Dysurie chez une chienne yorkshire - Le Point Vétérinaire expert canin n° 402 du 01/01/2020
Le Point Vétérinaire expert canin n° 402 du 01/01/2020

MALADIE CONGÉNITALE

Cas clinique

Auteur(s) : Élise Fonclara

Fonctions : Clinique Néovet, La Croix bleue
Zone Tecnosud 2, Mas Delfau
136, avenue Éole
66100 Perpignan
e.fonclara@gmail.com

Le shunt porto-systémique congénital est à l’origine d’une expression clinique variée. Les chiens de petite taille présentent plutôt un shunt extrahépatique, ceux de grand gabarit un shunt intrahépatique. Parmi les petits chiens, le yorkshire est la race la plus touchée.

Les shunts porto-systémiques congénitaux à l’origine de troubles exclusivement urinaires sont peu fréquents. La présence de calculs de biurates d’ammonium doit conduire, au cours de leur exploration, à une évaluation de la fonction hépatique. Ce cas est un nouvel exemple d’atteinte urinaire stricte secondaire à un shunt porto-systémique extrahépatique.

CAS CLINIQUE

1. Anamnèse et commémoratifs

Lors d’une première consultation, une femelle yorkshire terrier stérilisée de 4 ans est présentée pour l’exploration d’une dysurie. Cette dernière se traduit par une pollakiurie, associée à une hématurie et à une strangurie, sans atteinte de l’état général. Cette chienne est correctement vaccinée et vermifugée. Elle est nourrie avec une alimentation sèche de supermarché.

2. Démarche diagnostique

Imagerie médicale

Plusieurs examens complémentaires sont réalisés, dont une échographie de l’appareil urinaire qui révèle la présence de plusieurs petits calculs dans la vessie, associés à un épaississement de la paroi vésicale.

L’analyse urinaire, réalisée par cystocentèse, met en évidence une urine jaune translucide d’une densité égale à 1,030 et d’un pH de 7, sans anomalie observée sur la bandelette urinaire. De rares cristaux de struvite, quelques globules rouges et des cellules épithéliales sont décelés dans le culot urinaire. Une radiographie abdominale permet de confirmer la présence de calculs vésicaux, dont la radio-opacité est plutôt faible (photo 1). Bien qu’il reste souvent recommandé en cas de calcul, le dosage de l’urée et de la créatinine n’est pas effectué en première intention, car la densité urinaire est normale chez cette chienne correctement hydratée.

Traitement médical

Dans un premier temps, face à l’hypothèse de calculs de struvite, le traitement médical instauré associe un antiinflammatoire non stéroïdien (cimicoxib à la dose de 2 mg/kg une fois par jour pendant quatre jours) à un antispasmodique (phloroglucinol à raison de 3 mg/kg deux fois par jour, triméthylphloroglucinol à 4 mg/kg deux fois par jour pendant une semaine) et à un changement d’alimentation (pâtée s/d Hills®).

Comme la pollakiurie et la strangurie persistent après quinze jours de traitement, l’exérèse des calculs est programmée.

Cystotomie

La cystotomie permet le retrait de huit calculs, de 1 à 5 mm de diamètre, composés de 100 % d’urates d’ammonium d’après les résultats d’analyse obtenus par spectrométrie infrarouge. Une antibiothérapie probabiliste (céfalexine à la dose de 15 mg/kg deux fois par jour) est mise en place pendant une semaine, dans l’hypothèse d’une atteinte bactérienne, malgré l’absence de bactériologie réalisée sur les calculs ou la muqueuse vésicale en raison du refus de cet examen par les propriétaires. La nature des calculs motive l’exploration approfondie de leur origine, notamment via la recherche d’un éventuel trouble hépatique.

