CHIRURGIE ABDOMINALE
Analyse d’article
Auteur(s) : Alexandre Caron
Fonctions : CHV Atlantia
22, rue René-Viviani
44200 Nantes
La proportion de lésions spléniques expliquant un hémopéritoine spontané est généralement rapportée comme beaucoup plus élevée dans des études plus anciennes que dans l’article résumé : 68 à 87 % [1, 5, 8, 9]. Toutes ces études avaient été réalisées sur des populations beaucoup plus faibles (39 à 139 chiens). L’étude résumée ici inclut plus de 600 chiens et reflète mieux la réalité, d’autant plus que les chiens n’ayant pas subi de chirurgie lors du traitement de l’hémopéritoine ont également été inclus afin de limiter les biais de sélection. Ainsi, les cas d’hémorragie splénique représentent 81 % des cas diagnostiqués lors de la chirurgie, mais seulement 47 % des cas diagnostiqués lors d’une autopsie [5]. Ces chiffres illustrent la plus grande difficulté technique (ou la réticence) à traiter chirurgicalement un saignement d’origine extrasplénique alors qu’une splénectomie est un acte chirurgical assez simple, qui, dans tous les cas, permet de stopper l’hémorragie.
Chez les chiens de moins de 20 kg, plus d’un quart des hémopéritoines spontanés ont une source de saignement hépatique (27,2 %) dans l’article résumé [5]. Cette proportion est un peu moins élevée chez les grands chiens (15,8 %). Les petits chiens ont ainsi un risque beaucoup plus élevé (multiplié par 2,73) de présenter un saignement péritonéal d’origine organique autre. Les glandes surrénales (1,6 %), les reins (1,4 %) et les masses rétropéritonéales (3,5 %) sont le plus souvent identifiés comme étant à l’origine de leur saignement dans l’article résumé [5]. Les néoplasies ou les lésions de ces organes peuvent être prises en charge grâce à l’amélioration des techniques chirurgicales mais aussi d’anesthésie-réanimation-soins intensifs. Le pronostic de récupération est bien meilleur qu’auparavant [2, 7, 10, 11].
Le diagnostic définitif n’est obtenu dans l’article résumé que pour 294 des 742 chiens (46,2 %). Dans un peu plus d’un quart des cas, il est réalisé par cytologie ou lors de l’autopsie. Les cas restants dépendent des résultats de biopsies obtenues chirurgicalement. Cela représente un biais important puisque certains critères, plus que d’autres, amènent à envisager une chirurgie qui conditionne l’obtention de biopsies. C’est certainement la raison pour laquelle les tumeurs spléniques, et notamment l’hémangiosarcome, sont les hypothèses diagnostiques les plus fréquemment avancées lors d’hémopéritoine, la splénectomie étant une chirurgie couramment pratiquée [6]. Un hémangiosarcome splénique doit toujours être suspecté lorsque le saignement est d’origine splénique. Néanmoins, l’article résumé souligne que la proportion d’hémangiosarcome splénique est, selon les statistiques, significativement plus faible chez les chiens de moins de 20 kg : 67,5 % contre 50,8 % chez les grands chiens [5]. Pour autant, la proportion de néoplasies spléniques bénignes est assez semblable dans les deux populations : 15,2 % et 15,9 %. la différence entre ces deux groupes réside dans le type de tumeur maligne : chez les petits chiens, une tumeur maligne est plus souvent d’un autre type qu’un hémangiosarcome, que chez les chiens de grande race. Le pronostic vital pour l’animal peut alors beaucoup varier et notamment être meilleur que celui associé au diagnostic d’un hémangiosarcome.
