des différents types cellulaires présents et leur proportion relative suggèrent souvent un nombre restreint de causes.
→ Il est assez aisé de conclure à un processus néoplasique en présence d’une seule population de cellules proliférantes, caractérisée par des atypies cytonucléaires sans équivoque, et en l’absence de tout contexte inflammatoire.
→ Il est parfois difficile, voire impossible, de conclure à une lésion inflammatoire à partir d’un prélèvement hémodilué.
→ Les prélèvements de lésions granulomateuses et mixtes représentent des pièges diagnostiques pour le cytologiste débutant. L’avis d’un expert ou une analyse histologique peuvent alors être requis.
Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »
L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.
En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire
Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.
Découvrez en avant-première chaque mois le sommaire du Point Vétérinaire.
Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire