Étude généalogique d’une population d’eurasiers atteinte de glaucome - Le Point Vétérinaire expert canin n° 346 du 01/06/2014
Le Point Vétérinaire expert canin n° 346 du 01/06/2014

OPHTALMOLOGIE ET GÉNÉTIQUE

Étude

Auteur(s) : Thomas Boillot

Fonctions : Vétéa, 4, rue de Rétaud
17100 Saintes
thomasboillot@yahoo.fr

L’ophtalmologue vétérinaire a de plus en plus la charge de dépister des maladies d’origine héréditaire. Dans l’attente d’un décryptage complet par la génétique, la généalogie offre un atout précieux dans ce domaine. Le glaucome primaire en est un excellent exemple.

L’identification génétique des maladies à transmission héréditaire (les anciennes “tares”) est un challenge qui occupe nombre d’équipes de recherche aussi bien en médecine humaine (dopées par le Téléthon) que chez les animaux. Pour les ophtalmologues canins, un nombre croissant de ces affections sont décryptées, ou en passe de l’être. Le glaucome primaire en fait partie. Chez les eurasiers, ce n’est pas encore le cas et la construction de leur arbre généalogique est une étape fondamentale dans cette démarche (photo 1).

RAPPELS SUR LE GLAUCOME ET SON DÉPISTAGE

Le glaucome est un groupe de maladies qui se traduisent, chez le chien, par une augmentation de la pression intra-oculaire, et qui conduisent à la mort des cellules ganglionnaires de la rétine, à la dégénérescence de leurs axones avec, à terme, la perte de la vision. En cas de non-réponse au traitement, il est parfois nécessaire, pour soulager l’animal, de mettre en place une prothèse intraoculaire ou de pratiquer une énucléation. Chez l’homme, le glaucome se définit avant tout comme une maladie dégénérative du nerf optique, car il existe des formes à pression normale.

Le glaucome peut être primitif ou secondaire, comme dans le cas d’une uvéite hypertensive ou d’une luxation de cristallin. Certaines races de chiens, comme le beagle, le basset hund, le chow-chow ou le samoyède, sont atteintes de glaucome héréditaire. En règle générale, les facteurs prédisposants concernent la conformation des voies de résorption de l’humeur aqueuse (encadré 1). En l’absence de test génétique, il convient d’étudier les modifications physiques pouvant entraîner une obstruction du drainage et l’évacuation de l’humeur aqueuse.

La pression intra-oculaire (PIO) est un équilibre dynamique entre la sécrétion de l’humeur aqueuse par les cellules épithéliales des corps ciliaires et son évacuation dans l’angle iridocornéen. Elle se situe normalement autour de 15 mmHg. L’augmentation de pression résulte en général d’un défaut de perméabilité de l’angle iridocornéen (AIC). Toute malformation de ce dernier (ou goniodysgénésie) peut donc entraîner une hausse de la PIO. Le seuil de l’hypertension intra-oculaire est de 30 mmHg. La dysplasie du ligament pectiné (DLP) en est un exemple. Sur le plan embryologique, l’angle iridocornéen se forme à partir d’un mésenchyme d’origine ectodermique qui remplit totalement la chambre antérieure avant le quarantième jour de gestation [5]. Ce tissu est à l’origine de l’endothélium et du stroma cornéen, du stroma antérieur de l’iris, du muscle ciliaire et de l’angle iridocornéen. La fente ciliaire se forme par résorption de ce tissu pour donner le ligament pectiné et le trabéculum (figure 1). Certains facteurs génétiques liés à ce mécanisme ont été identifiés chez le beagle et la souris. Le gène ADAMTS10 est impliqué dans la formation de la matrice extracellulaire, CYP1B1 intervenant dans celle de l’angle iridocornéen [12, 13]. Ce processus s’achève à la troisième semaine post-partum. La dysplasie du ligament pectiné se traduit par un défaut de résorption occluant plus ou moins complètement l’entrée de la fente ciliaire (photos 2, 3, 4 et 5). Elle est considérée comme un facteur prédisposant de glaucome et l’examen de l’angle iridocornéen, ou gonioscopie, a pour objectif de la dépister. Elle est répertoriée en tant qu’une maladie héréditaire oculaire des carnivores (MHOC) par la Société centrale canine (SCC) et son dépistage par les membres de l’Association of French Eye Panellists (Afep-MHOC) est demandé pour les reproducteurs dans certains clubs, comme celui du golden retriever.