3. Suivi médical

Examen clinique

Quinze jours après l’intervention chirurgicale, la chienne est en très bon état général. Elle est normotherme et son poids est de 3,7 kg, pour un score corporel de 4 sur 9. Les muqueuses sont rosées. L’examen des appareils cardiaque et respiratoire ne révèle rien d’anormal. La palpation abdominale est souple et non douloureuse. Enfin, l’examen de la vulve ne montre pas d’anomalie et les propriétaires ne rapportent plus de dysurie.

Hypothèses diagnostiques

Le cas de cette chienne yorkshire stérilisée de 4 ans est celui d’une dysurie consécutive à des calculs vésicaux d’urates d’ammonium, sans atteinte de l’état général.

Les principales hypothèses susceptibles d’expliquer la formation des calculs vésicaux d’urates d’ammonium sont en priorité une atteinte hépatique congénitale porto-systémique, avec une localisation probablement extrahépatique compte tenu de la race (les chiens de petite taille présentent ce type de shunt dans 90 % des cas, notamment le yorkshire), ou une autre anomalie vasculaire hépatique, comme une hypoplasie primaire de la veine porte [2].

Une insuffisance hépatique secondaire à une atteinte parenchymateuse n’est pas à écarter, même si elle est moins probable d’après l’évolution clinique et l’absence de signes cliniques autres qu’urinaires. L’hypothèse de la formation de calculs d’urates d’ammonium d’origine génétique (mutation du gène SLC2A9 notamment) est peu probable compte tenu de la race.

4. Examens complémentaires

Paramètres hémato-biochimiques

Une cinétique des acides biliaires est décidée pour explorer la fonction hépatique. La première prise de sang est réalisée après un jeûne de 12 heures, la seconde deux heures après l’ingestion d’une petite quantité de pâtée. Le test met en évidence une atteinte hépatique fonctionnelle, non spécifique d’un shunt porto-systémique. Le dosage de l’ammonium n’est pas effectué, car non disponible à la clinique. L’albuminémie, fréquemment diminuée lors de lésion hépatique fonctionnelle, est vérifiée chez la chienne, et se situe dans les valeurs de référence (tableau 1). Ces examens auraient pu être complétés par une mesure de la glycémie, du cholestérol, de l’urée, ainsi que des temps de coagulation.

Des marqueurs de la cholestase et de la cytolyse hépatique sont également évalués pour identifier une éventuelle atteinte parenchymateuse ou biliaire associée. De plus, ces paramètres sont parfois modérément augmentés en cas de shunts porto-systémiques primaires. Seule une augmentation discrète des gamma-glutamyl transférases (GGT) est observée. Elle n’est probablement pas secondaire à une cholestase, car les phosphatases alcalines (ALKP) sont dans les limites des valeurs usuelles, et une variabilité analytique ou individuelle est tout à fait possible. Cette hausse étant modérée et isolée, elle n’a pas été davantage explorée.

L’hypothèse d’une lésion parenchymateuse à un stade avancé, responsable de l’atteinte fonctionnelle, est écartée car les enzymes hépatiques ne sont pas modifiées et le tableau clinique et biologique n’est pas concordant.

Enfin, la numération de la formule sanguine ne révèle qu’une diminution très modeste de la teneur corpusculaire moyenne en hémoglobine (TCMH), ainsi qu’une concentration corpusculaire moyenne en hémoglobine (CCMH) et un volume globulaire moyen (VGM) dans les limites basses de l’intervalle de référence. La population des globules rouges s’apparente à une population hypochrome et microcytaire, une anomalie hématologique parfois observée lors de shunt porto-systémique (tableau 2).

Imagerie médicale

Une échographie abdominale est réalisée pour explorer la piste d’un shunt porto-systémique (photos 2a à 2f). L’examen échographique confirme l’existence d’un shunt extrahépatique, avec un abouchement dans la veine cave caudale en amont des veines rénales (de type portocave classique dans le foramen épiploïque), associé à une microhépatie modérée. Les reins sont de taille et de structure normales. Une sablose vésicale est observée. Aucune autre anomalie échographique n’est notée.

