DERMATOLOGIE FÉLINE
Analyse d’article
Auteur(s) : Charline Pressanti
Fonctions : Praticien hospitalier en dermatologie,
INP-ENVT, 23, chemin des Capelles,
31076 Toulouse
La dermatite exfoliative féline est une dermatose rare qui se traduit cliniquement par la présence de larges squames adhérentes recouvrant une large partie de la peau [6].
Elle affecte des chats d’âge moyen à avancé, et peut s’accompagner d’une alopécie et d’un prurit marqué. Cette affection est considérée comme un syndrome paranéoplasique associé à la présence d’un thymome. Certains auteurs rapportent une résolution complète des lésions après une exérèse de la tumeur [3, 7]. Le mécanisme étiopathogénique demeure mal compris. Néanmoins, il semblerait que l’affection soit la conséquence de la synthèse par le thymome de lymphocytes T cytotoxiques (LT CD8+) autoréactifs dirigés contre les kératinocytes. Le mécanisme serait semblable à celui qui est observé dans les myasthénies graves ou les myosites associées aux thymomes.
L’aspect histopathologique des lésions est celui d’une dermatite d’interface, pauvre à riche en cellules et associant une hyperkératose et un excès de desquamation. L’atteinte lymphocytaire cytotoxique se traduit par la présence de kératinocytes apoptotiques et une dégénérescence de la couche basale. De plus, une attaque par les lymphocytes de la région folliculaire est responsable d’une destruction de la glande sébacée, aggravant ainsi le trouble de la kératinisation observé.
L’étude rétrospective rapportée confirme que cette entité est similaire cliniquement et microscopiquement à la dermatose classiquement associée au thymome.
Histologiquement, tous les cas avaient en commun cette dermatite d’interface lymphocytaire associée à des kératinocytes apoptotiques sur toute la hauteur de l’épiderme, une folliculite murale lymphocytaire et une adénite sébacée.
La cause sous-jacente n’a pu être identifiée. Douze chats présentaient un abattement marqué et seulement 4 présentaient d’autres anomalies organiques concomitantes, pouvant expliquer la léthargie. Pour les cas restants, les auteurs suggéraient qu’une perte importante en eau transcutanée serait susceptible d’expliquer la baisse de l’état général. L’autre hypothèse est l’existence d’une cause commune à l’abattement et à la dermatose qui n’a pas pu être déterminée chez ces animaux.
Il convient de revenir sur le mécanisme pathogénique putatif de la dermatose exfoliative associée au thymome. La production par la tumeur de lymphocytes T cytotoxiques autoréactifs s’apparente aux processus immunitaires de la maladie du greffon contre l’hôte [4]. Cette réaction immunitaire explique le pattern histologique observé, similaire à celui de l’érythème polymorphe (EP). De plus, un cas d’EP a été décrit en association avec un thymome chez un chien [5]. La dermatite exfoliative pourrait donc s’apparenter à un EP particulier, induit par une tumeur. Bien qu’aucun phénomène néoplasique n’ait été identifié chez les chats de cette étude (par radiographie en région thoracique pour les 18 animaux et par échographie abdominale pour 12 d’entre eux), un foyer tumoral de petite taille, indétectable par ces méthodes, ne peut être totalement exclu. Il aurait été préférable d’employer des techniques d’imagerie plus sensibles comme la tomodensitométrie ou la résonance magnétique. Cependant, les auteurs de l’essai contrebalancent cette faiblesse par le fait que la plupart des animaux ont été suivis sur de longues périodes sans qu’un phénomène tumoral n’ait pu être détecté.
L’EP est également une affection parfois décrite comme consécutive à une infection virale. Bien connu chez l’homme, l’EP, dans sa forme classique, est souvent la conséquence d’une infection par un herpèsvirus. Ce point a conduit les auteurs à rechercher ce virus chez les chats de cette étude et la polymerase chain reaction (PCR) s’est révélée négative pour l’ensemble des individus.
L’aspect à la fois clinique et histopathologique de cette dermatose exfoliative féline n’est pas sans rappeler le lupus cutané exfoliatif du braque allemand [1, 2]. Cette entité du jeune chien, décrite anecdotiquement dans d’autres races canines, n’a jamais été identifiée chez le chat. De pronostic réservé, cette affection semble être temporairement améliorée par une thérapeutique immunosuppressive. Bien que la dermatose exfoliative féline survienne chez des chats plus âgés et sans prédisposition raciale évidente, les similitudes cliniques et histologiques de ces deux maladies sont troublantes. La bonne réponse des chats de cette étude à un traitement immunosuppresseur oriente donc les auteurs vers l’hypothèse d’une affection dysimmunitaire, voire auto-immune, encore mal élucidée.
Le caractère rétrospectif de cette étude affaiblit sa puissance. En effet, comme cela a déjà été souligné, certaines données cliniques, notamment les résultats d’imagerie, ne peuvent être complétées. Il est possible que des tumeurs médiastinales de petite taille soient passées inaperçues.
Il existerait donc une entité clinique similaire à la dermatite exfoliative associée au thymome, mais dont l’origine demeure inconnue. Face à un tel cas, un traitement immunosuppressif serait recommandé en première intention.
Aucun.
CONTEXTE
La dermatite exfoliative féline est un syndrome communément considéré comme paranéoplasique et associé à la présence d’un thymome. Quelques cas similaires sont décrits sans qu’une tumeur n’ait pu être mise en évidence.
OBJECTIF
Décrire les aspects cliniques et microscopiques de ces cas, et préciser les éventuelles causes des dermatoses et la réponse au traitement.
MÉTHODE
Cette analyse rétrospective multicentrique s’est intéressée à des cas de dermatoses exfoliatives félines confirmées histologiquement. Seuls les cas pour lesquels un thymome a été exclu par des méthodes radiographiques ont été retenus. Pour chaque cas, les données anamnestiques, cliniques et histologiques ont été recueillies.
RÉSULTATS
• 18 chats ont été inclus dans cette étude.
• Aucune prédisposition de sexe, d’âge ou de race n’a été identifiée.
• Tous les chats présentaient une dermatose exfoliative marquée, généralisée pour 77 % d’entre eux et multifocale pour les 23 % restants.
• Pour tous ces animaux, le thymome a été exclu par des méthodes radiographiques.
• L’aspect histologique était similaire pour tous les cas rapportés. Il était dominé par une hyperkératose intense. L’aspect histologique de ces cas était similaire à celui de la forme classique associée au thymome.
• 12 chats ont fait l’objet d’une thérapeutique immunosuppressive à base de corticoïdes et/ou de ciclosporine. Un animal a reçu une antibiothérapie et un autre uniquement des soins locaux. Deux chats ont manifesté une rémission spontanée. Deux autres ont dû être euthanasiés à la suite de l’aggravation de leur état en l’absence de traitement.
CONCLUSION
Dans ces 18 cas similaires aux cas associés au thymome sur les plans clinique et histologique, aucune cause sous-jacente n’a pu être identifiée. La plupart des animaux ont présenté une amélioration sous traitement immunosuppressif, suggérant un mécanisme dysimmunitaire non encore élucidé.
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