Ce dépistage associe une mesure de la PIO à l’aide d’un tonomètre validé par l’Afep-MHOC et une gonioscopie effectuée grâce à une lentille de Barkan, à une lentille de Koeppe ou à un verre à miroirs.

De nombreuses races canines sont prédisposées au glaucome primaire [8] (encadré 2).

Certains clubs étrangers d’eurasiers rapportent également une prédisposition à d’autres affections comme la dysplasie de la hanche, la luxation de la patelle et l’hypothyroïdie, ainsi que le distichiasis, l’entropion et l’ectropion pour ce qui concerne l’ophtalmologie. Notre étude a confirmé la présence de ces maladies oculaires chez certains individus.

Actuellement, aucun gène n’a été identifié pour être impliqué dans les maladies oculaires de l’eurasier [14].

De même, aucun examen n’est demandé actuellement par la SCC sur les reproducteurs de la race.

MÉTHODOLOGIE DE LA CONSTRUCTION DE L’ARBRE GÉNÉALOGIQUE DES EURASIERS

1. Objectifs

L’eurasier est une race de chiens née en Allemagne en 1960 [15]. L’objectif était de rassembler les caractéristiques du chien de traîneau canadien et du spitz-loup. Le projet a bénéficié des conseils scientifiques de l’Institut d’études vétérinaires de génétique animale de Göttingen et de ceux du professeur Konrad Lorentz.

La race a été créée à partir de trois couples de chiens constitués de trois mâles chow-chow et de trois femelles spitz-loup. Un mâle samoyède a été également introduit pour éclaircir la robe.

L’émergence de cas de glaucome constatée dans la race eurasier par les membres du Réseau européen en ophtalmologie vétérinaire et vision animale (Reovva)(1) a conduit à envisager une origine héréditaire possible à cette affection (photo 6). Une cohorte de 23 chiens (cohorte princeps) composée de 10 animaux (4 mâles et 6 femelles) atteints de glaucome avec cécité, de 8 animaux (7 mâles et 1 femelle) présentant une DLP associée à une PIO supérieure à la normale et de 5 animaux (2 mâles et 3 femelles) présentant une conformation de l’AIC normale et une valeur de PIO dans les limites de la normale a été examinée par les membres du Reovva. L’analyse des pédigrees a montré qu’ils étaient répartis sur plusieurs générations.

La suspicion héréditaire de la maladie se fonde sur les points suivants :

– le nombre relativement important de chiens atteints des deux sexes sur plusieurs générations dans une race à faible effectif mais à fort taux de consanguinité ;

– la maladie qui affecte les deux yeux avec un décours temporel de quelques mois entre les deux yeux ;

– et sur le fait que toutes les races à l’origine de l’eurasier sont atteintes de glaucome héréditaire [2, 6-8].

La généalogie a pour objet la recherche de la parenté et de la filiation des individus. La représentation graphique des résultats se fait sous la forme d’un schéma arborescent à partir d’un individu racine (arbre généalogique). Sur le plan médical, elle constitue la première étape dans la recherche d’éléments permettant de vérifier la pertinence de l’hypothèse d’une origine génétique pour une maladie. Elle permet de vérifier si la distribution des cas correspond à un mode de transmission héréditaire connu. C’est une étape incontournable, mais les renseignements fournis sont souvent incomplets et ne peuvent d’emblée confirmer les suspicions. Chez l’animal de laboratoire, il est possible de gagner du temps en réalisant des croisements entre des individus atteints et sains, et d’étudier la transmission de la maladie dans la descendance. Comme nous nous intéressons à une population de chiens de compagnie, ce n’est pas envisageable. Notre démarche se rapproche plus des études prospectives de médecine humaine.

Avec l’aide de propriétaires d’animaux, volontaires, nous avons sélectionné une seconde cohorte de 28 animaux (14 mâles et 14 femelles) sélectionnés pour être représentatif de la race eurasier en France afin de caractériser cliniquement la morphologie de l’AIC et de pouvoir évaluer les risques d’apparition de glaucome chez des chiens “normaux”, l’affection étant difficilement détectable par le propriétaire. L’étude clinique comprenait l’évaluation des critères définis par l’AFEP/MHOC pour le dépistage du glaucome ainsi qu’un examen fonctionnel de la fente ciliaire par ultrasonographie haute fréquence (UBM). Les résultats fonctionnels sont en cours d’analyse.