5. Traitement

Traitement médical

La récidive des urolithiases vésicales motive la décision d’une prise en charge chirurgicale du shunt porto-systémique extrahépatique. En attendant l’opération, une alimentation hypoprotéique est instaurée (croquettes k/ d®, Hills). En raison de l’absence de signes cliniques autres qu’urinaires, aucun traitement préopératoire, excepté l’alimentation, n’est mis en place. Les croquettes k/d® sont distribuées pendant un mois avant la réalisation de l’intervention chirurgicale.

Par ailleurs, un contrôle sanguin (glycémie, albuminémie) est réalisé en phase préopératoire après une mise à jeun de l’animal de 12 heures.

Traitement chirurgical

Lors de l’intervention, une réduction progressive du shunt est rendue possible par la mise en place d’une bande de cellophane au plus près de la circulation systémique (photo 3). Un suivi clinique, un dosage de la glycémie, de l’albuminémie, des protéines totales plasmatiques et un contrôle échographique – notamment pour surveiller l’apparition d’une ascite susceptible de se développer lors d’hypertension portale – sont effectués pendant les premières 48 heures d’hospitalisation.

Quatre jours plus tard, la chienne est rendue à ses propriétaires avec une prescription de métronidazole (à la dose de 7,5 mg/kg deux fois par jour pendant quinze jours) par crainte de l’apparition de troubles neurologiques consécutifs à l’occlusion partielle, et d’amoxicilline-acide clavulanique (à raison de 12,5 mg/kg deux fois par jour pendant sept jours) afin d’élargir le spectre antibactérien en période postopératoire. En outre, l’alimentation à base de croquettes k/d® Hills est prolongée pendant un mois.

6. Suivi

Un contrôle clinique a lieu 15 jours après l’intervention. Aucun trouble n’est rapporté par les propriétaires. Un deuxième contrôle est effectué 15 jours après le premier. L’échographie abdominale montre une disparition des lithiases vésicales, ainsi que l’absence d’ascite (photo 4). Les acides biliaires sont dosés selon le même protocole que celui utilisé lors du diagnostic. Les résultats sont dans les limites des valeurs de référence (tableau 3). L’alimentation spécifique est interrompue au bout d’un mois, après la stabilisation des paramètres biochimiques (acides biliaires). Un troisième contrôle, réalisé quatre mois plus tard, ne révèle pas d’anomalie clinique ou biochimique (acides biliaires, urée, glycémie, albumine). Enfin, les visites suivantes sont espacées tous les six mois, puis tous les ans à l’occasion du rappel vaccinal, à la demande des propriétaires. Après un recul de trois ans, aucune anomalie n’est rapportée et les suivis biochimiques et échographiques restent conformes aux valeurs usuelles.

DISCUSSION

1. Épidémiologie

Les shunts porto-systémiques extrahépatiques congénitaux affectent plus fréquemment les races de petite taille, notamment le yorkshire terrier, le bichon, le carlin et le schnauzer nain, alors que les shunts intrahépatiques concernent principalement les chiens de grand gabarit (irish wolfhound, labrador, etc.).

L’expression clinique de la maladie peut être variée, avec des signes généralement frustes (troubles digestifs ou urinaires, retard de croissance) ou plus marqués, notamment lors d’atteinte neurologique telle qu’une encéphalose hépatique (tableau 4). Dans la littérature, les cas de shunt porto-systémique avec des signes cliniques exclusivement urinaires sont peu courants [3].

Quel que soit le tableau clinique, la prévalence des urolithiases d’urates d’ammonium est de 26 à 57 % chez les chiens qui présentent des shunts porto-systémiques congénitaux [2]. Des facteurs tels que le sexe mâle, un âge de plus de 9 ans et un traitement médical préalable sont associés à la formation de calculs d’urates [3].

