Le « véto bashing » n’est pas toujours dénué de risques pour son auteur - Le Point Vétérinaire n° 389 du 01/10/2018
Le Point Vétérinaire n° 389 du 01/10/2018

JURISPRUDENCE

Juridique

Auteur(s) : Christian Diaz

Fonctions : 7, rue Saint-Jean
31130 Balma

« Le drame Internet est qu’il a promu le fou du peuple au niveau de porteur de la vérité. » (Umberto Eco) Les attaques envers les vétérinaires sur les réseaux sociaux ne sont pas rares. Dans le cas décrit ici, le tribunal a reconnu une cliente coupable de diffamation publique envers un vétérinaire.

Les faits

À la suite de la mort de son chien, dont elle tient le Dr Véto pour responsable, Mme Web met en ligne, sur la page internet d’une association de protection animale, de virulents commentaires, en précisant le nom du vétérinaire et en ne reculant ni devant les insultes ni devant les attaques visant l’ensemble de la profession. Cette communication vengeresse est relayée par des centaines d’internautes pendant 3 jours consécutifs.

Cible de ces commentaires désobligeants, qui s’étalent publiquement, le Dr Véto saisit le tribunal correctionnel et dépose une plainte avec constitution de partie civile pour « diffamation envers particulier par parole ; écrit, image ou moyen de communication par voie électronique ».

Le jugement

Il résulte des éléments du dossier que les faits reprochés à Mme Web sont établis. Il convient de l’en déclarer coupable et d’entrer en voie de condamnation.

Concernant l’action publique (menée par le procureur qui représente la société), le tribunal prononce à l’encontre de Mme Web la peine d’amende délictuelle de 1 000 € assortie du sursis.

Concernant l’action civile (visant à réparer le préjudice subi par la victime), le tribunal déclare Mme Web entièrement responsable du préjudice subi par le Dr Véto et la condamne à lui payer 300 € au titre du préjudice financier, 2 000 € au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, et 1 000 € au titre de l’article 475-1 du Code de procédure pénale.

Pédagogie du jugement

La loi du 20 juillet 1881 sur la liberté de la presse est souvent considérée comme le texte juridique fondateur de la liberté de la presse et de la liberté d’expression en France, inspirée par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Elle est, dans le même temps, le texte qui en limite l’exercice et sanctionne certains comportements.

En France, la diffamation est une infraction pénale définie comme l’« allégation ou l’imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé ». En l’absence de faits imputés, toute expression outrageante, tout terme de mépris ou toute invective est une injure.

La diffamation peut être publique ou non publique, ce qui conditionne les articles de loi qui la régissent. Elle peut être dirigée contre des personnes physiques ou des groupes de personnes, envers une personne publique ou une institution publique ou même envers la mémoire d’un mort.

La diffamation peut aussi être aggravée ou simple. La diffamation non publique, en raison de la vie privée, est la moins pénalement sanctionnée. La sanction la plus grave est celle pour diffamation publique envers une personne ou une institution publique, ou pour diffamation envers un individu ou un groupe pour motif discriminatoire.

Il s’agit d’un délit pour lequel la prescription de l’action publique est courte : 3 mois.

En l’espèce, le tribunal a bien reconnu Mme Web coupable de diffamation publique. L’absence de condamnation précédente justifie le sursis pour la totalité de l’amende.

Le préjudice moral relève de l’appréciation souveraine des juges. Il a ici été fixé à 2 000 €.

Les attaques envers les vétérinaires sur les réseaux sociaux ne sont pas rares. Les « agresseurs », auxquels les techniques modernes donnent la même audience qu’un prix Nobel (Umberto Eco), n’hésitent pas à tenir des propos outranciers, d’une violence inquiétante, persuadés qu’ils sont d’une fausse impunité liée au mode de communication.

Les professionnels ainsi diffamés doivent savoir que la loi leur permet d’agir, tout d’abord en faisant cesser la nuisance auprès du gestionnaire du réseau, puis en saisissant les tribunaux pour obtenir réparation.

Signe des temps, les praticiens peuvent maintenant souscrire auprès de leur assureur en protection juridique une garantie e-réputation couvrant ce nouveau type de sinistre.

Source

Tribunal correctionnel d’Angers du 29/11/2017.

REMERCIEMENTS

Au Dr Vincent Coupry.

Conflit d’intérêts

Aucun.