Parallèllement à cette étude clinique, des prélèvements biologiques ont été réalisés dans le cadre d’une étude génétique, menée en collaboration avec le CNRS (Institut de génétique et développement de Rennes ; UMR6290- CNRS, Université de Rennes 1). Cette étude, soumise à un comité d’éthique et fondée sur le volontariat des propriétaires et le bénévolat des vétérinaires examinateurs a reçu le soutien du Conseil supérieur de l’Ordre des vétérinaires afin de rechercher le ou les gènes responsables de cette maladie dans l’objectif de développer, à terme, des tests génétiques.

L’objectif de ce travail consistait à réaliser rapidement un arbre généalogique, applicable au chien, en utilisant un logiciel de généalogie standard, à y intégrer les animaux des deux cohortes et à analyser les résultats obtenus afin de confirmer le caractère héréditaire du glaucome ainsi que son mode de transmission, chez l’eurasier.

2. Matériel et méthode

Construction de l’arbre généalogique

Nous avons cherché sur Internet un outil permettant de construire un arbre généalogique. Le logiciel devait être adapté à la généalogie médicale. En effet, les arbres généalogiques médicaux se construisent selon un code universel où les individus atteints ou porteurs d’une maladie génétique sont représentés par des symboles spéciaux [1]. Nous avons trouvé le logiciel GenoPro® sur le site www.genopro.com (encadré 3).

L’expérience a montré qu’il répondait à notre besoin et nous l’avons donc utilisé pour la construction de notre arbre. Un marquage de couleur a permis l’identification des individus examinés, qu’ils soient sains (vert) ou atteints de dysplasie du ligament pectiné (orange) ou de glaucome (noir). La DLP est une malformation de l’angle iridocornéen qui est considérée comme un facteur prédisposant au glaucome. La gonioscopie, qui permet de visualiser le ligament pectiné, est recommandée par l’Afep-MHOC dans le cadre du dépistage du glaucome, au même titre que la mesure de la pression intra-oculaire, pour la plupart des races atteintes. Il est donc intéressant d’étudier la répartition des cas de DLP sur le long terme.

Recueil des pedigrees

Le recueil des pedigrees a été effectué soit directement auprès des propriétaires, soit par l’intermédiaire des sites internet www.chiensdefrance.fr et www.web4dog.de. Ces portails permettent un accès libre aux pedigrees que les éleveurs ou les propriétaires mettent en ligne. Ils sont très pratiques car, en consultant le pedigree d’un chien, il est possible d’accéder à celui de chacun de ses ancêtres d’un simple clic.

Recueil des données cliniques

Le recueil des données médicales a été effectué par des vétérinaires membres du Reovva (1) ou de l’Afep-MHOC entre le 30 mars et le 30 septembre 2013.

3. Résultats

L’arbre généalogique se compose de 831 individus : 384 mâles et 447 femelles se répartissant sur 27 générations (figure 2).

Les trois couples fondateurs de la race, ainsi que le mâle samoyède mentionné par Julius Wipfel ont été identifiés et intégrés dans cet arbre. Un quatrième couple chow-chow/ spitz-loup a aussi été utilisé à la cinquième génération depuis le premier croisement. Sept cent quatre-vingt huit individus (95 %) sur les 831 chiens de l’étude ont pu être reliés directement à un de ces couples. Il est donc admissible que ces individus fassent partie de la même population. De nombreux croisements consanguins caractérisent la descendance directe de ces couples. Le taux de consanguinité de certains animaux encore en vie atteint 60 % (calcul d’après les logiciels des pedigrees).

L’arbre généalogique de la première cohorte a montré que les 23 animaux appartenaient à 14 générations.

L’arbre généalogique de la seconde cohorte a bien prouvé que les 28 chiens examinés appartenaient bien à différentes lignées. L’échantillonnage des animaux était donc bien représentatif de la race eurasier en France.