2. Pièges diagnostiques

Certaines races canines (dalmatien, terrier noir russe et bulldog) développent des calculs d’urates d’ammonium sans atteinte hépatique fonctionnelle. Ces chiens possèdent une mutation sur le gène SLC2A9, responsable du transport de l’urate dans le foie et le rein. Les chiens porteurs de la mutation ne sont plus capables de transformer l’acide urique (urate) en allantoïne, qui s’accumule alors dans les voies urinaires [1, 4].

Lors d’insuffisance hépatique, par défaut de transformation de l’acide urique en allantoïne et de l’ammonium en urée, des calculs d’urates d’ammonium se développent. Ainsi, la découverte d’un calcul d’urate d’ammonium vésical chez un chien non porteur de la mutation doit impérativement être suivie d’une exploration hépatique, y compris lorsque aucun autre signe clinique n’est rapporté.

3. Diagnostic

Exploration hémato-biochimique

Des anomalies hématologiques sont parfois observées. Une anémie microcytaire normochrome non régénérative est décrite dans certains cas. Une microcytose est présente chez 60 à 72 % des chiens, avec ou sans anémie associée [2].

Plus fréquemment, des modifications biochimiques sont notées chez les chiens : hypoalbuminémie (50 %), hypourémie (70 %), hypocholestérolémie, hypoglycémie et élévation des temps de coagulation. Ces paramètres n’ont pas été explorés lors de l’investigation de ce cas. Avant la réalisation de la cystotomie, le dosage de l’urée et de la créatinine n’a pas été effectué. Une diminution de ces éléments aurait éventuellement pu orienter vers une atteinte hépatique. Une élévation modérée des phosphatases alcalines (ALKP) et de l’alanine aminotransférase (Alat) est quelquefois rapportée [2].

L’exploration hépatique passe par le dosage des acides biliaires, catabolites du cholestérol produits exclusivement au niveau hépatique. Ils sont excrétés lors de la contraction de la vésicule biliaire, puis réabsorbés dans leur quasi-intégralité (95 %) par le tube digestif, permettant ainsi d’évaluer l’efficacité du cycle entéro-hépatique. Une augmentation de l’ammoniémie à jeun est évocatrice, mais non spécifique, d’un shunt porto-systémique.

Étant donné les conditions préanalytiques strictes, liées à la mauvaise stabilité du substrat dans l’échantillon et à son indisponibilité à la clinique, la mesure de l’ammoniémie n’a pas été réalisée pour ce cas. Cependant, ces tests évaluent la fonction hépatique de façon globale, sans être pathognomoniques de la présence d’un shunt porto-systémique.

Analyse urinaire

Dans l’analyse d’urine de ce cas, des cristaux de struvite sont retrouvés lors de l’exploration de la cause de la dysurie. Habituellement formés à un pH basique, leur présence concomitante avec des lithiases d’urate est surprenante, bien que la cohabitation de différents types de cristaux soit décrite dans la littérature lors de pH intermédiaire (comme ici un pH 7).

Une association entre calculs d’urate et de struvite est parfois rapportée dans le cadre des shunts porto-systémiques [3]. En effet, une infection urinaire peut en être la cause, l’activité uréasique de certaines bactéries contribuant à la formation de cristaux de struvite. Une analyse bactériologique complémentaire aurait été pertinente pour le confirmer, mais elle a été refusée par les propriétaires.

Dans l’étude de Caporali, parmi 95 chiens candidats, 35,8 % présentent des urolithiases diagnostiquées par échographie ou tomodensitométrie. Ces urolithiases sont en majorité situées dans la vessie. La plupart des calculs analysés sont des urates d’ammonium purs (12 calculs sur 17) ou mixtes (4 sur 17) composés d’urates d’ammonium et de struvites. Seul un calcul sur les 17 analysés est uniquement constitué de struvites. Des analyses urinaires réalisées chez 79 chiens atteints d’un shunt porto-systémique montrent que 37 % d’entre eux présentent une cristallurie avec 44,8 % d’urates d’ammonium et 48,3 % de struvites [3].