Le pronostic associé à un hémangiosarcome splénique est relativement bien connu chez le chien. Il reste assez réservé avec une durée médiane de survie rapportée de 47 à 86 jours après une splénectomie comme seul traitement. Cette durée est étendue et est rapportée à 100 à 202 jours si un traitement adjuvant par chimiothérapie est réalisé [5]. Ce pronostic peut mener un grand nombre de propriétaires à envisager l’euthanasie. Cependant, d’autres tumeurs identifiées, parfois bénignes notamment, peuvent avoir un pronostic de survie bien plus favorable. C’est le cas, par exemple, du carcinome hépatocellulaire, qui peut parfois être extrêmement impressionnant en raison d’un volume tumoral important. Le pronostic de survie est cependant excellent, à condition que l’exérèse chirurgicale soit envisageable. Pour pouvoir informer les propriétaires de ce pronostic potentiellement bon, il apparaît nécessaire de connaître l’origine organique de la tumeur.
Cela n’est possible qu’en pratiquant des examens complémentaires (échographie abdominale, notamment).
L’article résumé n’inclut que des chiens. Une étude a précédemment évalué l’origine d’un hémopéritoine spontané chez le chat [4]. Sur une population de 65 chats, 46 % présentait une néoplasie abdominale. L’hémangiosarcome est la tumeur la plus fréquemment rapportée (60 %) et la rate est le site le plus souvent touché (37 %). Comme démontré chez le chien dans l’article résumé, les lésions spléniques prédominent en nombre, mais ne constituent pas, à elles seules, une part majoritaire des différentes lésions possibles. Dans cette étude, seuls 8 chats ont survécu à l’hospitalisation, soit un taux de mortalité (incluant les décisions d’euthanasie) de 88 %.
Une approche probabiliste de l’origine d’un hémopéritoine spontané chez le chien présente de grands risques d’être erronée et de mener à un traitement inadapté, d’autant plus chez les chiens de petite taille. Il est conseillé, dans tous les cas, de réaliser des examens complémentaires au-delà de la caractérisation de l’épanchement, afin de permettre d’identifier l’origine du saignement. une idée plus précise du pronostic peut ainsi être donnée aux propriétaires afin qu’ils prennent une décision éclairée.
Enfin, une étude menée sur 139 chiens démontre que les propriétaires évaluent très favorablement la qualité de vie de leur chien à la suite du traitement chirurgical d’une néoplasie ayant induit un hémopéritoine, quelle qu’en soit sa nature histologique [3].
Aucun.
OBJECTIF
Comparer les sources anatomiques et les causes sous-jacentes d’hémorragies entre les chiens de petite et de grande races ayant un hémopéritoine spontané.
MÉTHODE
Étude rétrospective. Une analyse statistique préalable évalue le besoin d’inclure au moins 446 chiens afin de déterminer une différence entre les deux populations avec une puissance statistique de 90 %. Les dossiers de chiens de deux hôpitaux vétérinaires, traités pour un hémopéritoine de 2010 à 2015, sont inclus. Les chiens dont l’origine de l’hémopéritoine était iatrogène, traumatique ou en lien avec une intoxication aux anticoagulants sont exclus, ainsi que ceux ayant subi au préalable une néphrectomie, une surrénalectomie ou une splénectomie. Les chiens de moins de 20 kg sont considérés comme de petite race et ceux de plus de 20 kg comme de grande race.
RÉSULTATS
• L’étude inclut 742 chiens : 85,9 % (n = 637) ont eu un examen échographique et subi une chirurgie ou une autopsie permettant le diagnostic de certitude de l’hémopéritoine, ainsi que de son origine organique ; 19,6 % des chiens étaient de petite race et 80,4 % de grande race.
• Une hémorragie d’origine splénique est la cause la plus fréquemment identifiée : 43,2 % pour les chiens de petite race et 61,3 % pour les chiens de grande race. Cette différence est statistiquement significative.
• Le foie est la deuxième source d’hémorragie la plus fréquente : 27,2 % pour les chiens de petite race et 15,8 % pour ceux de grande race.
• Une origine multi-organique de l’hémorragie est identifiée dans 11,2 % des cas chez les chiens de petite race et 16,6 % chez ceux de grande race. Cette différence n’est pas statistiquement significative.
• Un hémangiosarcome splénique a été identifié plus fréquemment lors de saignement de la rate chez les chiens de grande race que chez ceux de petite race (67,5 % contre 50,8 %).