DISCUSSION

1. Construction de l’arbre

L’arbre généalogique est un élément clé en cas de suspicion d’une maladie génétique [3, 4, 10, 15]. Il visualise rapidement les antécédents familiaux et précise le mode de transmission du phénotype. Il permet de relier un phénotype à une mutation connue dans une population en regardant si la répartition des individus atteints correspond au mode de transmission supposé de la maladie : présence d’individus atteints à chaque génération, ratio d’individus atteints dans les fratries, sexe de ces derniers, etc., ou encore participe à l’identification d’un nouveau locus. L’utilisation d’un logiciel de généalogie médicale a permis de pallier l’énorme perte de temps que représente la construction d’un arbre sur papier, qui doit être refait complètement à chaque modification, ce qui est ingérable au-delà de 50 individus.

De nombreux logiciels existent sur le marché (encadré 4). Certains sont plus adaptés que d’autres à la généalogie médicale. Nous n’avons pas mené d’étude comparative pour savoir lequel d’entre eux est le plus facile à utiliser, le mieux adapté à la généalogie canine, qui intègre beaucoup de polygamie par exemple, et permet la meilleure présentation du travail. Celui que nous avons choisi correspondait à nos objectifs. Une liste non exhaustive est donnée à titre d’exemple. Cyrillic Pedigree® est l’outil en service à l’Institut de génétique et développement de Rennes unité CNRS-université de Rennes. Notre expérience se limite au logiciel GenoPro®. À notre connaissance, aucune publication ne fait référence à ce sujet en médecine vétérinaire, et c’est par hasard que nous avons trouvé le logiciel GenoPro®. Ce dernier offre une multitude de fonctions. L’insertion de tout nouvel élément y est aisée, et il est possible de relier des individus en tant que conjoints, parents, enfants, de sélectionner l’ensemble des ascendants, des descendants, ou seulement les ascendants ou descendants directs et de les marquer, si besoin par un repère coloré (figure 3). Retrouver les fratries et localiser un animal à l’aide de son nom sont également des tâches que cet outil autorise, ce qui est appréciable quand l’arbre comprend 830 individus. La possibilité de faire varier la taille de l’arbre est indispensable car il est souvent nécessaire d’alterner entre la vue d’ensemble, où aucun élément n’est lisible, et un champ plus réduit sur lequel une modification peut être apportée. Le programme permet également d’associer à un individu différents paramètres, comme sa date de naissance, son numéro d’identification, le stade de sa maladie, et d’en dégager des éléments statistiques.

Une des difficultés que nous avons rencontrées a été d’identifier les générations. En effet, un arbre est en général construit à partir d’un pedigree. Or les parents d’un individu donné n’appartiennent pas toujours à la même génération, ce qui n’est pas visible sur le pedigree, et source d’erreur. En raison de la polygamie et des croisements intergénérationnels, il arrive, en effet, qu’un individu se trouve être le descendant d’un chien situé par erreur à une ou à plusieurs générations au-dessus de lui, ce qui requiert un constant reclassement des générations. Identifier les générations chez le chien n’est pas possible et n’est pas forcément nécessaire. En effet, avec les mariages consanguins (fils-tantes, par exemple), il n’est pas possible de ranger les individus par génération. Par convention, nous avons choisi de placer chaque animal le plus haut possible dans l’arbre. Il est important de noter que l’âge du chien de donne pas une information fiable sur la génération à laquelle il appartient. Les possibilités d’erreur diminuent avec la taille croissante de l’arbre. Comme nous sommes, ici, remontés jusqu’à la première génération, il n’existe pas d’incertitude sur celle à laquelle appartient chaque individu. En revanche, la position de chaque chien sur la ligne horizontale correspondant à sa génération a été choisie par commodité en essayant de rapprocher le plus possible les “conjoints”, mais elle est modifiable à volonté. En d’autres termes, la position verticale de chaque individu dans l’arbre n’est pas modifiable, mais sa position horizontale n’a pas d’importance. La collecte des pedigrees a été grandement facilitée par la consultation des sites internet www.chiensdefrance.fr et www.web4dog.de. Ces derniers permettent d’accéder à des pedigrees numériques, c’est-à-dire que, depuis le premier pedigree consulté, il est possible d’obtenir par un simple clic celui de tous les chiens présents. La recherche par le nom de l’animal n’est pas possible sur le site www.chiensdefrance.fr (il convient de chercher par races et affixes, ce qui est moins pratique). Le portail www.web- 4dog.de permet la recherche par le nom et contient plus de pedigrees, mais il est en allemand. Ces sites mettent en ligne des pedigrees fournis volontairement par les propriétaires, ce qui a posé le problème de la fiabilité des informations. L’expérience a montré que très peu d’incohérences ont été relevées sur les 831 pedigrees analysés. Cependant, deux pedigrees différents pour un même individu ont parfois été notés. Dans la majorité des cas, ces erreurs ne venaient pas de falsifications volontaires, mais de différences dans l’orthographe des noms en fonction des alphabets ou des prononciations françaises et allemandes. Ces outils sont puissants mais limités dans la mesure où ni les fratries, ni les générations ne sont visibles, et qu’ils ne fournissent aucune donnée médicale. Ces sites ont toutefois recueilli un nombre très important de pedigrees, et il est regrettable qu’aucun programme ne puisse générer un arbre automatiquement à partir de ces données.