4. Traitement

Traitement médical

Pour ce cas, la mise en place d’un traitement médical ou chirurgical a fait l’objet, comme pour tout traitement, d’un examen de la balance bénéfices/risques, avec le consentement des propriétaires.

Après une cystotomie, la mise en place d’un traitement médical constitué d’une alimentation réduite en protéines associée à du lactulose et une antibiothérapie représentait une option de traitement qui aurait pu éviter la récidive des calculs. Ce protocole vise à prévenir la récidive des calculs urinaires mais, à ce jour, cet effet préventif n’est pas scientifiquement démontré.

Dans une étude réalisée chez 27 chiens, l’efficacité de ce traitement médical palliatif est évaluée sur 9 shunts extrahépatiques, 17 intrahépatiques et 1 shunt complexe. Les chiens avec un shunt intrahépatique présentent autant sinon plus de symptômes nerveux, ainsi que des signes digestifs et urinaires comparables à ceux observés avant la mise en place du traitement. Les chiens au shunt extrahépatique montrent des signes identiques, ou moins fréquents, avec le traitement médical. 52 % des chiens sont euthanasiés pendant l’étude, avec une médiane de survie de 10 mois, 33 % sont toujours vivants à la fin de l’étude, avec un temps médian de 57 mois entre le diagnostic et les conclusions, enfin 15 % sont perdus de vue [16].

Dans leur étude, Greenhalgh et ses collègues comparent le traitement médical au traitement chirurgical, ce dernier étant accompagné, au préalable, d’une stabilisation médicale pendant trois semaines (alimentation adaptée, antibiothérapie et lactulose). 89 % des chiens traités médicalement meurent ou sont euthanasiés. Parmi les 97 chiens traités chirurgicalement, 22 % meurent ou sont euthanasiés. Au final, 78 % survivent, avec une médiane de suivi de 2 156 jours [8]. Dans cette étude, le taux de survie est significativement supérieur chez les chiens traités chirurgicalement par rapport à ceux traités médicalement.

Traitement chirurgical

Afin d’aborder la chirurgie dans les meilleures conditions, le traitement médical doit être instauré jusqu’à quatre semaines auparavant. Il doit être individualisé et associe fréquemment une alimentation hautement digestible, une antibiothérapie, du lactulose et éventuellement des antiacides et des antiépileptiques. Les protéines laitières et végétales sont privilégiées, avec une restriction protéique modérée (18 à 22 % sur la matière sèche) qui inclut des protéines de bonne qualité. Une antibiothérapie à base de métronidazole (à la dose de 7,5 mg/kg deux fois par jour) est prescrite afin d’éviter la translocation bactérienne. Le lactulose (à raison de 0,5 à 1 ml/kg toutes les 6 à 8 heures) permet de diminuer l’absorption de l’ammoniac au niveau du côlon et accélère également le transit. Enfin, les antiacides limitent les ulcérations gastriques (notamment lors de shunts intrahépatiques) [2, 8].

Enfin, un contrôle sanguin (glycémie, albuminémie) doit être réalisé en phase préopératoire après une mise à jeun de l’animal pendant 12 heures [2]. Un suivi de la glycémie est effectué au cours de l’intervention chirurgicale.

La fermeture complète du shunt est recommandée. En effet, selon une étude, 40 à 50 % des chiens ayant subi une ligature partielle ont développé de nouveau des signes cliniques, quelques mois ou années plus tard [2]. Néanmoins, lors de la fermeture progressive incomplète du shunt, avec un constricteur améroïde ou une bande de cellophane, le pronostic reste bon [2].