2. Analyse génétique

Les critères en faveur de l’origine génétique d’une affection sont une prévalence plus importante dans la race ou la lignée, une augmentation de la prévalence avec la consanguinité et une homogénéité dans les signes cliniques de la maladie (âge d’apparition, évolution, etc.). La survenue de nouveaux cas doit être indépendante de l’environnement. Chez l’eurasier, l’hypothèse de la nature génétique du glaucome se fonde sur le fait que les races qui en sont à l’origine, à savoir le spitz-loup, le chowchow et le samoyède, sont toutes atteintes de glaucome primaire bilatéral (races pour lesquelles il existe des publications) héréditaire, avec une prévalence de 4,7 % et de 1,6 % pour le chow-chow et le samoyède respectivement [6-9]. Or c’est aussi une forme de glaucome primaire bilatéral que développe l’eurasier.

La détermination du mode de transmission se fonde théoriquement sur l’analyse statistique du résultat des différents types de croisement possibles entre des individus sains ou atteints. Une approche expérimentale demanderait donc de réaliser des croisements entre des individus atteints, comme cela est fait sur les animaux de laboratoire. Cela étant difficilement réalisable avec des animaux de compagnie, l’étude est souvent réalisée à partir de données partielles, comme c’est le cas en médecine humaine. Dans ce cadre, l’analyse de l’arbre généalogique permet de vérifier si le phénotype se transmet selon un mode connu. Les plus fréquents sont les modes autosomiques dominant ou récessif et le mode récessif lié à l’X (figure 4).

Dans le cas de notre population d’eurasiers, le nombre d’individus atteints est faible, les mâles et les femelles sont touchés dans les mêmes proportions, et le taux de consanguinité est élevé. L’homozygotie est donc augmentée et, avec elle, le risque d’apparition de maladies récessives. Partant de l’hypothèse que le glaucome est ici héréditaire dans la mesure où il n’y a pas d’individus atteints à chaque génération et que les deux sexes sont touchés dans des proportions comparables, les modes de transmission possibles par ordre de probabilité décroissante sont les suivants : autosomal récessif, autosomal dominant et polygénique.

3. Résultats

Les données sont encore insuffisantes pour conclure sur la nature héréditaire de la maladie et son mode de transmission. Les informations recueillies jusqu’ici permettent toutefois d’établir une forte présomption et d’écarter des facteurs comme le hasard et l’atavisme. L’intégration dans l’arbre du plus grand nombre possible de chiens examinés devrait apporter des éléments de réponse plus précis dans un avenir proche. La forte implication des propriétaires et de certains éleveurs, que nous avons sensibilisés au risque lié au glaucome, est encourageante. Voir leur animal souffrir et perdre la vision, et parfois l’oeil, est une situation que les premiers vivent en général très mal. Les données fournies par l’arbre généalogique doivent être complétées par un phénotypage précis et une étude génétique qui identifiera le ou les gènes responsables.

Conclusion

L’objectif qui était de construire l’arbre généalogique informatif de la population concernée est atteint et constitue la première étape incontournable dans l’étude génétique de cette maladie.

Références

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  • 3. Briard ML, Daplan J, Le Merrer M et coll. Le conseil génétique. Indications, problèmes et perspectives. Arch. Fr. Pédiatr. 1985;42:151-157.
  • 4. Clarke A. Genetics, ethics and audit. Lancet. 1990; 335:1145-1147.
  • 5. Cook S. Embryogenesis of congenital eye malformations. Vet. Comp. Ophthalmol. 1995;5(2):116-117.
  • 6. Corcoran KA, Koch SA, Peiffer RLJ. Primary glaucoma in the chow chow. Vet. Comp. Ophthalmol. 1994;4 (4):197.
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  • 11. Kaplan JC, Delpech M. Le diagnostic prénatal par l’analyse de l’ADN. Rev. Prat. 1987;37:2595-2611.
  • 12. Kuchtey J, Olson LM, Rinkoski T et coll. Mapping of the disease locus and identification of ADAMTS10 as a candidate gene in a canine model of primary open angle glaucoma. PLoS Genet. 2011;7(2):e1001306. doi:10.1371/journal. pgen.1001306. Epub 2011 Feb 17.
  • 13. Libby RT, Smith RS, Savinova OV et coll. Modification of ocular defects in mouse developmental glaucoma models by tyrosinase. Science. 2003;299(5612): 1578-1581.
  • 14. Pilorge P, en collaboration avec le CNRS de Rennes. Recueil d’actualités sur les tests ADN en ophtalmologie vétérinaire. 9e éd. Société française d’études et de recherches en ophtalmologie vétérinaire. 2013:52 p.
  • 15. Wipfel J. Vingt années d’élevage de l’eurasier : 1960-1980. Éd. Union cynologique d’élevage, Weinheim. Association pour le développement de la race de chiens eurasiers. 1980:1-31.

Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ 1
Phénomènes physiopathologiques du glaucome en cinq phases

1. Un événement initial d’origine génétique impliquant les voies de drainage et d’évacuation de l’humeur aqueuse. Un gène candidat a été identifié chez le chien : ADAMTS10.

2. Des modifications physiques entraînant l’obstruction et l’évacuation de l’humeur aqueuse impliquant la matrix extracellulaire.

3. Une élévation de la pression intra-oculaire bloquant le flux axoplasmique du nerf optique et son flux sanguin.

4. Un dysfonctionnement puis une dégénérescence des cellules ganglionnaires et du nerf optique.

5. Une altération du champ visuel évoluant vers la cécité.

ENCADRÉ 2
Chiens présentant la plus haute prévalence de glaucome en Amérique du Nord entre 1994 et 2002

→ Akita

→ American cocker spaniel

→ Australian cattle dog

→ Basset hound

→ Beagle

→ Bichon frisé

→ Boston terrier

→ Bouvier des flandres

→ Brittany spaniel

→ Cairn terrier

→ Caniche miniature

→ Caniche standard

→ Caniche toy

→ Chow-chow

→ Dalmatien

→ English cocker spaniel

→ English springer spaniel

→ Jack russell terrier

→ Lhassa apso

→ Norvegian elkhound

→ Pekingese

→ Saint-bernard

→ Samoyed

→ Shar pei

→ Shih tzu

→ Siberian husky

→ Wire fox terrier

ENCADRÉ 3
Définition du logiciel GenoPro® utilisé dans notre étude

« GenoPro® est un logiciel à la fois convivial, intuitif et facile d’apprentissage, offrant la possibilité de réaliser des structures d’arbres généalogiques les plus complexes. GenoPro® interprète, édite et permet l’impression d’arbres généalogiques de grande envergure. GenoPro® offre des outils puissants pour débusquer les informations incomplètes ou erronées. »

Points forts

→ La preuve de l’origine génétique d’un type de glaucome chez les eurasiers est recherchée grâce à la constitution d’un arbre généalogique de la race.

→ L’arbre généalogique, avec mention du glaucome, comprend 831 individus répartis sur 27 générations.

→ Les trois couples fondateurs de la race ont pu être reliés à tous les animaux examinés.

→ Des présomptions apparaissent sur l’origine génétique du glaucome, mais les effectifs considérés n’ont pas été suffisants pour la confirmer.

ENCADRÉ 4
Exemples de logiciels de généalogie disponibles en ligne

→  Logiciels de généalogie adaptés à la génétique clinique :

– GenoPro® ;

– Cyrillic Pedigree® ;

– Progeny Clinical®.

→  Logiciels de généalogie humaine pouvant intégrer des données médicales :

– Family Tree Maker Legacy® ;

– Legacy® ;

– Roots Magic® ;

– The Master Genealogist® ;

– Dorotree®.

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