Les trois complications postopératoires majeures sont les troubles neurologiques, parmi lesquels les convulsions prédominent, mais également d’autres signes comme une ataxie, une hypoglycémie (chez 44 % des chiens, à l’origine de convulsions lors d’hypoglycémie réfractaire pour 29 % d’entre eux) et une hypertension portale [11]. Des crises convulsives non associées à une hypoglycémie ou à une encéphalose hépatique sont rapportées en période postopératoire chez 12 % des chiens [2]. Une hypertension portale, modérée ou plus rarement sévère, peut se développer. Dans un tel cas, une distension abdominale (ascite), des vomissements, des douleurs abdominales et une hypotension sont alors décrits [2].

Le pronostic postopératoire semble plus favorable chez les chiens qui ne présentent pas d’encéphalose hépatique lors du diagnostic [10]. C’est pourquoi la décision d’intervenir chirurgicalement a été prise pour la chienne présentée.

Protocole chirurgical

Le choix s’est porté sur la mise en place d’une bande de cellophane qui crée une inflammation, puis une fibrose progressive et occlusive autour du shunt [2]. La première utilisation de la cellophane remonte à 1990. Réduire le diamètre du shunt en deçà de 3 mm ne semble pas nécessaire pour que l’occlusion complète ait lieu, en phase postopératoire, grâce au développement de la fibrose autour du vaisseau [6].

Une analyse d’articles, réalisée en 2012 par Tivers, compare diverses techniques chirurgicales (ligature, constricteurs améroïdes, bande de cellophane). Son analyse n’oriente pas vers le choix d’une technique en particulier, car les résultats ne sont pas statistiquement significatifs [15]. Une autre analyse d’articles, plus récente, aboutit à des résultats différents. Les taux de complications semblent corrélés à la technique utilisée (tableau 5) [13].

Enfin, dans l’étude de Hunt, menée chez 106 chiens traités avec la pose d’une bande de cellophane, les résultats concernant les shunts extrahépatiques sont associés à de faibles taux de mortalité (3 %) et de complications (13 %) [9].

L’utilisation d’une bande de cellophane, pour la fermeture d’un shunt porto-systémique congénital extrahépatique, apparaît efficace et engendre peu de complications, sous réserve de la maîtrise par le chirurgien de la technique opératoire. Les deux complications qui peuvent survenir sont une non-occlusion du shunt ou le développement d’un shunt acquis. La persistance de signes cliniques après l’opération du shunt, ou encore une récidive des signes cliniques, justifie alors une exploration complète. Dans les cas où des symptômes persistent et que le shunt n’est pas totalement occlus, une nouvelle intervention chirurgicale est à envisager.

5. Suivi

Hospitalisation

Le suivi postopératoire immédiat est important à réaliser. Dans l’étude récente qui décrit les méthodes de gestion chirurgicale de shunts intrahépatiques portosystémiques congénitaux au sein de deux centres hospitaliers vétérinaires français (CHV Frégis et Atlantia), les animaux sont hospitalisés au minimum six jours sous fluidothérapie, analgésie, antibiothérapie, et reçoivent du lactulose, un régime réduit en protéines, des inhibiteurs de pompe à protons et un antiépileptique [5].

La chienne étant en bon état général 48 heures après l’intervention et les suivis clinique, biochimique (glycémie, protéines totales, albumine) et échographique étant satisfaisants, elle a été rendue à ses propriétaires avec des consignes de surveillance de l’état général et des signes digestifs.

Traitement antiépileptique

Une alimentation hypoprotéique a été instaurée pendant un mois, ainsi qu’une antibiothérapie pendant quinze jours. En revanche, le lactulose et le traitement antiépileptique préventif vis-à-vis de l’apparition de troubles neurologiques n’ont pas été prescrits. Les signes neurologiques apparaissent en moyenne au cours des 72 heures postopératoires, mais peuvent survenir jusqu’à sept jours après l’intervention, ce qui justifie donc une surveillance renforcée pendant cette première semaine [7, 12]. Fryer évoque, en 2011, l’intérêt d’instaurer un traitement préopératoire à base de lévétiracétam pour réduire le risque de crises convulsives en phase postopératoire, qui assombrissent le pronostic [7]. Plus récemment, en 2018, l’étude de Mullins ne souligne pas de différence significative concernant la survenue de crises convulsives entre les animaux traités préventivement au lévétiracétam et ceux non traités [12]. La mise en place d’un traitement préopératoire à base de lévétiracétam ne semble pas prévenir les crises épileptiques après l’intervention comme l’a suggéré Fryer en 2011. Les deux études ne tirent pas les mêmes conclusions quant à l’utilisation du lévétiracétam, mais elles s’accordent sur le caractère pronostique négatif des signes neurologiques postopératoires. Cependant, la gravité des crises apparaît moindre après l’administration prophylactique de lévétiracétam [7, 12, 14].

Antibiothérapie

La double antibiothérapie instaurée après le traitement chirurgical (métronidazole pendant quinze jours et amoxicilline-acide clavulanique durant sept jours) n’était peut-être pas nécessaire et leur association se discute. Le recours aux antibiotiques lors de procédures stériles n’est pas recommandé, mais dans le cas d’un animal débilité, souvent jeune et parfois avec des défaillances immunitaires, il convient d’instaurer une antibiothérapie [2]. Le métronidazole a été prescrit dans la crainte de troubles neurologiques postopératoires et l’association amoxicilline-acide clavulanique, administrée en phase périopératoire puis poursuivie, afin d’élargir le spectre. Dans le cadre d’un usage raisonné des antibiotiques, le choix aurait dû se limiter à une monothérapie (métronidazole). De même, lors de la cystotomie, une antibiothérapie probabiliste (céfalexine) a été décidée. Une analyse bactériologique, réalisée sur la muqueuse vésicale ou sur l’un des calculs, aurait permis d’adapter le traitement antibiotique. Elle reste recommandée.

Imagerie et paramètres sanguins

La réalisation d’une échographie de contrôle par un spécialiste est également appropriée pour visualiser la bonne occlusion du shunt environ deux mois après l’intervention. Elle n’a pas été effectuée dans notre cas. Cependant, le suivi médical et l’échographie vésicale visant à détecter une récidive des calculs n’ont relevé aucune anomalie, et la normalisation des acides biliaires est associée à un bon pronostic.

Une persistance modérée de l’élévation des acides biliaires en période postopératoire est possible, avec une résolution complète des signes cliniques. Il convient alors de vérifier la normalisation des autres paramètres anormaux détectés avant l’acte chirurgical (albumine, urée, cholestérol, etc.).

Conclusion

La présence de calculs d’urates d’ammonium doit orienter vers une exploration de la fonction hépatique, y compris en l’absence d’autres signes cliniques, et surtout chez des chiens non prédisposés aux calculs d’urates. Les shunts porto-systémiques congénitaux extrahépatiques à l’expression clinique urinaire stricte bénéficient d’un bon pronostic lorsque l’intervention chirurgicale est réalisée précocement, notamment avant le développement de calculs rénaux ou urétéraux. Le risque de complications postopératoires semble diminué en l’absence de signes neurologiques en phase préopératoire. Lorsqu’il est réalisable, le traitement chirurgical affiche un meilleur pronostic que le traitement médical. L’occlusion complète du shunt, qui reste l’objectif de l’intervention, doit être réalisée dans la majorité des cas de manière progressive, et par un chirurgien expérimenté.

Références

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Conflit d’intérêts

Aucun.

Points forts

→ L’atteinte urinaire isolée, liée à la présence de calculs vésicaux d’urates d’ammonium, sans autre signe clinique, reste peu fréquente.

→ La prise en charge chirurgicale est associée à un meilleur taux de survie, notamment lors de shunt extrahépatique.

→ Les principales complications postopératoires sont le développement d’une hypertension portale, d’une hypoglycémie et de signes neurologiques.